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14avr 13
Si l’accusation de « populiste » a un sens, alors le mot doit être accolé au chef de l’Etat et à son premier ministre. Ils ont décidé de cacher la liste des fraudeurs du fisc, et refusent d’interdire les filiales dans les paradis fiscaux. Mais ils ont eux-mêmes décrété suspects tous les élus. Ils les astreignent à une publication de leur patrimoine radicalement inutile mais intrinsèquement infamante. A présent ce n’est plus seulement nous qui le disons. C’est la une du « Monde » de dimanche-lundi qui s’inquiète du populisme de Hollande ! Indépassable blague de l’arroseur arrosé. Certes, le couple exécutif voulait seulement donner un os à ronger aux chiens alors même que la mesure n’a aucune espèce de valeur pratique dans la lutte contre l’évasion fiscale. Mais il faut applaudir des deux mains. Car cela nous donne un magnifique point d’appui pour avancer dans une direction autrement plus gênante pour l’oligarchie.
Semaine des contrastes pour moi. A Martigues et à Montpellier j’ai rencontré des foules compactes et enthousiastes à l’appel du Front de Gauche. La force qui s’est constituée dans l’élection présidentielle ne s’est pas dissoute. Elle est disponible. Elle s’aguerrit dans l’épreuve. J’y reviens. En face, la radicalisation de la droite et sa jonction avec l’extrême-droite laisse de marbre les solfériniens. Mieux, Thierry Mandon félicite les manifestations contre « le mariage pour tous ». Pour eux il n’y a qu’un ennemi, un homme à abattre : moi. Et dans la presse parisienne, quotidiennement, sans relâche, continue le carrousel des diffamations, des insinuations, des photos effrayantes et le folklore habituel de ma diabolisation. Même à propos du décès de Margaret Thatcher !
Mais la dynamique de la manifestation du 5 mai est engagée. La tentative de la droite d’en détourner le sens en dit long sur la crainte que ressentent ces gens de voir la colère porter la société vers la gauche plutôt que vers eux. Car en face, la forme du vote de l’accord "made in Medef" autant que son contenu ont souligné la déchéance de l’équipe en place. Dans le même temps, la sortie de Montebourg, Hamon et Duflot contre l’austérité montrait que la cohésion de l’équipe ne repose pas sur la conviction mais sur la discipline et la peur de la sanction.
Déballage et enfumage
Il faut faire du judo médiatique. La publication des patrimoines des élus est un attrape-nigaud, destiné à écarter les regards loin des lieux où la partie de la finance occulte a ses véritables enjeux. Cependant exprimer une opposition politique et morale au grand déballage exigé par Hollande et Ayrault ne nous rapporterait rien. Sinon d’être rendus suspects. Il faut au contraire utiliser la loi de suspicion proposée par Hollande et Ayrault pour demander l’élargissement de son champ d’action.
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Suspect, c’est ce qui a failli m’arriver dans la mise en place d’un traquenard médiatique que je n’ai pas identifié tout de suite. C’était mon invitation au 20 Heures sur le plateau de « France 2 ». Je n’avais pas compris que j’avais été invité pour me « faire avouer » mon patrimoine. Comme je n’avais que quatre minutes de temps de parole, j’étais surtout soucieux de passer mes propositions. Mais comme Pujadas insistait et qu’il le faisait d’une voix mielleuse, au milieu de l’émission, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un piège ! J’ai immédiatement compris le profit que je pouvais en tirer. Alors, pour moi, tout l’intérêt de la situation était de retourner la charge. Du judo. J’ai demandé à Pujadas de révéler son propre patrimoine. Il se liquéfia ! Sainte trouille de la lumière, priez pour nous. Ces gens sont à notre portée ! Mille merci à Hollande et Ayrault qui nous ont livré la corde pour les pendre ! (NDLR : attention ceci est juste une expression. L’auteur est partisan de l’abolition de la peine de mort, même pour les exilés fiscaux.)
Mais pourquoi cet intérêt pour moi ? Je ne l’ai compris qu’ensuite. En fait comme vous le savez puisque j’en ai déjà parlé ici, l’extrême-droite répand des légendes à mon sujet. Notamment la rumeur selon laquelle je refuserais de faire connaître ma situation patrimoniale. La vérité est que j’ai toujours été contre cet exercice, que je considère comme une hypocrisie sans garantie de véritable transparence. Mais, bien sûr, je n’ai jamais refusé de le pratiquer pour moi-même. Mon patrimoine est donc public depuis des années. Mais quelqu’un dans la rédaction s’est dit « Mélenchon va refuser ». Pour les « journalistes » peu importe que mon patrimoine soit public ou pas et depuis combien de temps ! Peu importe que mes raisons contre cette pratique hypocrite soient d’ordre politique ! Cela n’a aucune importance. Ce qui leur importe c’est de salir « les politiques » et de se donner la posture enviable de ceux qui révèlent les turpitudes des autres. Et davantage encore de disposer d’un bon spectacle qui fait du buzz. Ils n’ont ni morale, ni sens civique ni aucun sentiment du devoir humain. C’est juste une meute que l’odeur du sang affole. Cela n’étonne que ceux qui croient encore que les médias politiques sont des miroirs de la société et n'ont pas compris qu’il s’agit juste d’une arène. Dans Marianne de cette semaine il y a un récit à propos du livre de l’ex-philosophe du « Grand Journal » de Canal+, Ollivier Pourriol. A mon avis ce bouquin n’aura pas de succès médiatique car il ne dit pas de mal des personnes. Il se contente de décrypter un système avec des arguments rationnels. Marianne rapporte qu’un technicien de plateau aurait dit à Pourriol : « Ne croient pas que les gens regardent un talk-show : ils regardent comme dans une arène qui bouffe, qui survit, qui crève ». Je ne crois pas que le spectateur se trompe de comportement. Je pense au contraire qu’il a parfaitement compris de quoi il s’agit. Il faut donc en jouer nous aussi. Car les gens de médias sont incapables de se contrôler une fois lancés sur la piste du sang. Ils n’imaginent même pas qu’on puisse les manipuler à leur tour et se servir de leurs plus bas réflexes pour faire avancer nos machines de guerre contre le système ! Dans mon cas leur excitation a été alimentée par une consigne commune à l’extrême-droite et au PS à mon sujet. Mais rappelons le, les journalistes influencés par le PS ou par l’extrême-droite relaient donc les éléments de langage moins par docilité politique que par gout du scandale qu’ils croient tenir. Leur appétit pour flatter les plus bas instincts est sans limite. Les « journalistes » ont donc fait « comme si ». Au prix du ridicule pour madame Ruth Elkrief qui sur BFMTV prétendait mercredi de nouveau que je refusais cette publication alors que je venais de la renouveler et que tout le monde en riait. Ou pour « Le Monde » qui reprend cette même assertion sur mon refus en début de semaine en précisant que je « m’en tire avec une pirouette ». Ah bon je « m’en tire » ? Le but était donc bien de me « coincer » ? L’intention de nuire est avouée. Personne n’a l’air de remarquer que Noël Mamère a refusé de publier quoi que ce soit. Et ses arguments ne sont pas repris. C’est comme « le coup de balai » : exquis dans la bouche de Ségolène Royal contre Sarkozy, inacceptable dans la mienne. C’est comme « salopard ». Pur dans la bouche de François Hollande en pleine campagne présidentielle contre Sarkozy, insupportable dans celle de François Delapierre contre Moscovici. Que ces exemples vous servent de leçon, mes chers lecteurs, les jours où vous vous demandez si « on n’en fait pas trop ». Comme disait le père Duchène : si je disais " bougre !" et "foutre !" pour défendre les aristocrates, ils trouveraient cela délicieux et piquant. Mais comme je le dis contre eux, ils trouvent ça odieux !
Je marche donc dans une double identité. L’une fabriquée de toute pièce par des portraitistes à gage et l’autre, tel que je suis, dans des positions toujours niées et occultées parce qu’elles sont incompréhensibles par le rustre médiatique ordinaire. Celui-la (celle-là) pense comme un répondeur automatique, écrit avec un marteau piqueur et s’étourdit de sa propre propagande. Voyez comment « Le Monde » rend compte de mes critiques contre le plan présidentiel ? Il ne dit pas un mot des propositions concrètes de lutte contre les paradis fiscaux que j’ai présentées le même jour au même endroit et qui sont plus brièvement formulées que mes critiques. Peu importe. Il faut utiliser leur insondable bêtise à notre profit. Bien sûr, le procédé utilisé par Hollande et Ayrault est un attrape-nigaud. Aucune déclaration publique d’aucune sorte n’empêchera un menteur de mentir, un voleur de voler. De toute façon, tant que les moyens ne sont pas mis en face des intentions tous ces discours ne sont d’aucune portée pratique. Le reste du dispositif de contrôle ne vaut pas mieux.
Seules les vraies fortunes pourront dire « merci » à Hollande et Ayrault. Grâce à eux, de la malhonnêteté d’un proche du président, Jérôme Cahuzac, on aura officialisé un soupçon généralisé strictement réservé aux élus. C’est à peine croyable. Cela doit nous aider à réfléchir. Les sociaux libéraux ont encore réussi à protéger le royaume de l’argent ! La bonne mesure eut été d’interdire à toute banque française d’avoir une succursale dans les paradis fiscaux. Pas d’en « révéler publiquement » la liste qui existe déjà dans n’importe quel bottin. La bonne mesure eut été de publier la liste des détenteurs de comptes dans les paradis fiscaux. Au minimum de ceux qui n’ont pas régularisé leur situation depuis que le fisc a reçu la liste des 3000 clients fraudeurs de HSBC. Pourquoi refuser de publier la liste des coupables avérés et publier celle des présumés innocents ?
Bref, la méthode misérable du tandem Ayrault-Hollande peut servir nos objectifs. Nous ne devons pas faire autre chose que d’applaudir des deux mains. Car c’est le moyen d’enfoncer un coin dans le dispositif de nos adversaires. D’une part le moment venu nous pourrons dire « il est prouvé que les mesures individuelles ne servent à rien, donc il faut des procédures collectives qui frappent à la racine du problème. » Les mesures contre le secret bancaires par exemple. Personne ne pourra nous accuser d’exagérer ou d’utiliser des méthodes inquisitoriales. Il suffira de rappeler les applaudissements de la caste médiatique aujourd’hui. De plus, Hollande et Ayrault ont ouvert une brèche qui permet d’exiger la même suspicion préalable pour d’autres catégories qui en seront bien plus encombrées et qui le méritent bien davantage. Par exemple les dirigeants des groupes de presse, les rédacteurs en chef, les chefs de rubrique que nous accusons de cacher la vérité, les grands patrons d’entreprise stratégique et les banquiers dont les décisions impliquent l’équilibre du pays. Les riches en général qui font circuler de l’argent. Et ainsi de suite. Naturellement cela ne se fera pas aujourd’hui. Ce refus sera donc une nouvelle occasion de les montrer du doigt comme des gens qui ont quelque chose à cacher, ce qui est l’exacte vérité. Dans ces conditions nous tirerons de la bêtise des Rantanplans solfériniens un effet mécanique de propagande et de discrédit contre nos adversaires. Rien n’est plus utile pour continuer d’effondrer la légitimité de l’ordre politique et social en place.
Ce qui me fait jubiler c’est de voir les Rantanplans solfériniens pris à leur propre piège. Ainsi quand, à la une du « Monde », François Hollande est soupçonné de populisme, et que l’historien Pierre Birnbaum l’en accuse avec des arguments et une démonstration qui était jusque-là utilisée par les mêmes solfériniens contre nous ! Birnbaum, à son tour, ressort les épouvantails des années 20 et 30. Mais cette fois ci, c’est bien contre Hollande ! Trop drôle ! En attendant, grâce à Pierre Birnbaum, j’ai enfin compris ce qui m’est reproché. Car depuis trois semaines je m’arcboute contre l’amalgame avec le vocabulaire et les méthodes de l’extrême-droite de ces années-là. Pierre Birnbaum m’éclaire par son reproche à Hollande. Je vais citer tout un passage de son argumentaire. « J’ai écouté attentivement ce qu’a dit François Hollande, mercredi 10 avril, à la sortie du Conseil des ministres. J’ai été étonné par les mots et les métaphores qu’il a employés. « Nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte ». Comment ne pas penser aux années 1920-1930, à la dénonciation du « mur de l’argent », des « ploutocrates » et des « deux cent familles ». Le lecteur sait-il que deux types de critiques radicalement opposé à l’époque sont ici amalgamés par Pierre Birnbaum? « Ploutocrates » est pris dans le vocabulaire de l’extrême-droite antisémite d’avant-guerre. Le « mur de l’argent » et les « deux cent familles » sont des mots du vocabulaire du Front Populaire pris dans la bouche de Léon Blum. Donc en résumé, Pierre Birbaum met dans le même sac toutes les dénonciations de l’argent de la période d’avant-guerre ! C’est très instructif ! Je pense que c’est le fond non-dit de tout ce qui m’est reproché. Ce n’est que la dénonciation de l’argent roi. Birnbaum lui au moins ne se cache pas derrière une indignation de façade. Il assume : « Comment ne pas être troublé, écrit-il, par ces références qui constituent le vieux fond sémantique de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite ? ». Je lui suis reconnaissant de noter que « nul ne peut accuser Mélenchon de préjugés antisémites ». Mais je persiste à dire que c’est une terrible erreur d’imputer à mes propos au sujet de « la langue de la finance internationale » des connotations telles que « une telle phrase appartient à un registre qui ne peut que les évoquer ». Je ne le dis pas en défense de mon droit à parler comme je l’entends sans tenir compte de la religion de ceux dont je parle, mais pour souligner quel genre de précédent scandaleux est créé si l’on considère que parler de « finance internationale » serait une incrimination raciste.
La droite et le PS coulent en bande organisée
Ce qui reste de parole organisée au PS cogne aussi sans retenue, évidemment pour dénoncer mes « outrances », sans jamais dire lesquelles, et m’accuser, en toute modération, de toutes les horreurs qui leur passent par la tête. Ainsi le sieur Thierry Mandon ! Il félicite les manifestations hostiles au « mariage pour tous » mais n’hésite pas à dire que la marche du 5 mai est la « honte de la gauche » qui « rappelle les manifestations anti-parlementaires des ligues fascistes de 1934 ». En toute modération cela va de soi. Mais si pénible que cela soit, tout cela est périphérique. Le cœur de la situation c’est le blocage progressif du système politique de la Cinquième République.
L’agonie des institutions s’accélère et devient d’autant plus douloureuse que les partis qui la dominent sont eux-mêmes en convulsion permanente. Dans ce contexte, le prix du Rantanplan de droite revient naturellement à François Fillon venu raconter son patrimoine pour contraindre Copé à en faire autant, dans l’espoir de discréditer ce dernier. C’est à peine mieux que Désir et son référendum proposé pour passer pour un stratège face à son rival Jean-Christophe Cambadélis. Le tir de barrage contre l’austérité venu de Duflot, Hamon et Montebourg en dit long sur le fait qu’il n’y a pas « une seule ligne » au gouvernement contrairement a ce que raconte Ayrault. Il y a en a deux et il en va de même dans le groupe socialiste à l’Assemblée. Pour ne rien dire de la majorité prise dans son ensemble. Car il ne s’est pas trouvé un seul député EELV pour voter l’accord « made in Medef », en plus des vingt députés PS qui ont également refusé de le faire ou qui ont voté contre. Il y a même un PRG ! Au total 74 députés de gauche ont refusé leur appui au gouvernement dans la circonstance ! Lequel a achevé d’humilier la représentation nationale et tous les naïfs qui avaient prétendus obtenir des garanties grâce à leurs amendements. En effet, au dernier moment, le ministre a demandé une « seconde lecture », c’est-à-dire un vote d’un bloc sur l’ensemble du texte tel que présenté initialement. Hop ! Tous les amendements ont été annulés d’un coup ! Si j’en traite ici alors que j’ai fait aussi une note particulière sur ce débat c’est pour mettre en lumière l’ambiance qui est ainsi créée à l’intérieur de la « majorité gouvernementale ». Tous savent qu’ils sont des objets sans importance pour le château. Rien n’est plus démoralisant qu’une troupe qui se sait méprisée par ses chefs ! Et qui méprise ses chefs à due proportion. Dans cet environnement, la cohésion du groupe qui tient la majorité est juste une apparence qui ne tient aucun choc extérieur. Mais ces gens-là sont davantage qu’eux-mêmes à cet instant. Ils sont le cœur du dispositif institutionnel. Leur débandade ne sera jamais un événement neutre. Ce sera au contraire le début de la fin.
L’image de l’invasion des PSA dans le conseil national du PS est un bon résumé de situation. Un retour du réel social sur les genoux de gens qui venaient de trouver une fois de plus un arrangement de pacotille entre eux pour que rien ne se voient à l’extérieur de l’effondrement de leur parti. La suite sera parfaite, sachez-le. Les PSA demandent un médiateur. Cette revendication n’a rien de révolutionnaire. Elle leur est refusée depuis des mois. Le ministre ne fera rien pour y répondre. Moscovici y veille et Ayrault n’y comprend rien. Si j’en parle c’est pour souligner ce fait que plus rien ne vient désormais combler le fossé de méfiance et de colère qui sépare le PS du grand nombre des salariés qui assistent à ce genre de spectacle.
Le principal souci de l’état-major solférinien est que la colère qui résulte de la situation n’aille pas de notre côté, vers le Front de Gauche. Leur préoccupation rejoint celle de l’extrême-droite qui reste collée par son affaire de compte Cahuzac ouvert par le bras droit financier de madame Le Pen. L’extrême-droite sait que le Front de Gauche gagne du terrain à la base. Et d’abord parce que la force rassemblée dans la campagne électorale ne s’est pas débandée comme c’est le cas pour tous les autres groupes. La ferveur des rassemblements à Martigues et à Montpellier est une démonstration de force et de dynamique ! L’extrême-droite n’est plus capable de cela à cette heure. Force électorale ? Oui sans doute. Mais une force diffuse et diluée, sans consistance opérationnelle. En atteste le renouveau d’activité des groupuscules d’extrême-droite qui sont contraints d’occuper le terrain déserté par le nouveau FN « dédiabolisé ». Marine Le Pen s’est fait prendre le leadership politique par les organisateurs des manifestations contre « le mariage pour tous ». Faut-il rappeler que madame Le Pen ne participe pas à ces manifestations ? Et que son bras droit, monsieur Philippot, les tient à distance ? Au contraire dans notre camp il n’y pas de frontières avec les milieux politico-sociaux qui nous portent et que nous soutenons ! C’est ce qu’ont montré toutes les manifestations syndicales de ces derniers temps, et l’accueil que j’ai reçu au congrès de la CGT. Mais d’un point de vue de classe, comme dirait Cahuzac, l’alerte est donnée. Pour la droite et l’extrême-droite lepéniste, il ne faut pas laisser la colère se cristalliser à gauche et autour de nous gens dont ils connaissent la détermination et la volonté de pouvoir. D’où les changements de dates de leurs manifestations pour se coller à notre appel pour le 5 Mai. Naturellement il ne s’agit pas pour eux de manifester avec nous quand bien même certains mauvais plaisants essaient de le faire croire. Ils manifesteront peut être ailleurs dans Paris et sur leurs propres mots d’ordre. Mais c’est l’aveu que ce changement de date contient qui est important.
Cette conjonction de date est bien sur une aubaine pour les solfériniens. Ils tiennent là une nouvelle machine à calomnies. Mais pour les nôtres c’est un stimulant formidable : montrer que c’est à gauche que se fait l’alternative. En mobilisant nous prenons la tête d’un processus très large. Les solfériniens vont être contraints d’appeler à abandonner la rue à la droite. Ils vont devenir aux yeux de tous les propagandistes de la manifestation de la droite. Et nous, nous avons la responsabilité d’être la gauche ce jour-là, face à la droite ! Cette situation est un moment d’éducation populaire de masse. Nous n’allons pas la manquer.
L'Assemblée nationale a voté la loi qui reprend l'accord "Made in MEDEF". C'est désormais bien une loi MEDEF-Ayrault. Elle transforme en règles juridiques l'accord imposé par le MEDEF le 11 janvier dernier. Le vote à l'Assemblée est intervenu ce mardi 9 avril. Les députés PS et PRG ont sabordé des pans entiers du code du travail. Pendant ce temps, des milliers de salariés manifestaient pour leurs droits sociaux, à l'appel des syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU, parfois sous la pluie comme à Paris.
Seuls les députés Front de Gauche ont unanimement voté contre. Mais cet accord "Made in MEDEF" n'a pu être adopté qu'au forceps. La majorité parlementaire de Jean-Marc Ayrault avoisine les 330 députés en temps normal si on ajoute PS, EELV, PRG MRC et divers gauche. Seuls 250 députés ont voté pour ce texte "made in MEDEF" ! Les députés Europe Ecologie se sont tous abstenus ainsi qu'une trentaine de députés PS des courants Hamon et Maurel. On compte même cinq courageux socialistes qui ont voté contre avec le Front de Gauche. Voici leurs noms : Pascale Boistard, Kheira Bouziane-Laroussi, René Dosière, Christophe Léonard et Stéphane Travert.
Parisot et le MEDEF peuvent être contents. Hollande et Ayrault leur ont servi sur un plateau tout ce qu'ils demandaient : licenciements facilités, code du travail suspensible, mobilité forcée pour les salariés, réduction des délais de recours et du contrôle du juge et des instances représentatives des salariés etc. Après le débat à l'Assemblée, Laurence Parisot, la présidente du MEDEF, s'est déclaré "satisfaite : l'Assemblée a respecté les grands dispositifs qui étaient dans l'accord".
Le texte doit encore passer au Sénat à partir du 17 avril. Là-bas, le Front de Gauche continuera à s'opposer. Pour faire adopter ce texte, le PS aura besoin des voix de la droite ou au moins de son abstention complice. Comme sur le traité européen, la règle d'or et ainsi de suite. Après avoir voté main dans la main contre la souveraineté du peuple, l'UMP et le PS vont-ils s'allier contre les droits des travailleurs ? C'est fort probable. Le signal a déjà été donné à l'Assemblée ce mardi : la droite s'est abstenu au grand complet : UMP et UDI réunies. Si l'UMP et l'UDI avaient voté contre, le texte aurait été rejeté. L'accord MEDEF-Ayrault n'a été adopté que grâce à l'abstention de la droite.
Le Parlement est muselé. Le gouvernement a déclaré l'urgence : il n'y aura qu'une lecture à l'Assemblée et une au Sénat au lieu de deux normalement prévues par la Constitution. Le gouvernement a exigé que l'Assemblée siège samedi et dimanche pour pouvoir tenir le délai d'un vote mardi 9 avril. Les députés ont enchaîné pendant une semaine les sessions de jours et de nuits. Le gouvernement et le PS ont même refusé de modifier l'ordre du jour pour permettre un débat suite aux aveux de Jérôme Cahuzac, comme le demandait les communistes.
François Hollande a donné un droit de veto au MEDEF sur la loi. Il l'avait encore redit dans son intervention télévisée du 28 mars. Selon ces mots, le Parlement devait voter "tout l'accord, rien que l'accord". Obéissant au MEDEF, le président de la République a donc renoncé à écouter deux des trois premiers syndicats du pays, la CGT et FO. Il a renoncé à mettre dans son projet de loi ses propres promesses de campagne : disparue la limitation des licenciements boursiers, oubliée l'obligation de céder un site rentable… Hollande a même exigé que les parlementaires renoncent à leur droit d'amendement. C'est pourtant un droit constitutionnel. "Toute correction devra être approuvée par les signataires" a dit le président. Les députés sont réduits au rang de photocopieurs du MEDEF. Ainsi va la "République exemplaire" de François Hollande. Plus de 200 ans après le veto du roi, le PS invente le véto Parisot.
Le gouvernement a ainsi donné un avis "défavorable" à tous les amendements qui n'avaient pas été approuvés par le MEDEF. Et le PS les a tous rejetés. La quasi-totalité des amendements des députés Front de Gauche a ainsi été rejetée. Le PS et EELV ont rejeté tous les amendements qui proposaient de donner des droits nouveaux aux salariés. Mais ils ont aussi rejeté les amendements qui visaient à limiter le texte et ses effets sur la vie des salariés. Le PS a ainsi rejeté un amendement qui interdisait de muter un salarié contre sa volonté à plus d'une heure de son domicile. Le texte ne contiendra pas de limite chiffrée. Le rapporteur du texte, le député PS Jean-Marc Germain a plusieurs fois expliqué qu'"à titre personnel" il était d'accord avec des amendements du Front de Gauche mais qu'il demandait à l'Assemblée de les rejeter car "tous les signataires ne sont pas d'accord". Quelle humiliation pour le Parlement : des députés votant contre leur volonté ! A moins qu'ils n'aient tous simplement par le courage de s'opposer à leur chef.
Le plus humiliant pour la démocratie parlementaire aura été atteint dans la nuit de samedi à dimanche. Le PS a voté comme un seul homme pour les accords de compétitivité-emploi. J'en ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Ces accords permettront aux actionnaires et au patronat de faire du chantage à l'emploi pour obliger les salariés à baisser leur salaire sous peine de voir leur entreprise fermée. Il y a encore un an, le PS était contre ces accords, proposés par Sarkozy. Ce week-end, aucun député PS n'a voté contre. Les quatre députés PS qui avaient appuyé sur le bouton "non" se sont empressés d'aller rectifier leur vote en "pour". A peine deux députés PS se sont abstenus. Seul le Front de Gauche a voté contre. Le PS a même rejeté un amendement qui interdisait le versement de dividendes pendant la durée d'application de ces "accords compétitivité-emploi". Un comble : les salariés verront leurs droits massacrés mais les actionnaires pourront continuer à se goinfrer ! Et c'est au PS qu'on doit cette situation !
Le Front de Gauche a mené "seul" la bataille. Ce n'est pas moi qui le dit. C'est l'agence de presse Reuters. Elle a publié une dépêche sous ce titre dès vendredi dernier. Dès le début de la discussion, aucun député PS ni EELV n'a voté pour la motion de rejet préalable du texte déposé par le FG. Aucun ne s'est même abstenu. Tous l'ont rejeté comme un seul homme. Les députés Front de Gauche ont déposé 4 500 amendements. Ils ont multiplié les prises de paroles et les explications de vote pour bien alerter les salariés et tenter de convaincre. Ils ont aussi demandé de très nombreux scrutins publics. Vous pouvez donc aller vérifier sur le site de l'Assemblée ce qu'a voté votre député, amendement par amendement, article par article. Certains dans la majorité aurait aimé pouvoir voter ces mauvais coups en catimini. François de Rugy, le président du groupe Europe Ecologie, a même critiqué "l'obstruction" des députés du Front de Gauche.
L'UMP a vendu la mèche. Le lundi matin Xavier Bertrand, ancien ministre UMP du travail, a annoncé qu'il ne voterait pas contre la loi. Avant lui, dans le débat à l'Assemblée c'est l'ancien trésorier de l'UMP Dominique Dord qui avait levé le voile sur l'hypocrisie socialiste. Il a accusé le PS de chercher à "planquer sous le tapis" l'article sur les accords compétitivité-emploi "parce que c'est la preuve vivante que le code du travail joue contre le maintien de l'emploi, quand ça va mal, on met de côté le code du travail, voilà ce que dit cet article". Il a enfoncé le clou en déclarant au sujet de ces accord : "les mêmes accords, il y a un an, vous les combattiez". Alors, qui vote avec l'UMP ?
Le PS n'est battu que par le FN, en matière d'hypocrisie. Le parti des Le Pen prétend « défendre les travailleurs ». En fait, il s'en moque. Quand les droits des travailleurs sont sous la mitraille patronale, le FN est aux abonnés absents. Les députés du FN n'ont déposé aucun amendement sur ce texte. Ils n'ont aucune espèce d'idée sur ce qu'il faut faire pour protéger les travailleurs, leur donner de nouveaux droits, limiter le pouvoir exorbitant du patronat. Ils sont tout juste venu voter. Mais tout le monde aura bien vu que quand l'essentiel est en jeu pour des millions de salariés, le FN brille par son absence et son silence complice. Donc coupable.
Mort de Thatcher : ni fleurs ni couronnes !
Margaret Thatcher est décédée lundi 8 avril. Elle sera enterrée aux frais de l’Etat qu’elle détestait. J’espère que le ministre Victorin Lurel nous donnera une nouvelle fois des nouvelles de l’état du cadavre comme il l’a fait pour Chavez puisqu’il paraît que c’est là un commentaire normal. Je dis Victorin Lurel car qui d’autre pourrait y aller ? Je n’imagine pas que ce soit notre glorieux nouveau président, ou son impressionnant premier ministre qui fassent le déplacement pour honorer la dépouille de l’ennemi. N’ont-ils pas répondu à qui les interrogeait sur leur absence à Caracas pour les funérailles de Chavez qu’ils « n’avaient pas programmé la mort de Chavez » ! Ne me dites pas que ces deux aigles avaient prévu celle de Thatcher ! Pour ma part, j’ai réagi sur Twitter en disant qu’elle découvrirait en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs. Les jabots à dentelles se sont offusqués. Je persiste et signe.
Les précieuses personnes se sont offusquées de la « violence » de ma réaction. Une indignation de commande certes. Mais je veux montrer ce qu’elle couvre. « On ne dit pas de mal des morts ». Surtout si ce sont des femmes, ont précisé certains. Exquise délicatesse ! Pourtant la même réserve ne s’était pas notée au décès d’Hugo Chavez. Certains ont même fait des remarques sur l’état de son cadavre, comme je viens de le rappeler. Donc le respect dû aux morts devrait nous faire oublier qui était cette brave dame ? Il ne faut pas y compter de ma part. Pour moi, avant tout, elle est l’amie publique du général Pinochet, l’ignoble dictateur chilien qui fit torturer et massacrer trois mille des nôtres. Elle le remercia pour son action et elle le choya tout au long de sa vie. Cela seul suffirait pour aller cracher sur sa tombe. Les mêmes commentateurs qui revenaient tous les trente secondes sur la présence d’Ahmadinejad aux obsèques de Chavez passent pudiquement en silence sur cette amitié pourtant publiquement assumée. L’ignominie de la madame ne s’arrête pas là. Faut-il rappeler que cette femme considérait l’ANC de Nelson Mandela comme une « organisation terroriste » ? Faut-il oublier qu’elle soutenait le pouvoir en place pendant le régime d’apartheid ? Doit-on oublier son agression contre les Malouines argentines ? Faudrait-il saluer sa complicité politique avec ce crétin borné de Ronald Reagan qui fit descendre de leur tour de contrôle, les fers aux pieds, les contrôleurs aériens en grève ? Non pas question. La lutte continue dans les cimetières, c’est la leçon des funérailles de Chavez ! La dame est surtout la fondatrice de la politique ultra-libérale qui est en train de détruire l’Europe et qu’elle pratiqua avec une férocité d’illuminée pendant onze longues années dans son pays qu’elle dévasta. Faut-il rappeler qu’elle a laissé mourir le prisonnier républicain irlandais Bobby Sands après soixante-six jours de grève de la faim ? Le 5 mai prochain sera aussi l’anniversaire de ce meurtre. Face aux oublieux et pleurnicheur de commande j’ai décidé de me souvenir avec rancune et malédictions de ce qu’elle a fait aux mineurs anglais. Fermant les mines « pour l’exemple » elle décida d’affronter le secteur le plus organisé de la classe ouvrière anglaise. Des milliers de mineurs grévistes furent alors sauvagement maltraités, leurs piquets de grève violemment brisés par la police qui les pourchassait jusque dans les bois alentours. Et ce n’était là qu’un premier pas dans la longue entreprise de démolition des syndicats qui lui servait de feuille de route : elle considérait les charbonnages comme une répétition générale de son projet politique. Elle voulait en faire un exemple. En s’attaquant au secteur dans lequel le syndicat était réputé invincible, elle voulait montrer que rien ne devait résister à la loi libérale. Tout cela pour qu’aujourd’hui la Grande Bretagne importe une grande partie du charbon dont elle a besoin ! Croit-on que les Anglais se réjouissent des privatisations, de la suppression des aides sociales, de la dévastation du système de santé qui sont la grande œuvre de Thatcher ?
Depuis 1985, près de 230.000 mineurs ont perdu leur travail et 165 mines ont été fermées par le gouvernement de Thatcher. L’hommage du Front national, ennemi viscéral des syndicats de classe n’en est que plus notable quand il décide de « saluer la mémoire d’une dirigeante de convictions profondément attachée à la souveraineté de son pays. »
Quant à nous, nous devons nous sentir plus proches des mineurs qui se réjouissent par provocation aujourd’hui de voir disparaître celle qui a ruiné leurs vies. A l’annonce de sa mort, David Hopper, le responsable régional du syndicat des mineurs dans le nord-est de l’Angleterre a fait cette déclaration qui va écœurer les bienpensants : "Je bois un verre en ce moment précis. C'est un jour merveilleux. Je suis ravi. C'est mon 70e anniversaire aujourd'hui et c'est l'un des meilleurs de ma vie. Thatcher a fait plus de mal dans le nord-est que qui que ce soit d'autre. Il ne s'agit pas seulement des mines de charbon. Elle a entrepris de détruire les syndicats. Elle a décimé l'industrie, détruit nos communautés. L'Angleterre importe maintenant 40 millions de tonnes de charbon chaque année. C'est absolument scandaleux. Nous essayons d'organiser une fête tous ensemble le jour de ses funérailles. Il n'y aura pas beaucoup de larmes qui vont couler pour elle par ici. Je ne pense pas non plus que beaucoup regarderont les funérailles à la télé, ils regarderont sans doute du foot. »
Comme nous, le réalisateur Ken Loach ne pleurera pas Thatcher. Voici sa réaction : « Margaret Thatcher fut le premier ministre le plus diviseur et destructeur des temps modernes : chômage de masse, fermeture d'usines, des communautés détruites, voilà son héritage. Elle était une combattante et son ennemi était la classe ouvrière britannique. Ses victoires, elle les a obtenues grâce à l'aide des figures politiquement corrompues du Parti travailliste et de nombreux syndicats. C'est à cause des politiques mises en place par elle que nous sommes aujourd'hui dans cette situation. D'autres Premiers ministres ont suivi son exemple, notamment Tony Blair. Elle a tiré les ficelles, il fut sa marionnette. Souvenez-vous qu'elle a qualifié Mandela de terroriste et qu'elle a pris le thé avec Pinochet, ce tortionnaire et assassin. Comment lui rendre hommage ? En privatisant ses obsèques. Faisons jouer la concurrence et allons au moins offrant. C'est ce qu'elle aurait fait. » La bonne société des muscadins et merveilleuses n’a pas fini de s’indigner de nos mémoires tenaces et de nos vindictes argumentées. Margaret Thatcher était une grotesque gargouille réactionnaire, criminelle et fanatisée. Quand on lui demandait ce qu’elle considérait comme sa plus grande réussite, elle plissait des yeux de plaisir pour répondre « Tony Blair ». Nous ne la pleurons pas. Nous ne la regrettons pas.
Les illustrations de cet article proviennent de la galerie « De Marseille à Martigues, contre l'austérité » et sont signées Raphaël Bianchi
09avr 13