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25fév 13
Parfois le petit train-train de l’actualité choisie pourrait parvenir en effet à nous endormir. Mais, le bruit de la marée est si puissant quand la mer vient battre la falaise ! Entendez-vous ? En Inde, ce week-end a eu lieu la plus grande grève générale de l’histoire du mouvement ouvrier mondial, avec cent millions de grévistes. Il s’agissait d’un appel unitaire des organisations syndicales contre la cherté de la vie, les mauvais salaires et les privatisations. Voilà donc ces bons indiens qui se comportent comme des ouvriers de Goodyear en quelque sorte ! Je ne parle pas de « bruit de la marée » sans intention. Ce week-end a eu lieu dans toute l’Espagne et spécialement à Madrid une immense « marée citoyenne ». Le vocabulaire était plus fleuri que d’habitude pour dire « que se vayan todos ».
En Italie jusqu’à la dernière minute, des rassemblements immenses se sont opérés sur les places pour dire « tous dehors ! ». Un peu plus tôt, un peu plus tard, la chaîne va rompre dans l’Europe du sud. Juste en face du Maghreb frémissant. Préparons sérieusement le 5 Mars avec les syndiqués qui refusent l’accord MEDEF. J’y reviens.
Et maintenant, voilà les « marées citoyennes » !
Ce n’est même plus nouveau. En Italie, la meute médiatique aura tout fait pour nier nos amis et servir la soupe aux marionnettes successives que la comédie aura fait s’agiter pour protéger « la seule politique possible ». A présent ce sont les pitoyables santons de la prétendue social-démocratie de la péninsule qui portent les espérances effrayées du beau monde. Avant cela, même en soufflant fort, ils ne sont pas parvenus à faire gonfler cette baudruche sans consistance de Mario Monti. Celui-là s’est pris les pieds dans le tapis en croyant que la ferveur amoureuse de la presse de révérence valait suffrage populaire. En Espagne l’éducation du mouvement populaire progresse à présent sous la forme de « marées citoyennes ». Les leçons à tirer valent pour la France.
J’ai déjà écrit au sujet de Mario Monti, le pantin de la Commission européenne. Quoi qu’il en soit, il faut espérer que le social-libéral Pier Luigi Bersani gagne, puisque nous ne pouvons pas y arriver nous-mêmes cette fois-ci. Ce sera autant de temps de gagné. Car pour que le processus que nous voulons ait lieu, il faut que les sociaux-libéraux soient passés eux aussi à la poubelle politique. Et donc que le très grand nombre ait fait l’expérience de leur incapacité à faire quoique ce soit d’utile au peuple. Ces « démocrates » italiens, qui ne se disent eux-mêmes pas « de gauche » et sont la honte de la « social-démocratie » européenne qui les accueille dans son groupe parlementaire européen, se couperont eux même la gorge et bien plus vite qu’on ne le croit. Non seulement ils feront exactement la même politique que les libéraux précédents avec lesquels ils étaient déjà en coalition mais ils feront revenir au pouvoir Monti sous une forme ou une autre. Peut-être même nous feront-ils la faveur d’une « grande coalition », condamnée à l’échec et qui nous permettra de les chasser tous d’un coup à l’inévitable et très prochaine élection suivante. D’autant qu’en cas de grande coalition, les affaires qui rattraperont les démocrates peu après avoir été élus feront bloc avec celles qui plombent déjà tous les autres. Même fumier, même tas. Ces deux points là finiront de les assimiler aux yeux de tous à l’indigne classe politique que le peuple italien doit détruire pour avancer. Je fais l’amical reproche à nos amis de « rivoluzione civile » de ne pas comprendre la place particulière de la fonction tribunicienne dans notre combat. Je sais que la personnalité d’Antonio Ingroia, toute en retenue et sobriété empathique, ne le porte pas au rôle. Ce n’est pas sa personne que je mets en cause. Un ancien juge anti-Mafia qui a vécu dix ans entre deux voitures blindées et quatre gardes du corps a des excuses à ce sujet. Mais qui ne voit Bepe Grillo, en Italie, envahir les places publiques à notre manière, proposer un haut salaire minimum à mille euros et animer ses rassemblements aux cris de « tous dehors » ? Il est temps de comprendre que le phénomène révélé par l’affluence populaire est la matière première de la ligne de la révolution citoyenne et non un embarras. Inutile après cela de remplir les commentaires de ce blog avec des dénonciations du contenu du discours de Grillo. Je ne le soutiens pas. Je veux donner à voir ceci : la vague que j’ai annoncée et décrite pour l’Europe à partir de mon expérience latino américaine déroule ses anneaux dans les formes prévues. Cette réalité ne se laissera pas enfermer dans les formes traditionnelles de l’action politique. Ce n’est pas un hasard quand même si dorénavant le mot d’ordre que « se vayan todos », s’est décliné en « dégage » en Tunisie et Egypte, « tous dehors » en Italie et « fuera todos », entre autres en Espagne. Les gens ont assez de bons sens pour comprendre que pour changer de monde il faut d’abord chasser tout le personnel politique de l’ancien régime. Sinon qu’est-ce que l’ancien régime ? Cela n’est pas sans conséquence pour nous, ici, en France. Je plaide pour la ligne de rupture. Il ne faut rien combiner ni rien arranger avec l’ancien régime. Qui y met le doigt mourra avec. Toute illusion répandue ne dupera que celui qui s’y sera prêté. Le grand nombre doit se débarrasser de toute la caste des gardiens du temple libéral et peu importe pour lui, le moment venu, le plumage des oiseaux dans la volière. La patience et la ruse ne doivent pas se prendre pour des fins en soi.
L’autre leçon de tout cela est le regard qu’il faut porter sur la capacité d’initiative populaire. C’est d’elle que tout dépend. Je fais le reproche à notre actuelle manière de faire de ne pas assez compter sur elle et de ne pas l’aider à se construire. Notre futur n’est pas possible sans que le grand nombre se soit lui-même éduqué et entraîné au mouvement. Quand nous avons fait les trois rassemblements pour la Sixième république il s’agissait déjà de cela et nous ne nous en cachions même pas. Il faut faire confiance à cette façon de faire. Evidemment en soignant la préparation. Les rassemblements en semaine aux heures de travail sont à proscrire non seulement parce qu’ils n’atteignent pas le but, mais aussi pour la démoralisation qu’ils sèment parmi les plus motivés qui font le déplacement. Les marches que nous devons organiser ont lieu le dimanche, en famille, avec tout ce que ces mots impliquent. Nous avons davantage besoin de cela que de meetings formels même si ceux-ci ont évidemment leur utilité. Par exemple, nous avons aussi besoin de séances de lectures collectives de l’accord MEDEF qui prennent le relais dans la cité de ce que les syndicats font dans les entreprises. Mon intention ici est de souligner la puissance latente du mouvement populaire dans notre pays. Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement compte tenu de ce que nous voyons dans le reste de l’Europe du sud y compris lorsque le point de départ était moins avancé comme ce fut le cas en Espagne. Il ne faut donc pas recommencer à l’ancienne les interminables réunions de comités bavards qui regroupent les habitués mais aller à l’audace dans la direction du grand nombre. Entre le 30 septembre réussi comme manifestation politico-syndicale, en dépit de tous les bâtons dans les roues, et la marche annulée sur Florange pour toutes les bonnes raisons du monde, où était la vérité de lutte. Les bonnes raisons de ne pas faire ont-elles jamais fait avancer quelque chose ? Les grands esprits m’ont encore récemment reproché d’être devenu « mouvementiste ». Il est vrai que je suis fortement teinté depuis toujours de luxembourgisme et de sans-culotterie. Mais à tous les faiseurs d’étiquettes je veux faire un cadeau. Ce récit de Céline Meneses, une des jeunes dirigeantes du Parti de la gauche européenne, présente à Madrid ce week-end pour la mobilisation qui s’y tenait. J’adjure qu’ayant lu cela on comprenne quel est le moment politique en ne le regardant pas qu’avec les vieilles lunettes.
« Le mouvement du jour porte un nom: la "Marée citoyenne". Ce sont en effet toutes les "marées" (nous ne sommes plus de simples vagues, nous sommes des marées et aujourd'hui, à n'en pas douter, un tsunami !) qui vont converger dans plus de 50 villes du pays. Les "marées", ce sont les mouvements citoyens qui ce sont organisés depuis plusieurs mois pour dénoncer la casse des emplois et des services dans un secteur particulier. Chaque marée a sa couleur. La "Marée Verte" est un mouvement contre la casse de l'enseignement public que notre camarade Juliette Estivill, responsable Espagne du PG et membre du groupe de travail Education du PGE a régulièrement mise en valeur sur le site du Parti de Gauche. Réduction du nombre d'enseignants, baisse des bourses, hausse des frais de scolarité et maintenant projet de loi Wert ramenant l'enseignement espagnol à l'époque du franquisme, voilà quelques-unes des "réformes" contre lesquelles ce mouvement lutte depuis des mois. La "Marée Blanche", contre la privatisation de la santé publique grandissante. La "Marée Violette" se bat pour la défense des droits des femmes, contre la précarisation des femmes, contre les coupes budgétaires dans l'aide aux femmes victimes de violence et contre la remise en question du droit de toutes à l'avortement par Gallardon. La "Marée Orange" lutte contre la casse des services sociaux. La "Marée Noire" concerne notamment les mineurs en lutte contre la fermeture des mines des Asturies et d'ailleurs. La "Marée Bleue" lutte contre la privatisation de l'eau et pour la gestion publique de l'eau partout dans le pays. A ces marées s'ajoutent d'autres mouvements citoyens. Par exemple, les mouvements dits "des indignés", notamment le « 15M » preneur de places espagnoles et le « 15S » qui encercle régulièrement le Congrès des députés. Mais il y aussi les mouvements de lutte contre les expulsions de logements qui ont concerné 400 000 personnes en trois ans dont 180 000 en 2012 !
Il est 16h35, nous sortons au pas de course du métro à la Puerta del Sol. Le leader d'Izquierda Unida Cayo Lara, nous attend sous la statue de l'Ours de la place. Il est heureux de nous voir arriver. La place est comble comme jamais ! On se demande si aux départs des quatre autres colonnes de la marche il y a autant de monde. D'après les bruits qui courent, le rassemblement madrilène serait le plus grand qu'on ait jamais vu en Espagne ! C'est enfin le départ. Cayo Lara nous demande à Marisa Matias (vice présidente du PGE et responsable internationale du Bloco de Esquerda du Portugal) de marcher à ses côtés derrière la banderole d'Izquierda Unida. Stéphane Burlot, venu spécialement pour l'occasion, vient d'arriver. Il mitraille !
La marche avance lentement. On est stoppé toutes les deux minutes par des citoyens qui veulent serrer la main à Cayo Lara, prendre une photo avec lui, ou par les médias qui l'interrogent. Il y a encore un an, il n'y avait pas une telle ferveur autour de Cayo et d'Izquierda Unida. Je suis très impressionnée. Cayo prend la chose avec la bonté et la simplicité qui lui sont habituelles. Il prend les journalistes en photos. "J'ai bien le droit moi aussi" dit-il en riant. Les gens l'aiment bien. Les jeunes journalistes qui sont là aussi. Je ressens la même impression que quand les gens saluent Jean-Luc Mélenchon en France, que quand les jeunes journalistes ont envie d'apprendre de Jean-Luc Mélenchon. C'est incroyable de voir, avec des personnes et des façons d'être différentes, la même chose se reproduire. Cayo insiste pour que Marisa et moi soyons le plus visible possible. Pour lui, c'est très important de montrer que des représentantes européennes soutiennent le mouvement. Willy Meyer, député européen et responsable international d'Izquierda Unida explique aux journalistes que nous sommes les représentantes du Bloc de Gauche et du Front de Gauche.
On nous annonce que 6000 policiers nous entourent. Un hélicoptère vrombit dans le ciel. Nous en bas on crie, on chante, et on se demande bien combien on est. Au loin, on aperçoit la place Cibeles. Elle est pleine à craquer ! Une camarade d'IU me confie qu'elle n'a jamais vu ça. "Pero es que estamos muy, muy, quemados" (mais c'est qu'on en a vraiment ras le bol") ajoute-t-elle, l'air sombre. "Hasta los ovarios del Fondo Monetario ! Hasta las tetas de las hipotecas!" (Ras les ovaires du Fonds Monétaires ! Ras les seins des hypothèques!) Ça crie. Ça chante. "Sanidad Publica" (Santé publique) crient les gens. "Arriba Arriba riba, que se metan por el culo, que se metan por el culo, la reforma laboral !" (Qu'ils se mettent dans le cul leur réforme du travail). "No hay pan pa' tanto chorizo" (il n'y a pas assez de pain pour tous ces chorizos=voleurs). On reprend toutes et tous en chœur.
On finit par arriver à Cibeles. La place est comble. On est pourtant loin du but de la manif : la place Neptuno. Plusieurs Marées se sont déjà rejointes à Cibeles. La "Marée Blanche" est là avec son personnel médical en blouse blanche qui crie pour le respect de la santé publique. La "Marée Verte" est là aussi, avec beaucoup d'enfant et des tee-shirs verts de partout. La "Marée Noire", la plus impressionnante, en tenue de mineurs, casques sur la tête, qui s'arrête de temps en temps pour s'asseoir en chantant "Santa Barbara", la chanson des mineurs, le poing levé. Tout le monde s'arrête et chante avec eux. L'instant est chaque fois solennel. Comme la chanson.
On n'avance plus. Toutes les marées déferlent. Cayo prend une dernière photo avec nous, fait une dernière interview. On ne peut plus bouger. Congelées, Marisa et moi partons nous réfugier dans un café pour envoyer des nouvelles. Je ne sais toujours pas combien nous étions à manifester. La dernière fois que j'étais à Madrid, le 14 novembre dernier, nous étions un million et je suis à peu près sûre que nous étions moins qu’aujourd’hui. J'attends des nouvelles de Juliette Estivill qui manifeste à Barcelone avec EUiA et le Front de Gauche Barcelone. Les militants du Front de Gauche Madrid sont en route pour nous rejoindre. Une chose est sûre : le peuple est mûr en Espagne. Je n'ai jamais vu autant de gens, dans pareil froid, dans les rues de Madrid. PSOE et PP ont tout cassé. Mais ils n'ont pas brisé la volonté populaire. Cette immense Marée citoyenne en est la preuve. »
De Xavier Mathieu au rejet de l'accord made in MEDEF
Le licenciement de Xavier Mathieu a été annulé, vous le savez sans doute. Jeudi 14 février, le tribunal administratif d’Amiens a annulé le licenciement de 22 anciens délégués syndicaux de l’usine Continental de Clairoix. Parmi les 22, Xavier Mathieu. Les 680 autres salariés attendent que la justice se prononce à la fin du mois. Espérons qu’elle aille dans le même sens. Une nouvelle d’autant plus savoureuse que si l’accord « made in MEDEF » s’appliquait, les salariés n’auraient pas pu mener cette action en justice ! Et cela alors même que l’accord MEDEF prévoit de généraliser la possibilité d’escroquerie et d’abus de confiance dont s’était rendue coupable Continental !
Selon l’avocate, le tribunal d’Amiens a annulé les licenciements car le motif économique n’était pas suffisant. Il n’y avait donc pas de « cause réelle et sérieuse » aux licenciements. L’entreprise n’était pas suffisamment en difficulté pour pouvoir licencier. La loi française est mal faite. Les salariés ne peuvent contester le « motif économique » qu’après les licenciements. Et non pendant le plan social. C’est une faille juridique qui permet à de nombreux patrons de fermer des usines, licencier les salariés, sans motif valable. Et une fois la décision de justice rendue, il est trop tard. Pour les Conti, elle intervient près de quatre ans après la fermeture de l’usine. L’avocate de Xavier Mathieu va demander sa réintégration chez Continental, mais ce ne sera pas à Clairoix. Continental a depuis longtemps fermé l’usine et délocalisé la production.
C'est une victoire symbolique. A plus d’un titre. D’abord elle donne raison aux salariés. Elle les rétablit dans leur dignité. Ensuite, elle légitime la lutte des Conti. Souvenez-vous des images les présentant comme des délinquants. Souvenez-vous de David Pujadas interrogeant Xavier Mathieu pour savoir si « la fin justifie les moyens ». Aujourd’hui, ce que les salariés disaient est confirmé par la justice : celui qui a enfreint la loi, c’est Continental. Pas les salariés. Et pas Xavier Mathieu. Cette décision a deux conséquences politiques très concrètes. D’abord, puisque la justice a donné raison à Xavier Mathieu dans la défense de son emploi, il est temps qu’elle cesse les poursuites contre lui à propos de son refus de se soumettre à un prélèvement ADN. Et sans finasser, le PS doit voter notre proposition de loi d’amnistie pour l’ensemble des militants syndicaux et associatifs condamnés sous Sarkozy. Les parlementaires du Front de Gauche ont déposé une proposition de loi pour cette amnistie. Au Sénat, le texte a été rejeté en Commission. Cela s’est joué à une voix près. C’est un sénateur de la majorité gouvernementale qui n’a pas voté pour. C’est un signal extrêmement négatif, car nous ne sommes pas certain qu’il n’ait pas agit sur ordre. Mais rien n’est encore joué. La proposition de loi sera discutée en séance publique le 27 février prochain. Le scrutin sera public. Les sénateurs PS, Europe-Ecologie, radicaux de gauche et divers gauche doivent voter la proposition de loi du Front de Gauche. Ceux qui ne le feront pas auront choisi leur camp. Car l’amnistie des camarades qui se battent est la cotisation minimum au combat général de son camp.
L’autre conséquence est encore plus forte. Xavier Mathieu et ses camarades se battaient contre une fermeture sauvage de leur usine. Cette fermeture intervenait après que les salariés ont pourtant fait tous les « sacrifices » qu’exigeaient d’eux le MEDEF et les belles personnes. Ils avaient accepté de travailler deux heures et demie de plus par semaine, gratuitement. En échange, Continental s’était engagé à ne pas les licencier. Il n’a pas tenu parole. Il a fermé l’usine. Continental était un prototype du chantage à l’emploi que Nicolas Sarkozy a généralisé sous le nom des « accords compétitivité emploi ». Cette possibilité de chantage aurait du être supprimée sitôt Sarkozy battu. Il n’en est rien. C’est même pire sous Holllande.
L’accord « Made in MEDEF » du 11 janvier dernier aggrave encore les choses au détriment des salariés. Son article 18 propose de conforter cette machine à broyer les droits sociaux en la rebaptisant « accord de maintien dans l’emploi ». L’accord « Made in MEDEF » prévoit qu’un employeur pourra menacer de licencier ses salariés s’ils refusent de travailler plus. Il reprend ainsi la loi Sarkozy. Mais il va plus loin que ce Sarkozy avait osé. Si l’accord « Made in MEDEF » s’applique, un employeur pourra aussi exiger des baisses de salaires, sous la menace du licenciement. La hausse du temps de travail et la baisse des salaires pourront s’appliquer pendant deux ans. Et pourront se cumuler. Et si un salarié refuse, il sera licencié. Sans possibilité de contester son licenciement devant les prud’hommes.
Les soi-disant garanties apportées aux salariés n’en sont pas. Selon l’accord, l’employeur s’engage à ne pas réaliser de licenciement économique pendant la durée de l’accord. Deux ans au maximum. Bien sûr, pendant ce temps, il conserve le droit de licencier pour faute ou pour motif personnel, ainsi que de ne pas remplacer les départs à la retraite. Et de ne pas renouveler les CDD. De même que l’actionnaire conserve le droit de toucher des dividendes. Et qu’il conserve tout le pouvoir dans la gestion de l’entreprise. Mais surtout, au bout de deux ans, il pourra licencier tranquillement tous les salariés qu’il aura tondus pendant les deux années d’application de « l’accord de maintien dans l’emploi ». Voila ce que contient cet accord « Made in MEDEF ». Il institutionnalise et organise le chantage patronal contre les salariés. Voilà pourquoi Laurence Parisot tient tant à ce que l’accord soit respecté « à la lettre » par les parlementaires. Car pour s’appliquer, l’accord doit être transformé en loi. Il doit donc être voté au Parlement, par les députés et les sénateurs.
Le MEDEF veut faire la loi. Madame Parisot exige que les élus du peuple lui obéissent. Elle refuse le droit aux parlementaires de modifier le texte de l’accord. Le droit d’amendement des parlementaires est pourtant garanti par les articles 44 et 45 de la Constitution. Le MEDEF exige que le Parlement se saborde et soit réduit à une simple chambre d’enregistrement, ratifiant ce que le MEDEF a accepté, tout ce qu’il a accepté et seulement ce qu’il accepté. En somme, Laurence Parisot veut que le MEDEF écrive la loi. Mes camarades de la Télé de Gauche ont réalisé une petite vidéo récapitulant les saillies de la présidente du MEDEF contre la démocratie. Tous les perroquets de droite lui ont emboîté le pas, de Jean-François Copé à Jean-Pierre Raffarin en passant par José Manuel Barroso. Parisot est même allée jusqu’à menacer de dénigrer la France aux yeux des « investisseurs étrangers » si le parlement touchait à son accord « Made in MEDEF ». Antidémocrate et antipatriote, voila ce qu’est le MEDEF !
C’est une rude bataille qui s’engage. Le Parlement joue sa souveraineté contre le rôle de caisse enregistreuse que veut lui faire jouer le PS. Si le parlement adopte l’accord tel quel, François Hollande ne tirera prétexte pour passer dans la Constitution cette disposition mérovingienne qu’il veut faire passer selon laquelle le contrat est dorénavant supérieur a la loi. « A quoi bon rallonger les délais, dira-t-il, puisque de toute façon vous adoptez tels quels les textes d’accord ». Il doit donc rejeter les dispositions qui sont des reculs sociaux pour tous les citoyens. Il peut s’il le veut ajouter des dispositions favorables aux salariés, par exemple contre les licenciements boursiers. La lutte sociale et la lutte démocratique sont totalement liées dans cette affaire. Le débat au Parlement ne devrait pas commencer avant avril. D’ici là, le gouvernement travaille à un projet de loi. François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Michel Sapin ont déjà annoncé qu’ils obéiraient à Parisot et présenteraient un texte « fidèle » à l’accord « Made in MEDEF ». Ce que confirme l’avant projet de loi rendu public ces derniers jours. Le projet de loi lui-même sera présenté en conseil des ministres le 6 mars. La lutte effective commence. Il faut la gagner.
La veille, mardi 5 mars, nous sommes appelés à nous mobiliser par nos syndicats. Quatre syndicats, CGT, FO, Solidaires, FSU, appellent à une journée nationale de lutte contre cet accord « Made in MEDEF ». Au total, ces syndicats ont obtenu plus de 50% des voix aux dernières élections aux prud’hommes. Je note une fois de plus que nombre de syndiqués CFDT ne sont pas d’accord avec l’accord. Il faut donc favoriser leur présence dans la lutte et ne pas s’abandonner aux clivages venus des sommets. Plus grande sera la qualité de l’accueil et la fraternisation, plus lourdement seront divisés les rangs sociaux libéraux avant le vote au parlement. Nous sommes assez forts pour ne pas avoir besoin de vengeance sur les lampistes. Les syndicats majoritaires s’opposent donc à l’accord « Made in MEDEF ». C’est une raison de plus pour que le Parlement remette le MEDEF à sa place. Pour cela, les travailleurs doivent se faire entendre le plus fort possible ce qui dépende à la fois de leur unité et de leur de la meilleure mobilisation qui en découle a chaque fois. Et chacun d’entre nous peut donner le coup de main de toutes les façons possibles.
Obama annonce l'annexion de l'Europe
Ceux qui ont aimé le gros lourd de Titan vont adorer la suite de l’histoire. Ce genre de débiles sera bientôt chez lui en Europe. En effet, Barack Obama a évoqué publiquement dans son discours sur l’état de l’Union, mardi 12 février dernier, l’ouverture des négociations sur le Grand Marché Transatlantique. Un des secrets pourtant publics les mieux protégés par la presse libre indépendante et éthique est dorénavant sur la place publique. Peut-être d’aucuns renonceront-ils à me traiter de paranoïaque quand j’évoquerai le sujet désormais. Car j’ai déjà beaucoup parlé du Grand Marché Transatlantique, à de nombreuses reprises, sur ce blog. Mes lecteurs attentifs savent combien nous avons été peu nombreux à nous y intéresser. Pour résumer, il s’agit d’un projet de grand marché intégré et libéralisé entre l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique. On devine qu’il n’a pas été imaginé pour le bienfait des êtres humains mais, comme d’habitude, bla bla bla les marchés libres et non faussés. En résumé fidèle : une nouvelle vague inédite de régressions sociales.
En fait si Obama en parle c’est parce que les travaux préparatifs menés en grande discrétion sont dorénavant assez avancés. Et comme la date buttoir du projet est fixée à 2015, les grands manœuvriers passent a une phase publique. Né il y a une dizaine d'années, le projet a déjà été à l'ordre du jour de plusieurs sommets de chefs d'Etat et de réunions ministérielles au niveau européen. Le Parlement européen l'a soutenu lors de cinq votes successifs depuis 2004, grâce à l'approbation des députés du PPE (droite) et du PSE (sociaux-démocrates). Sans jamais vouloir le dire ni en parler, Barroso et Ashton ont fait de la réalisation de ce projet leur objectif. Lors de l'investiture de Barroso pour un nouveau mandat à la tête de la Commission européenne, je l'avais interrogé à ce sujet en session plénière du Parlement européen. Il avait fait mine de ne pas comprendre où était le problème. J'avais fait de même auprès de Catherine Ashton quand elle a été désignée comme Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères. En guise de réponse : un silence gêné.
Il y a eu du nouveau à ce sujet. Non seulement Obama a annoncé le démarrage des négociations concrètes avec l’Union Européenne sur le « Grand Marché Transatlantique », mais le « groupe de travail de haut niveau sur l'emploi et la croissance » a rendu son avis. Il préconise aussi un lancement des négociations. Aussitôt apparait une déclaration conjointe d’Obama, Barroso et Van Rompuy. Dans cette déclaration, ils « se félicitent des recommandations du groupe de travail de haut niveau sur la manière d’augmenter [les] échanges et le partenariat d’investissements transatlantiques », affirment que « grâce à cette négociation, les Etats-Unis et l’Union Européenne auront non seulement l’occasion d’étendre le commerce et l’investissement (…) mais aussi de contribuer au développement de règles globales de nature à renforcer le système d’échange multilatéral », notamment en libéralisant et en abolissant les barrières douanières.
On comprend donc pourquoi Obama parle d’un « commerce transatlantique libre et équitable [qui] soutient des millions d’emplois américains bien rémunérés ». Côté américain, la base des négociations dont il est question est la suivante : ils exigent la levée des restrictions européennes sur l’importation d’OGM, de volaille traitée avec du chlore et de bétail nourri aux hormones de croissance, la dérèglementation en matière de protection des données personnelles pour faire plaisir aux entreprises philanthropiques Google, Facebook et Amazon, l’assouplissement des normes environnementales et sanitaires. Autrement dit, l’extension de la jungle ultra-capitaliste aux deux côtés de l’Atlantique.
En Europe, Cameron et Merkel se réjouissent, estimant qu’un accord « serait une contribution significative pour plus de croissance et plus d’emploi des deux côtés de l’Atlantique ». Pendant ce temps, en France, on atteint des sommets d’inexistence et de pleutrerie sur la question. Hollande ne pipe mot, Moscovici enchaîne les phrases creuses et invite à considérer le Grand Marché Transatlantique avec « ouverture et prudence » (sur France Info le 13 février) et la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, lance en catimini une « consultation publique », c'est-à-dire un formulaire sur un site Internet caché, pour « que tous les acteurs français concernés par (…) un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis puissent faire part de leur opinion ». Cette consultation prendra fin le 1er mars 2013, en avez-vous entendu parler ?
Autour d’un danger d’une telle importance pour la vie sociale de notre pays, on attendrait un grand débat démocratique et médiatique. Mais l’inconscience des sociaux-libéraux et le silence complice des médias durent depuis que ce projet est né. Pour les médias on comprend. Les agents d’influence nord-américains sont chez eux parmi les médiacrâtes. Les sociaux-libéraux de même, et depuis plus longtemps. Pour autant il ne faut pas se résigner. Nous avons, mes camarades et moi, milité publiquement contre le Grand Marché Transatlantique depuis le début. Nous avons alerté le Parti Socialiste en interpellant notamment les eurodéputés PS qui s’étaient prononcés pour le projet. Le Parti de Gauche a édité des brochures explicatives, le politologue Ricardo Cherenti et l'anthropologue Bruno Poncelet ont publié des livres sur le sujet. Tous ces documents ont été envoyés à toute la presse. En grand nombre, croyez-moi. Mais à de rares exceptions près, personne parmi les importants dans les rédactions n’en a jamais parlé. Dorénavant, le temps s’accélère avec la volonté des nord-américains de débuter les négociations : dans trois mois les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne devront avoir présenté leurs lignes de négociation respectives pour pouvoir conclure cet accord « dans les deux ans ». Cet accord, qui mettra en péril les économies et continuera de détruire les systèmes de protection sociale et environnementale de nos pays, est porteur de menaces très concrètes pour les citoyens en matière de culture, d’alimentation, de santé, de travail. A bon entendeur salut. Faites passer dans vos réseaux. Voilà un front de lutte exemplaire pour nous opposer à la double logique atlantiste et libre-échangiste de cet accord qu’ils voudraient signer dans le dos des peuples.
En illustration de ce billet, un reportage de Stéphane Burlot sur la manifestation du 23 février à Madrid, la "Marée Citoyenne"…
11fév 13
07fév 13
Avec Jacky Hénin et les travailleurs d'ArcelorMittal au Parlement européen
Comme ils sont étranges ces jours où tout semble se donner rendez-vous au même moment, comme pour signaler je ne sais quelle connivence des choses, des évènements et des êtres. En quelques heures tout sembla s’accélérer. Hollande parlait à Strasbourg pour ne pas dire grand-chose, puis ce fut le lendemain le tour de Moncef Marzouki président de la république tunisienne qui souleva l’émotion de la salle par un discours qui projetait chacun dans le feu de l’actualité brulante d’une révolution. Il parlait pendant que la rue à Tunis s’enflammait de colère après l’assassinat de notre camarade Chokri Belaïd, secrétaire général du Front populaire, la formation dont nous sommes les plus proches en Tunisie. Il faut se demander si la date de ce meurtre n’a pas été fixée pour percuter la présence de Marzouki devant les députés européens et leur adresser ainsi un signal. Je quittai le parlement après avoir salué une délégation des sidérurgistes qui avait échappé aux gros tirs de lacrymogènes qui ont noyé le cortège des manifestants. Avant cela ils avaient été fouillés et contrôlés un par un à la sortie des cars. Certains ont été menottés d’autres frappés.
Avec Cayo Lara leader de Izquierda Unida au Parlement européen
La nouvelle politique de Jean Marc Ayrault contre l’action syndicale prend la tournure répressive qu’une dépêche AFP annonçait avant-hier. A la même heure, les manifestants devant l’ambassade de Tunisie en France étaient eux aussi copieusement gazés. De chaque point me parvenait les SMS des camarades engagés dans l’action avec nos drapeaux. La veille déjà, à Pétroplus et à Aulnay, Martine Billard et Eric Coquerel avaient aussi pris la tête de nos groupes de camarades venus en renfort de l’action des salariés. De mon côté, j’entrai dans ces moments le cœur plein de mon passage à Rome et l’esprit encore tourneboulé par ma rencontre avec Cayo Larra, le coordinateur d’Izquierda Unida d’Espagne, que les sondages placent dorénavant entre quatorze et seize pour cent des intentions de vote, à seulement huit points du lamentable PS espagnol ! Cayo Larra parlait du vertige de l’approche du pouvoir qui l’étreignait comme avant lui Alexis Tsipras. Je ressens le vertige de l’histoire quand elle se met en mouvement et qu’à la faveur d’un jour de concordance des temps, son beau visage se laisse voir un instant fugitif.
Marzouki, la Révolution, Belaïd, et nous.
Ce que le quotidien nous montre sera notre boussole, bien sûr. Nos amitiés, nos connivences et nos désaccords ne changeront pas pour un discours, je le sais bien. A l’heure où parlait Moncef Marzouki devant l’hémicycle européen, nos solidarités étaient avec nos camarades du Front populaire tunisien, cela va de soi. Et nous savons bien tout ce qui les sépare du parti du président de la République Tunisienne. Mais pour voir plus loin que l’instant et la position politique de chacun, il faut se souvenir que Moncef Marzouki parlait à ce moment-là au nom du peuple tunisien tout entier, tel qu’il est depuis qu’il s’est libéré tout seul de la dictature. Et c’est justice de dire que ce discours fut un moment magnifique d’humanité et de patrimoine commun civilisationnel.
Sans doute y avons-nous été d’autant plus sensible que la langue française fut parlée à la tribune, avec une grâce et une fermeté classique si bien accordée, qu’on l’aurait encore écoutée une heure pour le seul bonheur de sa musique. Marzouki est un médecin qui a fait sa formation à Strasbourg. Sa construction méridionale de maghrébin s’est imbibée de la rigueur austère des nôtres dans l’Est de la France. J’ose dire que je sais de quoi je parle, ayant été rebrassé de même dans ma petite patrie d’adoption franc-comtoise. Ici ce métissage de tempérament renforça la pente naturelle de son propre caractère que l’on dit austère et exigeant. La langue de Marzouki émeut à l’économie des mots. Nous avions pourtant les larmes aux yeux, Younous Omarjee, Jacky Hénin et moi, assis côte à côte sur la montagne tout à gauche de l’hémicycle. La vérité exige qu’on dise combien le style n’était pas la seule cause de tant d’émotions. Le texte de Marzouki avait la hauteur que l’on attend d’un tel moment. Par contraste la laborieuse prestation de François Hollande la veille n’en parut que plus pâle, du peu qu’il nous en restait de souvenir. Marzouki a pensé à haute voix, en grand, le bruit et la fureur de l’histoire arabe et européenne. Et il témoignait aussi de sa vie d’exilé politique en France, ce qui dans le contexte de xénophobie entretenu par la droite de notre pays n’était pas peu de chose. Persuadé de longue main que notre siècle serait celui des révolutions arabes, comme il l’a expliqué souvent, nous dit-il, il a été droit au but quant aux questions que l’on se pose autour d’une seule, finalement, vu de notre rive : la révolution actuelle est-elle une chance ou un danger ?
Il dit qu’elle est une chance parce qu’elle est une révolution sociale et que son contenu démocratique est plus fort que tous les protagonistes qui y prennent part. Et ceci quelles que soient les arrières pensées et calculs de ces derniers. Dans le contexte de l’assassinat de Chokri Belaïd, venant après plusieurs agressions d’intimidation du même type, ce propos peut paraitre très décalé. Pour autant il est juste, en dépit des oiseaux de mauvais augure qui voudraient imputer aux révolutions arabes un contenu fatalement islamiste et violent. Si nous étendons la remarque, nous pouvons en tirer des enseignements pour nous même. Pour ma part, je distingue très fortement les révolutions qui conservent leur caractère pacifique de celles qui se mènent, volens nolens, les armes à la main. Aussi longtemps qu’on peut aller aux rassemblements révolutionnaire en famille, en tenant les enfants par la main, l’horizon n’est pas commandé par celui qui a reçu la plus grosse arme ni par celui qui la lui a fournie. C’est pourquoi la « révolution » libyenne est si mal engagée, et la syrienne davantage encore. Cela ne vous apprend aucune naïveté de ma part. Je sais parfaitement que maintes circonstances s’achèvent dans les rapports de force les plus cruels. Et je sais aussi qu’une révolution gagnée dépend d’un art de réalisation impossible sans un parti préparé à en être l’instrument. Raison de plus pour le préparer à la bonne tâche et non aux songes creux. Raison de plus pour savoir fermement que la violence ne nous sera jamais favorable et qu’il faudra toujours la subir en pensant à la stopper, comme une condition de base de notre projet. Quoi qu’il en soit, j’en reste à l’enseignement Robespierriste : la guerre – et la guerre civile est aussi une guerre – militarise la société et finit par donner le pouvoir aux armes et aux militaires. Et en toute hypothèse « les peuples n’aiment jamais longtemps les missionnaires armés ». Le caractère radicalement pacifique et démocratique de la révolution citoyenne renverse l’ordre des angles morts stratégiques par rapport aux questions du passé : que faire si malgré tout le processus révolutionnaire bascule dans la violence ? Je ne sais pas comment la doctrine citoyenne s’accommoderait d’un tel cas.
Nous avons tous été frappés par les violences qui entourent dorénavant nos mobilisations en France. Violences qui ne sont jamais de notre fait. Une répression sophistiquée s’abat sur le mouvement social. D’abord ce sont des déploiements policiers souvent disproportionnés. Ils semblent surtout destinés à impressionner ceux qui regardent les images, parfois davantage que ceux qui les font vivre. Cela s’est vu à Notre-Dame-des-Landes où, cependant, il y eut des violences spécialement disproportionnées et souvent fort cruelles contre des manifestants totalement et volontairement désarmés. A présent autour de PSA c’est le grand jeu ! La sécurité du territoire est, parait-il, engagée. On a pu lire que Manuel Valls mettait en état d’alerte les services de renseignements dont, parait-il, ce n’était pourtant plus le métier de faire de la police politique. On a vu PSA recruter plusieurs dizaines de vigiles pour cadenasser le site en lutte. Pour être franc, ce n’est pas très nouveau. Sarkozy avait bien criminalisé l’action syndicale et associative. Et sur le terrain, les patrons liquidateurs n’avaient pas la main légère. On se souvient de la milice recrutée par la direction américaine de Molex. Ce qui est nouveau, c’est que la situation actuelle additionne les situations de tension. Du nord au sud du pays, avec deux cent soixante six usines fermées en un an, un pouvoir totalement rallié à la main invisible du marché, à la « politique de l’offre » et la baisse du cout du travail, ça sent le gaz. Il est frappant de voir que c’est l’option répressive qui tient la corde au gouvernement, depuis que la grenade Montebourg a été désactivée. Lui prêche la soumission, Manuel Valls y contraint, Ayrault l’encadre. A cette répression physique et politique s’ajoute la répression médiatique, celle des interminables prêches écrits ou audiovisuels qui valorisent ceux qui cèdent contre les « irresponsables » qui résistent.
Ce nouveau contexte va nous obliger à repenser nos dispositifs de combat. Le danger est celui d’une coupure en deux entre ceux qui veulent aller loin et s’enragent et ceux qui sont sous contrainte ou prennent peur et se détachent. Les stratégies rassembleuses sont la priorité. Le devoir du Front de Gauche sera de ne rien faire qui ajoute à la confusion que le gouvernement Ayrault et le Medef travaillent à créer en divisant les syndicats, par exemple. Par exemple, nous sommes bien d’accord au PG pour ne pas mettre en cause la CFDT, quand bien même nous sommes en accord avec la CGT, FO et Sud-Solidaire contre l’accord avec le MEDEF. C’est, bien sûr, une ligne constante de ne pas se mêler des stratégies syndicales quand elles se contredisent. Mais au cas particulier, l’idée est de centrer l’action contre le texte et son contenu. Pour cela, il faut viser le rassemblement le plus large. Je sais que les sections et militants CFDT y seront certainement aussi en nombre, cela dit en passant. Mais pas question de servir sur un plateau à Ayrault une division syndicale comme prétexte pour bétonner son accord avec le MEDEF et lui faciliter la tâche pour faire passer le texte tel quel au parlement. L’autre danger de division vient du numéro qui aura consisté à souffler le chaud et le froid entre les appels à nationalisation de la sidérurgie et les conseils de capitulation chez Renault ou PSA. Sans oublier les tours de passe-passe à Pétroplus ! A la sortie c’est davantage de démoralisation.
Par contre, face aux appareils de répression, ce qui compte c’est de ruiner leur cohésion et de les cliver de l’intérieur. C’est donc les personnes et leur conscience qu’il faut cibler. Policiers, journalistes et socialistes de métier sont aussi des citoyens qui pensent, votent et agissent à leurs heures de liberté. C’est leur conscience qu’il faut travailler et faire bouger. A Notre-Dame-des-Landes on a vu des policiers et des journalistes hésiter à faire la basse besogne. Le malaise s’est exprimé syndicalement chez les CRS. De manière plus personnelle, chez les Gardes Mobiles qui sont des militaires. Les articles de presse, de leur côté, ont souvent été moins moutonniers et pro-gouvernementaux qu’à l’habitude dès qu’il y a des gros enjeux d’argent engagés. En toute hypothèse la jeune génération des médias est devenue plus factuelle et descriptive. Les papiers peuvent donc devenir aussi décapant que les évènements qu’ils décrivent.
Hollande à Strasbourg. Y a quelqu'un ?
Le président de la République Française était dans l’hémicycle de Strasbourg ce matin-là. Son discours était parfaitement adapté à un auditoire de martiens. En fait les terriens n’étaient pas concernés. Ou alors seulement pour la crainte qu’ils inspirent. Ainsi quand le ci-devant président a osé dire : « ce n’est plus la méfiance des marchés que nous devons craindre mais celle des peuples ». « Oui sire, craignez le peuple il est terrible quand il se fâche! » Un discours où des mots comme « progrès social » ou même « justice sociale » n’ont pas été prononcés une seule fois, cela reste étrange, même quand on sait bien qu’il n’y a rien à attendre d’un social libéral. Il n’a rien dit ou seulement que, dorénavant, ce sera comme auparavant. Un discours où la France est une bourgade européenne qui ne voit ni le monde ni même la Méditerranée ou cent millions de personnes ont pourtant en usage commun la même langue française.
Pour pouvoir ouïr le président français, il aura fallu d’abord bousculer le très rigide protocole du Parlement européen. Le problème vient de notre Vème République. En effet, dans la plupart des autres Etats membres, chef d'Etat et chef du gouvernement ne se confondent pas. C'est pourquoi un protocole différent est réservé à chacun d'entre eux. En tant que chef d’Etat, François Hollande aurait dû faire un simple discours sans débat avec les parlementaires. Formellement, le débat ne pouvait avoir lieu qu’avec Jean-Marc Ayrault. Le président du parlement, Martin Schulz, a donc obtenu qu'on déroge au protocole pour permettre à François Hollande de répondre aux interventions des présidents de groupe. Etrange spectacle donc que celui du chef de l’Etat assis aux côtés du ministre des affaires étrangères sans que le premier ministre soit là ! Ce point réglé pour le parlement, il nous fallait régler notre attitude. C’est le président de la République de notre pays. Je refuse donc qu’on le traite ici, devant cette meute anti-française et contre républicaine, comme nous le ferions à domicile. Et cela même si d’autres ne se sont pas privés de le faire. Nous nous sommes donc levés à son arrivée et à son départ et nous avons applaudi de bon cœur quand il fut question du maintien du siège à Strasbourg par exemple. Mais nos divergences restent. Que dis-je : elles s’aggravent dès qu’on écoute François Hollande. Car la litanie de vœux pieux qu’il a énoncé souligne l’insignifiance des actes qu’il pose en regard.
Car pour ce qui est de faire un moulin à vent avec sa langue et n’avoir rien dit à la fin, François Hollande a battu à plate couture Manuel Barroso et ses indépassables numéros d’indignation sans objet! Ainsi quand, sur ce ton qui n’appartient qu’aux malins, le président tape du poing : « je vous le dit tout net : pas question d’accepter de réduction du budget au-delà de ce qui est acceptable ». En une phrase, toute la duplicité du monde. Et cette autre merveille : « faire des économies oui, affaiblir l’économie non ! ». Raaaaah ! Le reste à l’avenant : un enfilage de perles sans signification particulière ni dessein pour le futur. Un mot est contredit par le suivant. Mais ici les connaisseurs savourent avec délice ces sortes de gesticulations. De toute façon, ils savent bien qui est là. C’est l’homme qui leur a dit dès le début de son propos qu’il saluait le « 6 Pack » et le « 2 Pack », ces politiques d’austérité autoritaires ainsi que le TSCG « dont la France, sous mon mandat, a reconnu l'autorité ». « Il est des nôtres » se disent-ils « il boit le verre comme les autres » ! N’empêche qu’il y avait la question du budget européen. Ce truc s’appelle ici « cadre financier ». Il est voté pour sept ans ! Cette bande d’idéologues prévoit d’en diminuer le montant. Pour faire des économies, évidemment. Sur une somme déjà ridicule qui porte sur à peine 1 % du PIB de l’Union, on devine le caractère misérable de cette réduction purement idéologique ! Surtout si l’on tient compte du fait que toutes les sommes sont déjà préemptées par des politiques déjà engagées. Et enfin on doit savoir que la souplesse de ce budget est égale à zéro puisqu’il est interdit de passer une somme d’une ligne à l’autre en cours d’exécution du budget ! Il faut se rendre compte de ce que cela implique. Avec le projet actuel, l’union européenne fonctionnerait jusqu’en 2020 avec un budget bloqué au niveau où il était en 2008, dernière année avant la crise. Incroyable d’aveuglement ! Et les propositions de cette ombre de Van Rompuy bloquerait les enveloppes de l’Union au niveau plancher de 2003, quand on était encore dans l’Europe à quinze, sans les pays de l’est !
Tous les groupes du parlement jettent donc de grosses larmes. Tout d’un coup les voilà repeints en Keynésiens. Ils récitent avec ferveur que le budget européen est le grand instrument de relance et le seul dont dispose l’Union ! Ma parole ! La grâce les aurait-elle touchés ? Non bien sûr : c’est seulement une comédie. Même quand ils se font le numéro de « l’échec de la discussion, l’Europe en panne » c’est encore une comédie. Car la règle prévoit que faute de nouveau budget, on reconduit celui de l’année passée ! Tout le monde ment, là-dedans. François Hollande n’a pas eu de mal à les renvoyer dans leurs buts : « vous demandez à un socialiste d’empêcher des conservateurs de faire un mauvais budget ! Merci de votre confiance ! Mais pourquoi ne le dites-vous pas aux gouvernements que vous soutenez ? » Mais quand il demande quelle cohérence il y aurait à voter un budget de déflation après avoir adopté en juin un « plan de relance », c’est à son tour de se faire envoyer dans les cordes : « où est votre plan de relance, demande Joseph Daulh le président du groupe de la droite européenne, nous n’en voyons pas la trace ! » Tout le monde a compris. D’ailleurs Hollande lui-même a proposé une réduction de 75 milliards pour ce budget. Comme son plan de relance ne comportait que soixante milliards nouveaux, tous empruntés, 15 milliards auront donc été retiré de l’économie après le « plan de relance » à la sauce Hollande ! Rideau. En avant vers la catastrophe
A Rome, « pour faire parler de soi » ?
Vendredi dernier, j’étais à Rome. J’y ai tenu meeting, aux côtés d'Antonio Ingroia, la tête de liste emblématique de la "Rivoluzione Civile", la « Révolution Citoyenne" italienne. Vous voulez savoir ce qui se passe là-bas en général et à gauche? Mieux vaut lire mes lignes. Car vous n’apprendrez rien en lisant celles que consacre au sujet le « correspondant» de la désormais fameuse rubrique internationale du « Monde », Phillipe Ridet. Car pour lui, le but d’Antonio Ingroia est … « de faire parler de lui ». Ceux qui ont dépensé 1,80 euro pour s’informer devront se contenter de cette puissante appréciation pour tout potage. Ils ne connaitront même pas le nom de la liste que mène Antonio Ingroia. Vous en apprendriez davantage en allant directement sur « Google actualité », le moteur de recherche. Faites-le. Vous agirez généreusement pour la liberté de prendre les lecteurs pour des imbéciles puisque dorénavant Google donnera une subvention au « Monde » même si vous ne l’achetez plus. Venons-en à notre Italie, à notre gauche. Car c’est un front essentiel de la lutte en Europe pour faire craquer la chaine austéritaire.
C’est Paolo Ferrero, secrétaire général de Rifondazione, le parti avec lequel nous travaillons au sein du Parti de la Gauche Européenne, qui m’avait adressé l’invitation à participer à ce meeting. Les camarades mettent les bouchées doubles pour animer leur campagne. Ce qui se joue en Italie c’est évidemment d’abord la sanction de la politique d’austérité de l’odieux technocrate nommé par Bruxelles, le libéral dogmatique Mario Monti. Vous avez dû oublier comment ce type a été nommé sénateur à vie par le président avant de devenir trois jours plus tard premier ministre par une sorte de putsch venu de la Commission européenne. D’ailleurs la campagne électorale italienne, elle-même, a commencé par un coup de force. Fin novembre, Mario Monti a annoncé sa démission sans pourtant avoir perdu « la confiance » du parlement. Pour le faire, il a prétexté une simple déclaration d’Angelino Alfano, le secrétaire fantoche du parti berlusconien qui était censé le soutenir aux côtés de tout le petit monde des eurolâtres, depuis les quasi fascistes jusqu’aux sociaux libéraux. C'est sur cette simple déclaration à la presse que le président de la république, Gorgio Napolitano, s'est appuyé pour décréter l'impossibilité d'une nouvelle majorité et dissoudre. Manœuvre qui se voulait géniale. Le Monti encensé par toutes la presse européenne et notamment « Le Monde » allait prendre tout le monde de vitesse et s’imposer au centre du paysage en faisant manger tout le monde dans sa main. Déjà les sociaux libéraux jappaient dans l’antichambre, frémissant d’impatience devant leur gamelle. Une ruse bien commencée. Le gouvernement de « gestion des affaires courantes » a pu agir sans être embarrassé et faire voter des textes aussi importants que la loi de finance et même « la règle d'or » pendant un mois entier alors que, formellement, il était censé ne plus y avoir de majorité ! Pour tromper le monde, mentir et manipuler tout le monde, il n’y a rien au-dessus d’un eurocrate, Mario Monti, protégé par un social libéral, Giorgio Napolitano ! Tout cela devait se dénouer glorieusement avec les élections du 24 et 25 février. Hélas rien ne se passe comme prévu par les très intelligents. Mario Monti est dans les choux dans les sondages. Il se traine à 12 ou 14 % ! Les « démocrates », le PS local, qui faisaient les malins se font rattraper par Berlusconi de jour en jour. Et l’autre gauche fait son retour.
Du coup c’est le modèle français qui fonctionne : chantage au vote utile, pluie d’injures contre les nôtres, verrouillage médiatique grossier pour interdire en toute bonne conscience notre participation aux débats de fin de campagne. Ils ont peur. Ce qui se joue aussi c’est le retour de notre gauche au parlement italien. Car là-bas il n’existe plus sous couleur de « gauche » que le « Parti Démocrate ». Un organisme de fin de parcours qui réunit les carriéristes de l’ancien parti communiste suicidé, ceux de l’ancien PS dissous dans la corruption et quelques rogatons de la démocratie chrétienne. Un parti social libéral de « centre gauche » que venaient déjà soutenir à chaque élection François Bayrou et François Hollande. Avec la liste que mène Antonio Ingroia, une étape est franchie, à la française, là aussi. « Révolution citoyenne » est un front de gauche élargi à des mouvements de la société civile.
Antonio Ingroia lui-même n'est pas un militant politique. C'est un juge très connu des italiens pour son combat contre la mafia et les liens de celle-ci avec l'Etat italien. L'homme est connu pour sa droiture. C’est l’incorruptible. Il n'a, en effet, pas hésité à mettre en cause des hommes politiques de droite, dont Silvio Berlusconi, mais aussi l'actuel président de la République, Giorgio Napolitano, dans l'affaire de "l'accord Etat-Cosa Nostra". Il a mis ainsi sa vie en danger en s'affrontant à l'une des plus puissantes mafias, celle de la région dont il est originaire: la Sicile. Placé sous haute protection, Antonio circulait jusqu'à il y a peu en voiture blindée. En Novembre 2012, après avoir rendu sa dernière sentence, il est parti au Guatemala, mandaté par l'ONU, pour travailler au sein de la Commission Internationale contre l’Impunité au Guatemala. Ce n’était pas une promenade de santé. Mais l’homme n’oubliait pas son pays. Il gardait l'œil sur l'actualité juridico-politique italienne et le faisait savoir dans le journal Il Fatto Quotidiano dont il est éditorialiste. Fin Décembre 2012, à l’invitation des mouvements et partis réunis au sein de la liste « Rivoluzione Civile », il accepte de devenir candidat au poste de « Premier » comme on dit en Italie pour parler du chef du gouvernement. Tel est l’homme que le petit plumitif arrogant de la grandiose rubrique internationale du journalissime « Le Monde » décrit comme n’ayant d’autre objectif que de « faire parler de lui ».
La "Rivoluzione Civile" est née fin Décembre 2012. Il s'agit d'une coalition de plusieurs partis et mouvements sociaux et politiques. On compte notamment parmi eux le Parti de la Refondation Communiste, les Verts, l’Italie des Valeurs de di Pietro, le Parti des Communistes Italiens, le Mouvement Orange de Di Magistris, un nombre conséquent de mouvements de lutte contre les Grands Projets Inutiles et Imposés (No TAV, No Muos, No Mose etc), les mouvements de la campagne pour « l’eau, bien commun », les mouvements anti nucléaires, les mouvements contre le paiement de la dette (No Debito etc), des personnalités du monde syndical et notamment de la FIOM (les métallurgistes de la CGIL) et des personnalités féministes. Lesquels ont en commun de n’avoir pour projet que de « faire parler d’eux » cela va de soi.
Paolo Ferrero de Rifondazione est pour beaucoup dans la formation de cette liste d’union à laquelle il œuvre depuis longtemps. Rifondazione, le parti dont il est secrétaire général, avait pris position pour la formation d'une telle liste dès son Congrès de Décembre 2011. Je crois que l’expérience progressive et pragmatique du Front de Gauche français éclairait la voie. Au Front de Gauche, on connaît bien Paolo Ferrero. Il m'avait soutenu pendant les élections présidentielles. Il était présent à nos Estivales cet été . Il était aussi présent dans le carré de tête de la manifestation du 30 Septembre dernier contre le TSCG aux côtés d'autres membres éminents de la Gauche Européenne. L'homme aime particulièrement la France qu'il connaît bien. Il parle et lit d'ailleurs parfaitement le français. Il faut dire qu'il vit dans le Piémont et qu'il passe fréquemment la frontière. Il m’a raconté comment il discute avec les gens, dans les commerces frontaliers pour prendre la température politique du moment chez nous. Nos campagnes électorales et militantes lui sont bien connues.
Paolo est un artisan de longue date du rassemblement de la gauche italienne. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas un ancien du PCI, le grand Parti Communiste Italien dont certains membres, comme l'actuel président italien, Giorgio Napolitano, ont organisé la dérive jusqu'à en faire l'actuel Parti Démocrate, favorable à la rigueur et au libéralisme accru. Paolo vient de "Démocratie prolétaire", une coalition pour une "nouvelle gauche" regroupant déjà à l'époque plusieurs formations de toute la gauche radicale et parfois affiliées à différentes internationales. En 1991, quelques jours après la transformation du PCI en Parti Social Démocrate (PSD), il soutient la fondation du "Mouvement pour la Refondation Communiste", auquel il adhère avec la majorité des dirigeants et des membres de son groupe d’origine, en compagnie de diverses formations de la gauche radicale italienne que rejoignirent tous ceux qui refusaient à l'époque le suicide de la gauche. Ce mouvement deviendra l'actuel "Parti de la Refondation Communiste" dit "Rifondazione". En 2006, Paolo a été ministre de la Solidarité sociale du gouvernement Prodi II. Une expérience désastreuse dont il a beaucoup appris. Non seulement du point de vue de la gestion de l'Etat mais aussi sur ce qu'on peut craindre du « Parti Démocrate » italien. Ce « parti démocrate » a en effet remplacé, en plus droitier, le tout nouveau « Parti social-démocrate » dont les fondateurs eux-mêmes jugeait l’imagerie trop liée à la tradition de gauche. N’empêche que nos amis ont d’abord marché d’un désastre à l’autre. Exactement ce qui nous pendait au nez en France après 2007. D’ailleurs je n’ai jamais caché que cet effondrement de la gauche italienne avait joué un rôle considérable dans notre décision de quitter le PS et de former aussitôt un Front électoral avec les communistes français. En 2008, dans un contexte de faillite électorale, Paolo est élu secrétaire général de Rifondazione sur une ligne très critique vis-à-vis de la stratégie de "l'Unione" une alliance électorale de la gauche jusqu’au centre droit. Il s’oppose encore à la participation de Rifondazione au gouvernement Prodi II. Mais il reste isolé. Les désastres s’enchainent. Notre gauche est alors éliminée du parlement. Et ce n’était pas fini. En 2009, pour les élections européennes, Paolo obtient la création d'une "liste anticapitaliste". Mais près de la moitié du parti cède aux sirènes social-libérales et scissionne sous la houlette de Nicchi Vendola. Un de ces grands esprits qui dénonçaient les outrances et la dérive gauchisante de son parti pour monter dans le premier train bien servi. Comme en Grèce, comme partout où il faut choisir entre la rupture et le vieux monde de la gauche d’avant ! La gauche radicale italienne disparaît alors aussi du Parlement européen.
Paolo Ferrero a alors fait preuve d'un grand courage en décidant de continuer son combat pour l'union de notre gauche en dépit de tous les revers ! Il a même tendu la main au liquidateur Nicchi Vendola. Sans résultat. Il parvient quand même en 2010 à mettre sur pied la "Fédération de la Gauche" avec plusieurs formations de Gauche. Il est conscient de la faiblesse de cette Fédération. Il voit bien la dérive du parti de Nicchi Vendola vers une soumission totale aux « Démocrates » sociaux libéraux. Il propose alors en décembre 2011 une alliance large. Il ne s’agit plus de fixer une identité politique mais de prendre en charge une tâche en commun : réunir tous ceux qui s'opposeront aux politiques austéritaires et néolibérales mises en œuvre par le gouvernement Monti. Les « Démocrates », amis de Bayrou et Hollande, bons petits soutiens de Monti, n'était évidemment pas concernés. Cette méthode a été la bonne. Mais quelle patience, quelle endurance, pour Paolo et ses amis après tant de revers ! C’est de cette façon que nous aussi nous avons construit notre Front de Gauche. Aujourd'hui en Italie, presque tous ceux qui s'opposent à ces politiques ont répondu à la main tendue de Paolo.
La liste « Révolution Citoyenne » a de l’allure ! Antonio Ingroia est une figure de proue à l'envergure indiscutable. Quant au programme sur lequel les différentes formations se sont mises d'accord, il est en opposition claire aux combines des démocrates et aux politiques de l’union européenne. Le programme de la « Rivoluzione Civile » : opposition au libéralisme économique de Berlusconi et du gouvernement Monti, opposition au TSCG et à la règle d’or, objectif de « rendre l’Union européenne autonome des marchés financiers », volonté de placer l’UE « sous le contrôle des institutions élues par le peuple », appel à un Etat italien laïque, mise en place d'un enseignement public et d'une recherche publique, « non aux pouvoirs économiques », mise en place d'une santé publique de qualité, enfin appel à revenir immédiatement sur la destruction du Code du travail voulue par Berlusconi et mise en œuvre par Monti.
Avec la Rivoluzione Civile, la gauche pourrait faire son retour au Parlement. Nous revenons du néant, ne l’oublions pas ! La liste est actuellement créditée de 4 à 6% dans les sondages. Elle devrait donc faire son entrée à la Chambre des députés, où le seuil d'entrée est de 4%. On peut même espérer qu'elle réussisse, même plus difficilement, au Sénat où le seuil est de 8% pour les listes uniques. Il y aurait donc de nouveau un point d’appui parlementaire et un seuil de crédibilité de franchi pour faire face à la suite du processus de désintégration de l’Etat italien. C’est-à-dire qu’il y aurait en Italie aussi une alternative à gauche. Ce risque est mesuré par nos ennemis médiatico politiques. La notice fielleuse du « Monde » est en phase avec la campagne de dénigrement et d’occultation sur place. Cela se fait au prix de mesures d’une sophistication byzantine. Ici la Commission de surveillance de la RAI a décidé de ne faire participer au débat final avant l'élection que les candidats « issus de coalitions » (plusieurs listes jointes en une coalition, les votes se portant sur une liste) et pas les candidats « issus de listes uniques » (une seule liste donc, comme celle de la Rivoluzione civile) ! Un scandale grotesque. Une mesquinerie qui en dit long sur ce que sont devenues nos grandes « démocraties » de l’âge européen.
Mais ce n'était pas le plus important ce jour là, quand je suis arrivé à Rome. Ce n’est pas de cela que Fabio Amato, le responsable international de Rifondazione, nous a parlé en premier en venant nous chercher à l'aéroport vendredi matin. Fabio avait une nouvelle au plus haut point satisfaisante. Le matin même, une partie importante de ses anciens camarades partis en 2008 avec Nicchi Vendola, avaient décidé de quitter leur formation SEL ("Gauche Ecologie et Liberté") liée aux « Démocrates » sociaux-libéraux et de rejoindre la Rivoluzione Civile. La nouvelle, conjuguée à ma présence à Rome ce jour-là, allait, selon lui, mettre la Rivoluzione Civile au premier plan dans les médias. Fabio était certain de son fait : il y aurait beaucoup de monde le soir au meeting conjoint du PGE et de la Rivoluzione Civile où j'intervenais. Fabio avait d'ailleurs décidé de faire les choses en grand, au théâtre Capranica. Ce théâtre du XVème siècle est situé en plein cœur de Rome, à deux pas de la Chambre des députés. Sur place, le responsable de notre Parti de Gauche en Italie, Guillaume Mariel, nous attend. Il est venu spécialement d'Arezzo pour nous accompagner aujourd'hui et aider à la traduction en cas de difficulté de communication. Guillaume est bien connu des camarades de Rifondazione. Il a passé l'été dernier à sillonner l'Italie avec Fabio Amato pour présenter l'expérience du Front de Gauche. Une tournée qui a visiblement porté ses fruits. Il a aussi été le suppléant de Michèle Paravicini sur la très vaste 8ème circonscription des français de l'étranger. Autour de lui et d'Hélène, une camarade du PCF, un Front de Gauche Italie s'est formé. Guillaume m'annonce que tous les camarades romains se sont mobilisés pour être présent au meeting du soir. Je suppose que ce sont eux qui lançaient les applaudissements nourris qui m’ont accueilli. Il faut dire que j’évoluais dans les rues dans une ambiance très française car les supporters de l’équipe de France de Rugby étaient nombreux en goguette, amicaux et enjoués.
En fait je suis tombé par hasard sur Antonio Ingroia dans la rue en partant déjeuner. C'était ma première rencontre avec lui. Il sortait d'une des trois conférences de presse qu'il devait donner dans la journée. Celle-ci concernait l'annonce faite le matin même par des dirigeants de SEL qu'ils rejoignaient la Rivoluzione Civile. Une bonne nouvelle qui marquait visiblement les visages de l'entourage d'Antonio. J'ai ensuite rejoint Paolo Ferrero pour le déjeuner dans un petit restaurant où la Rivoluzione Civile a ses habitudes. Le quartier général de campagne est situé deux rues plus loin. Il a fallu déjeuner en vitesse ! Misère, quelle vie ! Spaghettis à la carbonara. Paolo m’explique comment ce plat qui a des allures de met traditionnel est en fait une trouvaille des bidasses américains à la Libération. Ils le fabriquaient avec le lait, les œufs en poudre et les filaments de lardons des rations de l’armée. Puis on parle d’Antonio Ingroia, bien que nouveau venu en politique, il est fortement marqué à gauche philosophiquement. Selon Paolo, l'homme apprend vite au contact des autres maintenant qu’il est sorti de l’isolement de sa situation dangereuse de juge anti-maffia. Et plus il apprend plus il renforce ses convictions. J'en aurai la confirmation le soir même. "Nous voulons devenir plus qu'une coalition électorale, un mouvement durable comme le Front de Gauche en France" a-t-il dit. "La Rivoluzione Civile n'est pas qu'une coalition électorale, c'est un mouvement historique. Utilisons-la bien". Pour l’instant, Paolo fonce. Il a un direct sur une chaîne de télé, une heure plus tard à peine. Bon vent camarades ! Le moment venu la salle est comble. Enthousiaste. Le drapeau est relevé. Nous sommes chez nous.
25jan 13
Le spot de campagne de Rafael Correa
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Dans ce spot de campagne, Rafael Correa parcourt tout l'Equateur à vélo, son mode de transport et son sport de prédilection. Il y croise les principales réalisations de ces six dernières années : routes sans dangers et éclairées partout dans ce pays de volcans où d'autres modes de transport sont difficilement envisageables, développement des énergies alternatives, de l'enseignement et de la santé… Un spot que Rafael Correa termine en levant le poing gauche dans un environnement pur. L'écosocialisme est en marche en Equateur.
Je vais sortir mes chaussures de manifestation pour dimanche pour l’égalité du droit au mariage. De retour du meeting de lancement de notre campagne contre l’austérité, je fais une pause écriture pour renouveler le dialogue que ce blog entretient avec tant d’entre vous. D’ailleurs vous avez été nombreux à suivre en direct sur ce blog le meeting. Nombreux aussi sont ceux qui ont regardé la retransmission sur les sites du PG et du PCF. Ces moyens de diffusion changent profondément notre rapport aux médias dans la mesure où nous n’en sommes plus dépendants pour faire connaître notre travail et nos idées. Le temps où ils avaient le pouvoir de faire comme si les choses n’existaient pas est fini. En cette période de guerre dont « la première victime est toujours la vérité » selon le mot de Kipling, nous pouvons mesurer quelle ouverture cela nous ménage. L’épisode lamentable de la meute se déchaînant contre moi pour nier mon calcul du coût quotidien de la guerre est tellement significatif. Il s’achève dans le ridicule pour mes détracteurs. J’en profite pour faire d’autres révélations que je vous propose de découvrir au premier chapitre de cette publication. Après je viens de nouveau sur l’accord MEDEF-Ayrault et le scandale de l’abandon de poste du gouvernement dans l’affaire Renault. Je conclus cette longue note par un appel d’air sur la campagne électorale de Rafael Correa en Equateur. La révolution citoyenne va sans doute gagner haut la main dans le pays qui l’a nommée le premier. Et sous les couleurs de l’homme qui l’a incarnée.
La presse en treillis se vautre en m'attaquant
Combien coûte la guerre au Mali ? Aucun article de presse ne s'était posé la question avant mon émission sur France Inter dimanche 20 janvier. Bien sûr, le coût ne peut pas être le seul critère pour décider d'une intervention militaire. La légitimité des buts de guerre et la légalité internationale sont décisives. Mais je m’amuse de vous donner à lire comment ceux qui ont essayé de démentir mes déclarations sur ces questions se sont pris les pieds dans le tapis. Et chemin faisant je fais des révélations que n’importe lequel de mes détracteurs aurait pu trouver s’il faisait son métier au lieu que de se croire légitime à me laver à l’eau sale. Mais il est vrai que c’est moins fatiguant. Bien sûr, une fois de plus, le glapissant Jean-Michel Aphatie s’est distingué. Il va sans doute reconnaître son erreur : question d’éthique et d’indépendance politique, bien sûr.
Dans une période où le gouvernement impose une politique d'austérité la question du coût d’une guerre ou « les intérêts fondamentaux de la France ne sont pas impliqués » est légitime. J'ai donc fait mes calculs. J'ai été aidé en cela par mes camarades de la commission Défense du Parti de Gauche. Sur France Inter, j'ai donc pu affirmer que cette guerre coûtait deux millions d'euros par jour à la France. Aussitôt, les grands médias se sont réveillés. Pas dans l'espoir d'informer nos concitoyens : le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait estimé sur France 5 qu'« il était un peu trop tôt » pour donner un chiffre. Il s’agissait de montrer comme d’habitude que seuls les journalistes donnent les bonnes informations, même quand ils n’en donnent pas, parce que le ministre leur a dit qu’il n’y en a pas. Je devais être rendu suspect. Comme souvent, c'est le médiacrate Jean-Michel Aphatie qui a sonné l'alerte contre moi. L'émission sur France Inter était encore en cours que, déjà, sur Twitter, il exigeait la "source du chiffrage". De son côté, il ne disait même pas à quel chiffrage ses propres investigations avaient abouti. Bien sûr, il ne s'était pas posé la question. D'ailleurs, personne ne se l'était posée. L'équipe d'"Arrêt sur images" s'est même demandée « pourquoi personne ne parle du coût de la guerre » lors de sa conférence de rédaction de lundi matin, après ma déclaration sur France Inter.
Aussitôt, chacun y alla de son article ou de sa chronique. La radio France Info s'est empressé de se demander : « Jean-Luc Mélenchon dit-il vrai sur le coût de l'opération Serval ? » au Mali. Pour cela, la radio a interrogé le 21 janvier Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'IRIS. Et surprise ! Celui-ci a déclaré, à propos de mon estimation : « Ça ne paraît pas impossible ». C'était compter sans Sébastien Hughes, journaliste pour le site internet de France Télévision. Il a ainsi écrit que « l'opération Serval devrait être un peu moins "gourmande" et donc revenir un peu moins cher » que l'opération en Libye. Pourquoi ? Parce que le porte-avions Charles de Gaulle n'est pas mobilisé au Mali. La guerre en Libye ayant coûté 1,6 millions d'euros par jour, le journaliste concluait que j'avais tort.
Le blog "décodeurs" du journal "Le Monde" a lui aussi affirmé que j'avais tort après avoir bien entortillé la question. Dans son "désintox" de l'émission de France Inter, il a jugé "hasardeux" l'estimation de deux millions d'euros par jour. Selon Le Monde, « ce chiffre n'est qu'un ordre de grandeur sans doute élevé ». Le journaliste Samuel Laurent s'interrogeait : « Comment fait M. Mélenchon pour déterminer que la France dépense "deux millions d’euros par jour" ? Mystère. Le gouvernement n’a en effet jamais fourni cette information. Mais le chiffre semble quelque peu exagéré au regard des autres opérations militaires extérieures ». Vous avez bien lu. Le gouvernement ne l’a pas dit donc « Le Monde » s’en tient là. Il ne cherche pas. Il répète la parole officielle. Et Le Monde de conclure, affirmatif : « L'opération au Mali ne coûte donc probablement pas plus cher que celle menée en Afghanistan qui ne revenait pas à 2 millions d'euros par jour mais à 1,4 million. […] Affirmer que le coût est de 2 millions d'euros par jour est donc au mieux un ordre de grandeur théorique ».
Deux jours plus tard, patatras ! Le ministre de la Défense en personne m'a donné raison ! Contre « Le Monde » et « France télévision » ! Mercredi 23 janvier, dans l'émission "Politiques" de France24, RFI et L'Express, Jean-Yves Le Drian a ainsi évalué, "de manière un peu grossière", "à peu près à 30 millions d'euros le coût de l'opération à l'heure actuelle". Sachant que l'opération avait commencé douze jours avant, le 11 janvier, on arrive à une moyenne de 2,5 millions d'euros par jour. C'est même plus que ce que j'avais dit ! Le journaliste du Monde a dû corriger sa propre note de blog pour tenir compte des chiffres donnés par le ministre de la Défense en personne. Il a ainsi dû reconnaître que « on ne peut plus dire que l'opération malienne coûte moins que la présence française en Afghanistan l'an dernier » comme il l'écrivait deux jours plus tôt. Ici la cellule "chiffrage" du Parti de Gauche vaut donc mieux que « Le Monde » » ou « France Télévision ». A moins que le ministre de la Défense ne soit pas une "source" suffisamment crédible aux yeux de Jean-Michel Aphatie ! En tous cas, je me suis bien amusé de voir les décrypteurs bouffis de prétention s’entortiller là-dedans. Car le vrai sujet était ailleurs.
En effet dans mon interview j’ai dit que puisque ni la résolution de l’ONU ni sa charte ne pouvaient être invoqués comme base légale de l’intervention, ce ne pouvait être qu’au nom de l’accord de défense qui nous lie au Mali. Et j’avais même ajouté pour exciter la meute : « Comporte-il un volet secret ? », comme il y en a un avec nos chers amis Qataris qui ont donné un « prix de la liberté de la presse » au dessinateur du « Monde » Jean Plantu et financent aussi les milices que nous affrontons au Mali. J’aimais bien cette histoire de « clause secrète » pour exciter la meute. En plus elle courrait comme bruit de couloirs chez les messieurs dames qui savent la vérité et auraient préféré qu’on ne s’y intéresse pas. Pas de danger que les « décrypteurs » qui sont occupés à m’asperger d’eau sale s’intéressent à ce genre de « détail ».
En fait, la France et le Mali ne sont liés que par un « accord de coopération militaire technique ». Il date de 1985. C’est le seul document officiel, il est consultable par tout un chacun. Ce n’est rien d’autre qu’un traité garantissant la formation, en partie, de l’armée malienne par l’armée française (déjà…). En aucun cas cet accord de coopération ne prévoit une aide militaire française concrète, ni en cas d’agression par un Etat tiers, ni en cas de guerre civile. Jusque-là les décrypteurs ont seulement raté une info à donner. Mais il y a bien plus savoureux.
Voyez plutôt : dans son article 2 cet accord stipule que : « Les formateurs militaires français (…) ne peuvent, en aucun cas, prendre part à la préparation et l'exécution d'opérations de guerre, de maintien ou de rétablissement de l'ordre ou de la légalité (…) au Mali ». Voilà ce qu’il faut savoir. L’accord de défense qui lie la France au Mali interdit l’intervention actuelle ! On mesure en lisant cela le niveau d’abaissement de la bande de supplétif des armées en campagne que sont ces soit-disant informateurs du public décrypteurs et autres farceurs. On mesure ce que valent leurs jérémiades habituelles sur leur « devoir d’information » et autres bla ! bla ! qui leur servent de prétexte à raconter la vie privée des gens d’après les ragots de leurs dîners en ville plutôt que d’exercer le minimum de curiosité et de méthode de travail qui devrait aller avec leur métier !
Il est vrai que les mêmes avant cela n’avaient eu aucune curiosité quand on leur a couiné aux oreilles que l’intervention était « légitimée par la résolution de l’ONU ». La 2805 précisait-on même, la bouche avancée comme pour avaler un petit four dans la salle de presse de l’Elysée. Mais aucun n’alla jusqu’à lire ladite résolution, ni la commenter. On nous régala de fins croquis sur l’ambiance et « l’allure de chef de guerre » de François Hollande et les confidences anonymes de ses prétendus conseillers. Pourtant la résolution 2085 du conseil de sécurité n’a pas été appliquée, et elle ne l’est toujours pas. En effet, l’article 11 de la résolution 2085 imposait un retour devant le Conseil de Sécurité. Et alors seulement le Conseil pouvait déclarer une intervention nécessaire. Cette analyse du texte est la seule valable. Elle est d’ailleurs confirmée par Monsieur Araud, ambassadeur de France à l’ONU. Il a reconnu que la France n’agit pas, actuellement, dans le cadre de la résolution 2085 mais dans le cadre d’une « Opération française d’urgence » (sic !). Alors les marioles, vous descendez du char ?
Ce n’est pas fini. La deuxième façon de légitimer l’intervention fut d’invoquer l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Or, le recours l’article 51 de la Charte des Nations Unies est conditionné à l’existence préalable d’une agression armée de la part d’un autre État. Ce n’est évidemment pas le cas ici car personne ne songe à mettre en cause le Qatar, je suppose en dépit de ses relations avérées, ai-je lu dans « Le Monde », avec les bandes armées que nous sommes en train de combattre. Dans le même journal j’ai lu que l’ONU avait du mal à légitimer l’intervention française. On comprend pourquoi. En l’espèce, il est légitime de dire que la France « tord le bras » à l’ONU. A la fin des fins l’argument massue ce sont les deux lettres du « Président » malien, président par intérim après que le précédent a été putsché. Avec ce genre d’arguments il aurait donc fallu accepter l’intervention soviétique en Afghanistan puisqu’elle avait été demandée par le président Babrack Karmal. Lui aussi luttait contre des fanatiques qui donnèrent ensuite Al-Qaïda soi-même !
Quoi qu’on en pense et en dépit des doutes jetés par mes « décrypteurs » sur la question, ce putsch a été réalisé par un officier ayant suivi des entraînements dans trois académies militaires des Etats-Unis et soutenu par des troupes elles-mêmes formées par les Etats-Unis dans le cadre de l'opération « Enduring Freedom – Trans Sahara » (OEF-TS), à savoir la formation d’unités spécialisées dans la lutte contre terroriste. Comment « Le Monde » peut-il dire que « cela n’est pas prouvé ». Peut-être compte tenu de l’ambiance très spéciale qui règne au service international de ce journal. La violence politique armée, les coups d’Etat, tout cela est blanc ou noir dans cette rédaction selon au nom de qui les choses sont faites. Le journal a donc publié le 25 octobre dernier une tribune du capitaine putschiste malien Amadou Haya Sanogo, sous la signature acceptée par le journal de « président du comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité (Mali) ». Il venait juste de renverser le président ! « Le Monde » ne s’arrêta pas à ce détail et publia sans commentaire ni aucune des leçons de morale réservées aux gouvernements de gauche latino-américain, les lignes de cet homme : « En mars 2012, nous avons cru devoir prendre nos responsabilités pour agir et aboutir à ce qu'on appelle un coup d'Etat. Il est à notre sens vertueux car nous n'avions que le seul dessein de sauver ce qui restait de la République. » Aucun décrypteur ne nous fit l’exégèse de ce qu’est un « coup d’état vertueux » ! Rien ne lui fut demandé du moment que l’intéressé faisait sienne les mantras du choc des civilisations : « … la bataille pour libérer le nord du Mali, écrivait-il, s'inscrit dans une guerre mondiale contre le terrorisme. Dans les années 1990, la communauté internationale avait fait preuve de cécité politique en laissant le commandant Massoud seul face aux talibans en Afghanistan. Le nord du Mali est comparable à l'Afghanistan des années 1990 quand Al-Qaida venait de s'y installer pour en faire une base mondiale pour le terrorisme » Aucun décrypteur de la sérénissime rédaction n’alla jusqu’à s’interroger sur la pertinence de la comparaison que faisait cet homme du président de son pays, en le comparant au Maréchal Pétain et en se comparant lui-même au général De Gaulle. Toutes ces pitreries se concluaient par ce noble coup de menton : "La bataille de France doit avant tout être la bataille des Français", disait de Gaulle. Pour nous aussi, la bataille de Tombouctou, de Kidal et de Gao doit avant tout être la bataille de l'armée malienne. C'est pourquoi nous sommes d'accord avec la position du président François Hollande, « l'armée malienne n'a besoin que de soutien logistique pour libérer le nord du pays. » Les décrypteurs du monde devraient maintenant aller lui demander ce qu’il pense de la situation et pourquoi pas publier une nouvelle tribune ?
Le cas Renault.
L'abandon de poste du gouvernement
Vous l’avez tous appris, Carlos Ghosn patron de Renault décide la suppression de 7500 postes en France d’ici à 2016. Je veux faire le point sur ce sujet et vous donner quelques éléments d’analyses à diffuser autour de soi auprès de ceux que cette annonce a rendus attentif au problème posé. N’oubliez jamais en cours de lecture que nous allons parler d’une entreprise dont les profits de groupe ont été de 3,5 milliards d’euros en 2010, de 2,1 milliards en 2011. A la moitié de cette année le groupe était encore bénéficiaire, avec 800 millions de bénéfices !
Pour quelles raisons un tel plan est-il devenu imaginable par Renault ? Il ne fallait pas être un grand économiste pour prévoir que les politiques d’austérité en Europe contracteraient le marché automobile européen. Tous les constructeurs souffrent. Le marché accuse une baisse de 8% en 2012 ! Encore une fois, dans cette affaire, on devine que les classes populaires et moyennes sont en première ligne. Tout se tient. L’acquisition ou le remplacement de la voiture passe après la nécessité de se nourrir et de se chauffer. Les riches n’ont pas ce genre de tracas. Mais ils achètent des voitures allemandes de très haut de gamme, pas de Renault. La stratégie de Renault est donc réputée fautive depuis le début. L’argument est qu’en positionnant Renault sur le segment « moyenne gamme », l’entreprise se serait condamnée elle-même. Cet argument c’est l’argument du marché roi. Seuls les riches peuvent acheter une voiture, donc produisons pour les riches. La vraie question est : pourquoi les autres ne peuvent-ils acheter de véhicule ? Pourquoi ne peuvent-ils en changer pour acquérir des véhicules plus écologiquement responsables. Le problème posé est donc social et économique au départ. Ce n’est pas une question de « segment de marché » et autres gargarismes pédants de perroquet médiatique qu’il faut poser.
Ghosn est une caricature de capitaliste borné. Il a fait de Renault le champion des délocalisations. Afin de réduire les coûts et d’augmenter ses marges, bien sûr ! Il a donc multiplié les délocalisations de production depuis cinq ans. Résultat : les deux tiers des voitures Renault immatriculées en France aujourd’hui sont fabriquées à l’étranger. Absurde démonstration d’un des fondamentaux de la critique du capitalisme que nous faisons depuis les premiers manuels de marxisme. A qui compte-t-il vendre des voitures en France ? Aux chômeurs sans ressources de ses anciennes usines ? Et pourtant il persiste et signe. Le dumping social est un moyen de plus pour obtenir des baisses de salaires par un gros chantage à l’emploi ! La direction tente maintenant d’extorquer un gel des salaires en menaçant de fermer deux sites si l’accord dit « de compétitivité » n’était pas accepté. Au choix donc : ou bien les salariés auront moins d’argent pour acheter leur voiture ou bien ils n’en auront plus du tout. Et vous savez pourquoi ? Parce que le marché se contracte et manque d’acheteurs! Et vous savez pourquoi ? Parce que les salariés perdent leur emploi. Notamment dans l’automobile ! Carlos Ghosn est l’autre nom d’Ubu roi ! Mais c’est le patron le mieux payé de France, avec 13 millions d’euros de salaire annuel.
La vérité est que ce type est un saboteur. La stratégie globale du groupe Renault-Nissan que dirige Carlos Ghosn est donc directement responsable. Depuis l’alliance avec Nissan, Carlos Ghosn a misé prioritairement sur le développement de l’activité du constructeur japonais au détriment de Renault. Depuis 1999, la production de Nissan a augmenté de 60%. Celle de Renault seulement de 10%. Les dégâts prévisibles sont de longue portée: sur les 7500 emplois supprimés qu’annonce Renault, 2000 relèvent de l’activité de recherche !
Que fait le gouvernement devant une telle incompétence ? Rien. Comme d’habitude ! Le Gouvernement ne fait rien, il approuve même le plan et soutient la direction de Renault. Le ministre du redressement productif ajuste des lignes rouges autour de la catastrophe comme le pompier impuissant dessine le contour du corps sur la route après l’accident. « Les lignes rouges que le gouvernement a tracées, dit-il, n’ont pas été franchies : pas de licenciement et pas de fermeture de site ». Mais 8000 emplois que la France n’aura plus en 2016 tout de même ! De la même façon pour le ministre Sapin, une suppression d’emploi est un « outil industriel » qui permet « d’éviter la catastrophe sociale » (sur France info vendredi 18 janvier). Tenant la catastrophe pour inéluctable, le gouvernement félicite donc Renault de prendre les devants. Il se réjouit de la douceur et de l’anticipation de Renault qui ne procède pas comme PSA. Il devrait non seulement refuser ce plan de suppression d’emplois mais il devrait exiger le remplacement de Carlos Ghosn. En tant que principal actionnaire il en a les moyens et le devoir. L’Etat détient 15% du capital de Renault et deux de ses administrateurs siègent pour cela au Conseil d’Administration. Au lieu de cela, il paye mais ne décide rien. Après avoir versé près de 5 milliards d’aides et d’avances à Renault en quatre ans, l’Etat s’accommode d’une influence stratégique quasi nulle, ne contribue d’aucune manière à réorienter la production et félicite un patron incapable quand il supprime 7500 emplois dans notre pays. Il trace « des lignes rouges » mais il les oublie aussitôt une fois démenties, deux jours plus tard, par les menaces et les chantages du patron sur les salariés ! Le gouvernement n’est décidément pas du côté des salariés !
Les députés de gauche ne doivent pas voter l'accord MEDEF-Ayrault
Le MEDEF veut faire la loi. Laurence Parisot, sa présidente, l'a dit très clairement le 15 janvier sur France Info. Elle a exigé « que le Sénat et l'Assemblée nationale respectent, à la lettre, le texte » de l'accord signé le 11 janvier. Ce genre d’injonction, relayée par le gouvernement et les adjudants de chambrée du PS doit faire réfléchir. Je continue ici l’analyse de ce texte dangereux.
Le MEDEF est totalement relayé par le gouvernement. François Hollande a demandé au gouvernement de présenter un projet de loi pour "transcrire fidèlement" l'accord signé par trois syndicats avec le patronat. Le journal Le Monde du 16 janvier parle même de "verrouillage" à propos de l'attitude du nouveau pouvoir envers sa propre majorité parlementaire. L'article nous indique que « le texte devrait être défendu par Jean-Marc Ayrault [lui-même] et que les rapporteurs du texte ont déjà été désignés, plus de trois mois avant l'arrivée du projet de loi en débat ; ce seront les présidents de groupe eux-mêmes, Bruno Le Roux à l'Assemblée et François Rebsamen au Sénat. » Puis Le Monde cite anonymement « un député proche du premier ministre ». On sait que ces anonymes sont des inventions de journalistes. La citation est donc une suggestion du journal de référence selon qui « sur un sujet comme celui-là, le gouvernement pourrait engager sa responsabilité avec le 49-3 », « soit l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire passer un projet de loi sans le soumettre au vote, l'Assemblée ne pouvant s'opposer que par une motion de censure » ! Dans ces conditions le gouvernement assume totalement le contenu du document initié par le MEDEF. Il est juste alors de parler d’un « accord MEDEF-Ayrault » pour aller à l’essentiel !
Le gouvernement et d’une façon générale tout le cercle de ceux qui ont fait tomber les syndicats de salariés dans ce traquenard sont très fébriles. On le comprend. Le projet de loi ne sera présenté en Conseil des Ministres que le 6 ou le 13 mars. Et le vote au Parlement n'interviendrait qu'en avril et mai. Les salariés ont donc plusieurs mois devant eux pour s'informer sur le contenu de l'accord et se mobiliser. Il faut bien se rappeler que ce qui est pompeusement nommé « accord » n’a pas été signé par la CGT et FO, qui représentent déjà la moitié des salariés, avant qu’on y ait ajouté Sud Solidaire et la FSU ! Quoi qu’il en soit, à eux deux, ces deux syndicats sont nettement plus représentatifs que les trois signataires. D'ailleurs, si les nouvelles règles sur la représentativité syndicale votées en 2008 s'appliquaient, « l'accord » ne serait pas valable. Mais elles ne s'appliqueront qu'à partir d'avril prochain. On comprend que le gouvernement ait été pressé que la négociation s'achève ! Sinon son piège ne pouvait pas se refermer sur les salariés. A quelques mois près, il aurait dû assumer seul ce qui lui serait devenu impossible de maquiller en « accord », même avec de bon relai pour signer.
Il devra assumer. Car rien ni personne n'oblige ni le gouvernement ni le Parlement à reprendre l'accord tel quel. En République, le législateur est libre de voter comme il le croit juste. Il n’existe pas de mandat impératif. D’ailleurs le code pénal punit sévèrement les tentatives de faire voter ou d’empêcher de voter un législateur selon ses convictions. Les députés pourront donc reprendre l'accord. Où inscrire dans la loi tout autre chose. Les députés et sénateurs du Front de Gauche déposeront des amendements, cela va de soi. Ils créeront le débat. Il est probable qu’ils ne seront pas seuls. Plusieurs parlementaires du PS ont déjà fait savoir que ce texte est à leurs yeux "déséquilibré" en faveur du patronat et donc "pas acceptable". Ils ont raison. Donc rien n’indique qu’après deux ou trois mois de campagne de sensibilisation à la base, il reste grand-chose de la muraille disciplinaire qui semble se dresser aujourd’hui depuis les sommets.
Si la démocratie représentative républicaine est malmenée par les méthodes de police politique du gouvernement sur sa majorité, il serait faux de croire que ce serait au bénéfice de la démocratie sociale. L’un de ses outils les plus chèrement conquis est mis à mal par l'accord signé le 11 janvier. On y trouve en effet une proposition particulièrement hostile aux droits des Comités d’entreprise. Une proposition de Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ! Elle implique un dispositif apparemment technique. Mais il a une grande incidence pour la vie de millions de salariés. Il s'agit de ce qu'on appelle les "seuils sociaux". Actuellement, la loi prévoit que les salariés ont le droit d'élire des délégués du personnel dans toutes les entreprises qui emploient 11 salariés et plus. Et que toutes les entreprises qui atteignent ou dépassent le seuil de 50 salariés doivent créer un comité d'entreprise. Les délégués du personnel comme le comité d'entreprise sont une limite à la toute-puissance de l'actionnaire ou du directeur de l'entreprise. Cette limite est parfois bien faible et devrait être renforcée pour donner plus de droits aux salariés. Mais pour le MEDEF, c'est déjà trop. Bien sûr, il ne peut obtenir la suppression pure et simple de ces instances décisives pour que les salariés se défendent. Mais il s'évertue depuis des années à essayer de rendre plus difficile leur création.
Le MEDEF vient de marquer des points. L'accord MEDEF-Ayrault prévoit que les entreprises ne seront plus obligées de créer les instances de délégués du personnel et comité d'entreprise dès que les seuils sont franchis. Elles auront désormais un an pour les mettre en place. C'est une manière de retarder leur création. Pourtant la loi prévoit déjà qu'un comité d'entreprise n'est mis en place que si une entreprise atteint le seuil de 50 salariés pendant douze mois. Avec l'accord du 11 janvier, les salariés devraient donc attendre deux ans entre le passage du seuil et la création effective du Comité d'entreprise. Pendant deux ans, c'est autant de droits qu'ils ne pourront faire valoir.
Cette sorte d’attaque du MEDEF contre les droits des salariés était jusqu'à présent reprise seulement par la droite et l'extrême-droite. Dans son projet pour les élections de 2012, l'UMP affirmait vouloir « supprimer les effets de seuil sociaux ». Quant au FN, dans ses "grandes orientations économiques" présentées en avril 2011, il dénonçait « des effets de seuils pervers ». Il appelait lui aussi à « lisser ces effets de seuil ». Pour quelle raison un parlementaire de gauche devrait-il accepter de valider par son vote un tel recul de la démocratie sociale dont on lui rebat pourtant les oreilles au paradis des discours sur la « social-démocratie » ?
Le MEDEF a voulu camoufler ses prises de guerre pendant toute la négociation. C'est le sens de l'enfumage autour de la taxation des contrats précaires. Le journal Le Figaro a vendu la mèche. Vendredi 11 janvier après-midi, à quelques heures de la fin de la négociation, l'éditorialiste Marc Landré l'écrivait noir sur blanc sur le site internet du journal : « Le Medef a finement joué. En sortant le plus tard possible sur une taxation des contrats courts […], le patronat a centré le débat sur cette question au final secondaire, et pour détourner l'attention de sujets plus fondamentaux qui fâchent, comme un accroissement de la flexibilité pour les entreprises. "Ça nous a permis de tenir la négociation et de maintenir les syndicats à la table des discussions", se félicite un négociateur patronal, pas mécontent de la stratégie arrêtée. En faisant cette ultime proposition, à la dernière minute […] Les patrons tuent toute possibilité d'ouvrir un nouveau front de contestation sur autre chose ». La soi-disant intransigeance du MEDEF sur cette question était donc purement tactique et manipulatoire. Doit-on pour cela voir des députés dument informés avaliser par leurs votes une manœuvre aussi grossière ?
La révolution citoyenne dans son pays
Sans doute ne le savez-vous pas. Rafael Correa a demandé et obtenu de l’Assemblée nationale équatorienne l’autorisation de prendre congé de son mandat présidentiel depuis le 15 janvier dernier. Il l’a fait pour se consacrer exclusivement à la campagne électorale. Comme je l’ai fait à l’occasion de la campagne électorale au Venezuela, je dédie une partie de l’audience de ce blog à la connaissance de ce qui se joue dans cette élection en publiant un bilan de l’action gouvernementale des nôtres. J’en profite pour rappeler l’existence et l’intérêt des referendums révocatoires que prévoit la constitution en Equateur comme au Venezuela.
Vous allez pouvoir trouver un bon document de la commission « Amérique latine » du Parti de Gauche sur le bilan de la « Révolution citoyenne » en Equateur. Il s’agit d’un « kit militant ». Il est donc fait pour militer. Comment ? En le faisant connaître aux équatoriens de France et de Belgique francophone. Mais aussi peut-être autant à tous ceux qui veulent connaitre les réussites de notre politique là où elle s’applique. Cette politique que haïssent les Etats Unis, l’Union européenne, la droite. Sans oublier les sociaux-libéraux comme ce Michel Sapin qui la qualifie de « gauche tonitruante » par opposition à la « gauche qui agit » qu’incarnerait le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
C’est donc désormais le vice-président Lenin Moreno qui remplace Rafael Correa à la tête de l’Equateur jusqu’aux élections législatives et présidentielle du 17 février prochain. Ce n’était pas une obligation constitutionnelle. Mais Rafael Correa veut qu’aucune confusion entre le président et le candidat ne soit possible. Nicolas Sarkozy aurait dû faire de même s’il avait voulu être remboursé… Une décision emblématique pour Correa qui a fait de l’honnêteté l’un de ses slogans de campagnes. « los honestos somos más » : « Nous, les gens honnêtes, nous sommes la majorité » proclame-t-il. A moins d’un mois du scrutin, le mouvement PAIS a bon espoir de voir son champion sortant réélu. Rafael Correa et son candidat à la vice-présidence Jorge Glas, son ancien ministre des Secteurs stratégiques, sont en effet très haut dans les sondages. Dans le pire des cas, les estimations de votes les donnent à 49% ! Il est dans toutes les autres enquêtes d’opinion crédité de plus de 60% des voix. Loin devant le suivant : Guillermo Lasso, candidat du mouvement de droite CREO. Créo ? Traduction : « je crois ». On ne doit pas se demander à quoi ce type croit réellement puisqu’il est l’un des principaux actionnaires d’une des plus grandes banques du pays, le Banco Guayaquil. Dans l’ambiance de la « révolution citoyenne » ce CV n’est pas si bien reçu ! Lasso est donc crédité de 11% des estimations de votes, ce qui est vraiment peu. Les autres candidats sont évalués en-dessous des 5%. Les instituts de sondages ne valent pas mieux là-bas qu’ici mais comme ils sont aussi à droite là-bas qu’ici, on ne peut pas les soupçonner de tendresse pour notre candidat quand les enquêtes le donnent élu au premier tour.
La campagne est un révélateur de la puissante adhésion populaire à la révolution citoyenne. La présence de milliers de sympathisant dans chacun des déplacements et des meetings de campagne que Rafael Correa enchaîne sans relâche sur les places publiques, suivant un style que nous avons en commun dans le monde, prouve que l’enthousiasme citoyen est là. Le 4 janvier dernier, jour du lancement officiel de la campagne, ils étaient plus de 30 000 à s’être réunis dans le Stade « Los Reales Tamarindos » à Porto Viejo, sur la côte équatorienne. Les premiers mots de Rafael Correa à cette occasion auront été à l’image de la révolution citoyenne permanente qu’il mène avec son équipe et les citoyens équatoriens depuis maintenant 6 ans : « Nous avons commencé, avec une grande joie, cette bataille démocratique où les soldats sont les citoyens et les balles sont les votes ». Quant à Jorge Glas, il a dès ce premier rendez-vous de campagne endossé la bataille pour la répartition des richesses. Apparemment celui-là n’est décidément pas comme Cahuzac qui ne « croit pas à la lutte des classes ». « Il est temps de redistribuer la richesse entre les équatoriens, a-t-il dit. Le meilleur est à venir. La lutte pour redistribuer la richesse sera très dure. Nous ne pourrons la mener que si nous disposons de la majorité à l’Assemblée. » Une majorité parlementaire pour aider la lutte de classes ! C’est vrai qu’on ne voit ni Sapin ni Ayrault dans ce rôle ! Pour Correa et son équipe, il est crucial de faire comprendre aux citoyens l’importance du rôle joué par les députés dans le processus démocratique qu’ils animent.
La Révolution citoyenne implique de nombreuses formes d’implication populaire. Pour autant elle ne nie pas l’importance des institutions représentatives. Faire comprendre l’importance du rôle d’instruments des citoyens que peuvent devenir les députés nationaux est essentiel. N’oublions pas que dans ce pays où la révolution a gagné sur le mot d’ordre « qu’ils s’en aillent tous ! ». On part de loin en matière de méfiance et de rejet des élus ! La nouvelle constitution en a tenu compte avec clarté. Rappelons à ce propos qu’en Equateur tout élu peut être révoqué par référendum au bout d’un an de mandat, droit qui est maintenu jusqu’au début de la dernière année de mandat de l’élu. Pour être soumis à un référendum révocatoire il suffit qu’au moins 10% des inscrits sur la circonscription électorale concernée en fassent la demande. Un tel référendum révocatoire est aussi possible à l’encontre du Président de la République si 15% des inscrits le demandent. Dans tous les cas, la révocation demandée est validée si les citoyens concernés l’approuvent à la majorité absolue. Ce référendum révocatoire est une clef essentielle des nouvelles démocraties institutionnelles que nous voulons faire naître de ce côté-ci de l’Atlantique. Et beaucoup du reste du programme mise en œuvre aussi, d’ailleurs. Voyez par vous-même en ouvrant le document. Il est très important pour ce que nous entreprenons en France et en Europe que le plus grand nombre d’entre nous élève son niveau de connaissance et d’analyses raisonnées et informées à l’égard de ce que nous entreprenons dans le monde. Nous ne sommes pas « seuls ».
Lu dans vos commentaires…
195 – Guillaume dit le 28 janvier 2013 à 23h04
Petit exercice. Sachant que le patron de Renault gagne 13 000 000 d'euros par an, combien pourrait-on payer d'ouvriers de chez Renault, s'il ne gagnait plus que 360 000 € annuel (et il en aurait bien assez !), et que le salaire net de chaque ouvrier était 20 fois inférieur ? Réponse : 13 000 000 – 360 000 = 12 640 000 € à répartir. Sachant qu'un ouvrier serait censé gagner au minimum : 360000/20 = 18000 (soit 1500 € net mensuel). Cela permettrait de faire travailler : 12 640 000 / 18000 = 702 ouvriers. A ouais, quand même ! Qu'il s'en aille, et je veux bien prendre sa place pour 360 000 € par an ! Que se vayan todos !
11juil 12
Sous le clavier d’été, peut-on bronzer ?
Ici je réfléchis avec mon clavier. Je laisse de côté, volontairement tout ce qui concerne l’action du gouvernement de François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Je n’ouvre pas ici une succursale du mur des lamentations ! Je suis ailleurs. Pour être mieux là, ensuite. A partir du bilan que je fais de ma participation au « Foro de São Paulo » à Caracas, je fais des projets. Au total ça parle du Foro, de son histoire, du point où en est l’autre gauche internationale, de mes relations avec des personnages décriés par la presse vénézuélienne, du coup d’Etat qui vient d’avoir lieu au Paraguay, du scandale de la diffusion de délires du tueur en série toulousain. D’une réunion à propos de la façon d’être traités dans la presse de nos pays. Je ne sais pas si ce sont de bons sujets à lire en période de vacances. Mais il m’aura été utile de les mettre en mots. J’y trouve au moins mon compte, tant mieux si c’est le cas pour vous aussi.