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30jan 13

Un post de combat

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mar-58Dans ce post, il y a vraiment beaucoup de choses. Qui veut juste du commentaire sur l’actualité comme je l’ai vécue s’en tiendront au premier chapitre sur les nouvelles brèves et diverses. Qui veut anticiper les événements à venir liront ce que je leur apprends à propos du rail et des idéologues fous de la Commission européenne. Et enfin, qui n’a pas envie de se faire bourrer le crâne sans réagir, à propos des licenciements chez Goodyear, lira l’argumentaire que je lui propose. Il faut en effet s’attendre à voir être distillée une grosse dose de résignation chez les salariés sur le sujet. L’affaire fonctionne comme dans le cas Renault : il s’agit d’une préparation psychologique à l’arbitraire de l’accord MEDEF-Ayrault. Mais il n’est pas dit que le PS parvienne à faire taire la volonté d’amendements des parlementaires. Bref ceci est un post de combat. Et pour commencer à vous y insérer, voici un lien vers la pétition en ligne pour l’amnistie des syndicalistes qui va faire l’objet d’une proposition de loi soumise au vote du Sénat le 28 février prochain.

Des nouvelles brèves et diverses

Ici il est question de luttes et de manifestations. Celles des salariés qui se sont donné rendez-vous aux Champs-Elysées et devant le ministère du travail. Mais aussi pour « le mariage pour tous » à propos duquel je parle aussi de nos actions avenir. Ensuite il est question des vociférations du PS contre le Front de Gauche en général et contre moi en particulier. Et enfin un mot du nouveau document d’orientation adopté par le Front de Gauche après cinq mois de discussion que le PS n’a pas réussi à faire échouer. Pas plus qu’il n’a pu empêcher le dialogue de s’organiser entre le PG et Europe-Ecologie-Les-Verts. Deux claques que le Parti tout puissant s’est infligé du seul fait de son arrogance et de son sectarisme. 

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Ce mardi, un salarié de Sanofi est mort. Il s’est suicidé en avalant il y a quinze jours une cuillère de cyanure sur son lieu de travail. La lutte est une affaire toute humaine. J’y pensais en parcourant les rangs des camarades de toutes ces entreprises en lutte qui s’étaient donné rendez-vous sur les Champs-Elysées avec les Virgin et aussi devant le ministère du travail autour des « licencielles » venues présenter leur proposition de loi contre les licenciements. Elles ont été reçues par un membre de cabinet. Laurence Parisot, la présidente du MEDEF aurait été reçue par le ministre lui-même, n’en doutez pas. D’ailleurs, la veille, ce fut la réception en grande pompe au siège du PS rue de Solférino ! Deux poids deux mesures. Raison de plus pour tenir bon ! Quand je suis passé saluer les manifestants aux Champs-Elysées, j’ai échangé une poignée de main avec Jean-Pierre Mercier le dirigeant de la CGT d’Aulnay. Lui m’a lancé l’alarme. Les salariés en grève ont besoin d’aide. Des sous ! Il faut donc partout où on le peut monter des collectes pour transmettre le soutien demandé.

A l’inverse, à la manifestation pour le « mariage pour tous », ce qui était frappant cette fois-ci comme pour la précédente c’est l’ambiance extrêmement apaisée qui régnait. Si je le note c’est parce que cela me semble être une caractéristique peu ordinaire pour qui, comme moi, lit dans une manifestation comme dans un livre. Par contraste je viens de dire que nos manifestations sociales sont beaucoup plus tendues. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi nos rangs sont souvent très coléreux puisqu’il s’agit le plus souvent de bataille en défensive contre un recul social. Mais il est moins évident de sentir la raison de l’expressive joie tranquille qui s’exprimait ce dimanche. Je pense que la reconnaissance du mariage pour tous libère la société d’une tension qu’elle contient. La recrudescence des actes homophobes dans la période récente souligne de quoi il s’agit. Je pense que nous n’effacerons pas en un instant ce genre de préjugés ni l’agressivité du refoulé qu’il exprime chez certaines personnes démunies de recul sur elles-mêmes. Mais je me dis qu’il s’agit néanmoins d’un seuil franchi. Je vais en donner l’exemple qui me vient à l’esprit pour décrire cette idée. J’ai l’âge de me souvenir de la période où le divorce était rare. J’ai connu et je connais des sociétés où il l’est toujours quand il n’est pas encore tout simplement interdit. C’est alors la multiplication des situations scabreuses, des pauvres secrets de Polichinelle, des malentendus disloquant les codes sociaux dominants. Ils pourrissent la vie des gens, qu’ils aient à assumer les mensonges exigés par la société ou qu’ils s’y trouvent impliqués. Je m’amuserais volontiers à faire une comparaison qui me fait sourire quand je lis le statut de quelqu’un sur Facebook qui donne comme description de sa situation matrimoniale : « c’est compliqué », réponse rendue disponible par le réseau social lui-même. Quand la société tout entière rend « compliquée » la vie des gens, ce n’est pas du tout de même nature que quand les gens se la rendent compliquée par eux-mêmes. Car il faut s’en souvenir : l’orientation sexuelle n’est pas un choix. C’est un fait qui s’impose à chacun d’entre nous. Je pense que la force de banalisation que contient « le mariage pour tous » aura cette première vertu d’être une thérapie d’apaisement des relations de civilité. Il sera toujours temps, ensuite, de se souvenir que le mariage n’est pas une revendication de gauche.

Philosopher sur ce sujet plutôt que guerroyer ? Pourquoi ? C’est que je crois la partie gagnée au plan législatif. L’enjeu dès lors est de fortifier la victoire par la pédagogie davantage que par la seule force du fait légalement accompli. D’autant que la droite, quoiqu’elle en dise, ne reviendra pas sur la loi ainsi qu’on l’a vu en Espagne après des manifestations autrement plus nombreuses qu’en France. Mais le devoir de pédagogie s’impose. Non pas face à ceux dont la conviction est faite quoiqu’il arrive. Mais en direction de ceux qui ne parviennent pas à se faire une idée stable sur le sujet ou bien sur les questions qui y sont liées. Il faut s’inspirer des décennies de combat mené par les associations impliquées. Leur solitude longtemps. C’est la pédagogie patiente qui a permis la victoire qui s’annonce. Pour nous c’est un sujet particulier de fierté de savoir que c’est Martine Billard, notre co-présidente, qui déposa la première proposition de loi en faveur du mariage pour tous. Le vote de cette loi ne sera pas une faveur accordée mais un combat qui aboutit. Bien sûr reste pendante la douloureuse question de l’homoparentalité. Certes, étrangement, les députés du Front de Gauche ne sont pas unis sur cette question. Ce ne sera pas le seul sujet où nos députés voteront chacun pour soi. Cette étrange règle de la double autonomie permanente des députés vis-à-vis du groupe et du groupe par rapport au Front de Gauche conduit à faire que l’accord se fasse à minima en permanence. Peu importe. Nous nous repèrerons sur les plus en phase avec le programme du Front de Gauche, dans chaque cas. Ici, sachez qu’une fois de plus, Marie-George Buffet, à l’Assemblée, nous représentera bien. Il est cependant déplorable que personne n’ait défendu ses amendements en commission des lois.

Mais le groupe Front de Gauche au Sénat sera unanime pour défendre ces amendements. C’est une bonne chose. C’est conforme à l’avis dominant dans nos rangs et parmi nos électeurs. C’est ce qu’affirme une note que m’ont envoyée les camarades de la commission LGBTI du Parti de Gauche. « Le site Altantico a publié à la veille de la grande manifestation du 27 janvier à Paris pour l'égalité des droits LGBT, le dernier sondage IFOP d'opinions sur le mariage et sur l'adoption. Le commentaire des résultats du sondage par Jérôme Fourquet de l'IFOP rend totalement invisible le Front de Gauche puisqu'il ne parle que des "sympathisants PS" et des "sympathisants UMP"… Et pourtant!!… Hormis les données générales de ce sondage IFOP qui montre une remontée du soutien au mariage homo (63%) et à l'adoption homoparentale (49%) dans l'opinion générale, et cela après la manif du 13 janvier, on apprend dans le tableau détaillé en page 3, que c'est parmi l'électorat de Jean-Luc Mélenchon et les sympathisants du Front de Gauche que l'on trouve le plus de personnes favorables à l'adoption et au mariage égalitaire… Ce qui confirme le sondage d'il y a 2 semaines qui portait uniquement sur le mariage.
Sur le mariage homo, selon la proximité politique : EELV 89%; FDG 85%; PS 81% vote présidentiel : Jean-Luc Mélenchon 85% ; Hollande: 76% (Bayrou et Le Pen juste supérieurs à 50%). En ce qui concerne l'adoption homoparentale le classement par proximité politique est encore plus net : FdG 72% (dont 53% tout à fait favorables) ; PS 67% (dont 43% tout à fait) ; EELV 61% (dont 27% tout à fait)… Modem 71% (dont 47% tout à fait) !! Même classement selon les électorats à l’élection présidentielle : Jean-Luc Mélenchon 69%, Hollande 63%, Bayrou 51%. Curieusement il y a un gros décrochage de l'électorat EELV sur l'homoparentalité. Celui-ci reflète le débat qui éclate actuellement seulement en leur sein venant d'opposants qui invoquent le "naturalisme" supposé écologique de la parentalité… Bonne leçon sur ce que le naturalisme appliqué à l’être humain peut donner…
Deuxième leçon d'ensemble, elle vient des données socio-économiques. Elles donnent des résultats qui vont à l'encontre de beaucoup d'idées reçues… Car on voit alors que les clivages sont nettement politiques et encore plus nettement générationnels. En revanche, pas de gros clivages socio-professionnels. On notera malgré tout, contre certaines idées reçues, que les ouvriers et employés comme les professions intermédiaires, sont plus favorables que la moyenne à l'égalité des droits LGBT !!! Tandis que les classes supérieures sont plus défavorables que la moyenne. Et les retraités sont très défavorables. Les retraités? Cela recoupe le clivage générationnel…
Mais ce n'est pas tout : les régions Nord-Ouest et Nord-est sont nettement plus favorables que l'Ile-de-France… Les habitants des communes rurales sont plus favorables que ceux des villes de régions qui eux-mêmes sont plus favorables que ceux de l'agglo parisienne ! Qui l'eût cru ? Bref, l'égalité des droits LGBT, ce n'est pas qu'une revendication pour bobos parisiens…"

Excellent traitement médiatique de la manifestation « mariage pour tous » ! Des centaines de tweets ont dit la colère de toute sorte de gens, inclus des journalistes contre la grossière sous-information donnée sur cette mobilisation par comparaison avec celle de l’église catholique et de l’extrême-droite la quinzaine précédente. De cette façon le rejet et le dégoût à l’encontre des médiacrâtes s’accroît et avec eux la délégitimation du grossier système médiatique de notre pays. Comme on le sait dans la lutte se forgent les consciences et l’éducation collective. Personne n’a été dupe du procédé. La manipulation n’a rien empêché ni rien falsifié dans la perception du public. Nous n’y avons rien perdu donc. Mais ceux qui ont vu le procédé cette fois-ci le soupçonneront les autres fois sur d’autres sujets. C’est un bénéfice collatéral inespéré. La colère des gens faisait plaisir à voir. Nous avons avancé dans la compréhension populaire de l’infamie de ce système médiatique et du besoin de le révolutionner en profondeur.

Les dirigeants du PS mènent une rude offensive contre le Front de Gauche en ce moment. La ligne reste la même depuis quelques semaines : taper en faisant un chantage aux municipales sur le Parti Communiste. Dans l’imaginaire bureaucratique du Parti des situations acquises et des places disponibles, le monde entier est censé être à son image un ramassis de carriéristes effrénés. Pour eux, donc, les sortants communistes sont supposés être plus accommodants. L’idée de diviser PCF et PG se limite à cela. La manœuvre est si grossière et donne des résultats si contre-performants qu’il faut commencer à se demander si ce n’est pas un coup de billard à deux bandes. En effet la façon qu’à le PS de parler au PCF est si grossière, si vulgaire et la ficelle finale est si grosse ! Bref, on dirait bien que ceux qui parlent de cette façon ont bien pour objectif de braquer les communistes, c’est-à-dire qu’ils comptent sur l’effet inverse de leurs adjurations. Car plus ils parlent et plus la cohésion du Front de Gauche contre les maîtres-chanteurs et le dégoût de leurs méthodes s’accroissent. L’exercice d’intimidation est spécialement pervers et mené par des personnages qui sont coutumiers de ces façons de faire. Ceux-là entonnent le grand air de « l’unité pour deux ou trois » destiné à la parade. Puis ils menacent, tempêtent et injurient.
Carnouvas, « secrétaire aux relations extérieures » du PS comparant le PCF au FN, il fallait oser ! Mais pourquoi ces gesticulations ? C’est simple. Ce discours est à usage exclusivement interne au PS. La base y renâcle de plus en plus. En atteste le maigre succès de la « réunion des 2000 secrétaires de sections » tenue par Harlem Désir. J’ai noté le chiffre annoncé officiellement. Je me souviens que ce genre de réunion regroupait auparavant non moins officiellement 5000 secrétaires. C’est dire quel enthousiasme règne dans ce parti quelques mois après la conquête de la présidence ! En nous désignant à une vindicte confuse et bavarde c’est en réalité une opération de maintien de l’ordre qui est engagée contre ceux qui de l’intérieur montreraient leur accord avec les critiques raisonnées que nous formulons. Les récalcitrants seront privés de candidatures ou de prébendes ou bien les deux en même temps.
Après cela il y a aussi la compétition interne entre, par exemple, Jean-Christophe Cambadélis et Harlem Désir pour la tête de liste nationale aux élections européennes. Car il se dit que la liste sera nationale de nouveau. On comprend qu’Harlem Désir n’ait pas envie de revenir sur le hachoir francilien qui lui a donné moins de quatorze pour cent la dernière fois. Et Jean-Christophe Cambadélis sera à cette date le président du Parti Socialiste Européen, si personne ne lui a scié la planche d’ici là. Que sais-je encore ? Rien de consistant. Juste des intrigues de palais. Mais l’essentiel de la manœuvre qui consistait à empêcher l’accord au Front de Gauche sur le nouveau document d’orientation stratégique a échoué.   

Et du coup c’est bien la meilleure réplique que nous avons à faire à tout cela : le nouveau texte « stratégie » que la coordination nationale de notre Front de Gauche unanime a été adopté en dépit de toutes les pressions jusqu’à la dernière minute pour qu’il ne le soit pas. Je donne sur ce blog la version maquettée de ce document qui actualise notre stratégie commune. Le blog d’Eric Coquerel raconte son histoire. Est-ce parce que le PS a découvert trop tard le point d’avancement du document ? Ou bien parce qu’ils se sont mis à croire à leur propre propagande à propos de divisions dans le Front de Gauche, si complaisamment relayée dans leur presse amie de « Libération » ou du « Nouvel observateur ». Toujours est-il que le PS a raté le coche. Le texte a été signé ! Il va maintenant être discuté dans toutes les organisations de base et mis en pratique j’en suis certain. Ainsi se construit le Front de Gauche : dans l’action commune de masse, dans le soutien et la participation aux luttes, dans la construction d’une compréhension commune des événements et des tâches.

De même l’opération cordon sanitaire tentée par le PS pour isoler le PG du reste de l’écologie politique est un gros échec. La démarche ininterrompue que nous avons entreprise en direction du plus ancien parti de l’écologie politique en France d’une part, et le refus de ce dernier de se faire instrumentaliser pour les basses œuvres du PS ont permis que le dialogue se construise concrètement et respectueusement. Nos équipes se sont donc rencontrées mardi pour « faire converger un certain nombre de réflexions » au moment où déjà EELV et le PG ont « eu des positions convergentes notamment sur le traité européen, la critique sur l'accord avec le Medef, Notre-Dame-des-Landes ». « Nous avons des zones de convergence, nous voyons comment les partager », a renchéri Jean-Philippe Magnen, selon l’AFP qui rapporte ses propos. « Le porte-parole d'EELV cite en exemple "l'éco-industrie ou la transition énergétique ». Et il ajoute : « Le PG n'a pas été convié au débat national sur la transition énergétique et nous le regrettons », souligne l'écologiste.

Il ne s’agit pas de faire des choses qui ne sont pas. Le PG est membre du Front de Gauche et il y tient comme à sa propre identité. EELV est membre de la coalition au gouvernement et il n’a pas l’intention d’y renoncer. « Nous n'avons pas fait le même choix stratégique », a déclaré pour nous Eric Coquerel. « Les écologistes ont en effet choisi de participer au gouvernement alors que le Parti de Gauche a choisi de rester en dehors » souligne l’AFP qui fait préciser l’idée par Jean-Philippe Magnen : « On assume les stratégies différentes, ce n'était pas une rencontre pour parler des élections à venir ». Et l’AFP de relever : « Entre écologistes et Parti de Gauche "il n'y a pas de donneur de leçon" », selon Eric Coquerel qui fait allusion aux rapports tendus entre le PS et le PG. Quelles conclusions pratiques ? Nos deux partis ont décidé « d'ouvrir des ateliers de "l'écologie politique concrète" sur le logement, la transition énergétique, la fiscalité » pour, autant que possible, « élaborer des propositions communes ». En dépit de toutes les violences et les oukases du PS le dialogue continue à gauche, avec toutes ses difficultés mais aussi toute la force propositionnelle et d’espérance concrète qu’il contient.

Le cas Goodyear. Apprenez à argumenter !

Vous allez beaucoup entendre parler de Goodyear ces temps-ci. Vous allez avoir besoin d’arguments pour résister à la résignation devant une « conséquence de la crise » et du « refus de négocier » des travailleurs du site ! Jeudi 31 janvier, la direction du groupe Goodyear a convoqué un Comité central d'entreprise. Officiellement, il s'agit d'« une information aux représentants du personnel concernant la stratégie du groupe pour le site d'Amiens-Nord ». En fait, Goodyear veut fermer l'usine et licencier les 1250 salariés. Mais pourquoi ? Est-ce inévitable ? Il faut argumenter !

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L'usine fabrique des pneumatiques de deux sortes : des pneus pour les engins agricoles et des pneus "tourisme", c'est-à-dire pour les voitures individuelles. Comme d’habitude c’est le gros refrain de la rentabilité insuffisante et de l’atonie du marché qui nous est servi. Comme d’habitude le contexte fonctionne comme un effet d’aubaine pour justifier une opération financière. Car c’est bien une nouvelle fois un cas de licenciements boursiers. En effet, le groupe Goodyear se porte bien. Et même très bien ! Il est aujourd'hui le troisième fabricant mondial de pneus avec cinquante sites de production à travers le monde. Goodyear se vante d'avoir réalisé en 2011 sa "meilleure performance depuis 2000" avec un chiffre d'affaires de 23 milliards de dollars, en hausse par rapport 2010. Et un bénéfice de 343 millions de dollars. Le PDG de Goodyear est payé 12 millions de dollars par an. Le problème posé ? Les principaux actionnaires sont tous des fonds d'investissement américains ! Des prédateurs malfaisants et parasites !

Depuis des années, Goodyear cherche à se débarrasser de l'usine d'Amiens-Nord. Sur place, les salariés sont des têtes dures. Depuis cinq ans, ils ont systématiquement mis en échec les projets de la direction. Déjà en 2007-2008, la direction avait fait du chantage à l'emploi aux salariés. A l'époque, elle avait exigé des salariés qu'ils acceptent un "plan de modernisation" en échange de 52 millions d'euros d'investissement sur le site. Ce plan prévoyait plus de 400 suppressions d'emplois, une augmentation du temps de travail et une remise en cause de toute l'organisation du travail avec le passage en 4×8. Malgré le chantage à l'emploi, les salariés et la CGT avaient rejeté ce plan. Sur le trottoir d’en face, l’autre usine du groupe avait cédé au chantage. France 2 en a tiré un reportage à charge contre les récalcitrants. Un Pujadas rayonnant de joie l’a présenté. Certes, les raisonnables travaillent désormais 48 heures sans augmentation de salaires six jours sur sept ! Mais ils ont gardé leur boulot ! Les autres vont le perdre ! Un raisonnable s’exprime : « C’est invivable, on n’a plus de vie ! Mais que faire ? On doit nourrir nos familles. » Sourire compréhensif de David Pujadas.

En fait la direction veut briser la résistance. La direction a lancé plusieurs plans sociaux pour abandonner l'activité pneus de tourisme. Le plan présenté en 2009 prévoyait notamment 800 licenciements. A chaque fois, la justice a annulé le plan social pour absence de justification économique et donc "absence de cause réelle et sérieuse aux licenciements". Mais les multirécidivistes du délit économique n’ont pas de « peine plancher », eux. Ils sont autorisés à recommencer avec prière de ne pas se faire prendre la fois suivante. Goodyear a donc ensuite essayé de vendre l'usine à la découpe. Goodyear a ainsi tenté de vendre la partie pneus agricoles à un autre groupe américain, le groupe Titan. Mais là encore, les salariés ont mis le projet en échec. La CGT a refusé le plan de licenciements qui devait accompagner la cession à Titan. Puis ce fut le "plan de départs volontaires", qui était le plan B de la direction. Pourquoi ? Parce que le repreneur, Titan, refusait de s'engager sur les volumes de production affectés au site d'Amiens-Nord. Dit autrement, la "reprise" s'apparentait par beaucoup d'aspects à une liquidation en silence. Goodyear refilait le sale boulot à une entreprise beaucoup moins solide qui devrait payer beaucoup moins d'indemnités aux salariés à licencier. On connait le procédé pour lequel le dépeceur de Samsonite à Hénin-Beaumont a été condamné. Le journal Fakir donnait alors la parole au délégué syndical CGT de l'usine : « On devait rendre notre réponse au 30 novembre [2011], mais pour nous, c’est non ! Quand on leur demande "quel chiffre d’affaires vous prévoyez ?", ils ne savent pas ; dans leur tableau y a marqué "zéro". Zéro, pour moi, c’est une boîte fermée ». Le 2 décembre de cette année-là, le patron de Titan, Maurice Taylor a confirmé que ces craintes étaient fondées. Dans Le Monde, il a déclaré : « Il aurait été préférable que Goodyear ferme toute son usine et que nous rachetions les équipements de fabrication des pneus agraires pour les produire hors de France ». Voilà qui était dit. Cynique et cru !

Goodyear est contraint d'assumer publiquement sa volonté de fermer l'entreprise. Si j'ai rappelé toute cette histoire, c'est pour montrer que nous ne devons pas être dupes des arguments de la direction. Ils vont être récités de tous côtés par les médias. Retenons l’essentiel pour nos conversations avec nos amis autour de nous. L'abandon du site d'Amiens-Nord ne s'explique pas par je ne sais quelle raison conjoncturelle. Il correspond à une stratégie pensée de longue date : fermer un site où les salariés sont combatifs pour aller là où la main d'œuvre est moins chère et plus corvéable. La conjoncture n'est qu'un prétexte. C'est ce qu'il faut avoir à l'esprit lorsque la direction prétend que la rentabilité du site aurait brutalement chuté de 23% fin 2012. Qui veut tuer son chien l'accuse d'avoir la rage. Si le site rencontre des difficultés, c'est que la direction a elle-même organisé ces difficultés. Selon les syndicats, elle n'a pas suffisamment investi depuis des années. Et elle a constamment privilégié d'autres sites du groupe dans l'attribution des volumes de production. Pour mieux justifier aujourd'hui la fermeture. Dites-le.

Siim Kallas : une catastrophe ferroviaire programmée ?

Siim Kallas c’est le nom de l’Estonien qui est en charge du rail à la Commission européenne. Un enragé dogmatique dans l’offensive contre les services publics. Sa prochaine cible, c'est le TGV et les trains « grandes lignes ». Ainsi que l'ensemble du système ferroviaire et de sa gestion. La Commission doit en effet présenter son "quatrième paquet ferroviaire" le 30 janvier. Elle se propose de détruire ce qu'il reste du service public ferroviaire.

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On devine la sacro-sainte motivation de ce nouveau délire. La Commission européenne veut renforcer la concurrence dans les transports ferroviaires. Pour cela, elle veut séparer encore plus strictement qu'aujourd'hui la gestion du réseau ferré et l'exploitation des lignes. Sans être trop technique, je m'explique. Ces deux activités sont séparées et exercées par des entreprises différentes. D'un côté, Réseau ferré de France (RFF) gère l'infrastructure, c'est-à-dire les voies, leur entretien, leur rénovation. RFF attribue aussi les droits de passage aux compagnies ferroviaires : les sillons. De son côté, la SNCF exploite les lignes en proposant des trains parfois en concurrence avec des opérateurs privés pour le fret ou le transport international de passagers. Mais dans les faits, RFF est une coquille presque vide. Pour assurer la gestion quotidienne, RFF a en fait recours à une filiale de la SNCF appelée « SNCF Infra ». C'est dire le degré de bêtise de cette séparation ingérable ! En attendant, c’est cette branche de la SNCF qui effectue la gestion et la maintenance quotidiennes du réseau ferré pour le compte de RFF.

Pour la Commission européenne, c'est une atteinte insupportable au dogme de la "concurrence libre et non faussée" ! Le commissaire européen chargé des transports, l'Estonien Siim Kallas, a donc mijoté un plat très épicé. Son avant-projet de réforme exige une séparation totale entre le gestionnaire du réseau et les exploitants des lignes. C'est "l'Unbundling". Le bon sens montre au contraire que l'efficacité et la qualité du service public exigent de revenir à une intégration beaucoup plus forte entre le gestionnaire et l'exploitant et même, dès que possible, à une entreprise unique. Mais le dogmatisme du commissaire est sans limite. Frédéric Cuvillier lui-même, le ministre des Transports français, a estimé devant deux commissions de l'Assemblée nationale que cette décision « n'a pas de nécessité, ne s'explique pas » et que « le commissaire Kallas doit remettre le métier sur son bureau ». Manifestement, il n'a pas été assez clair. Le fanatique estonien a répondu avec une rigidité absolue : « Notre proposition reste en l'état à ce stade. Nous ne l'avons pas modifié d'un iota. Notre philosophie n'a pas changé sur la séparation ». Philosophie ? Ce type devrait soigner ses traductions. Faux jeton comme pas un, à propos de ses échanges avec le ministre français, il a même ajouté : « Il n'y avait pas de divergences radicales. Les divergences portaient sur des détails, elles peuvent être réglées sans trop de soucis ».

De deux choses l'une. Soit le commissaire européen ment et il s'apprête à fouler aux pieds l'opposition de la France dans une grande brutalité libérale. Soit le commissaire européen dit vrai et la résistance du ministre français n'est en fait qu'un jeu de rôle de pacotille. Nous avons toutes les raisons d'être inquiets. Car le gouvernement Ayrault ne semble s'opposer que très mollement. C'est en tout cas ce que nous enseigne un autre aspect de ce dossier. Car le projet de la Commission européenne prévoit aussi la libéralisation totale du transport ferroviaire avec l'ouverture à la concurrence de l'ensemble des trains grandes lignes dont le TGV. Le journal Les Echos a révélé le 10 janvier dernier les projets de la Commission sur le sujet. Consternant !

Il faut savoir que le fret ferroviaire est déjà ouvert à la concurrence depuis 2006. Les lignes internationales, comme Paris-Turin, sont elles aussi déjà ouvertes à la concurrence depuis 2009. Les lignes régionales sont menacées à brève échéance, d'ici 2019. Seules les grandes lignes desservant uniquement des villes françaises, trains Corail et TGV, étaient jusqu'à présent épargnées. Je dis "épargnées" car le bilan de l'ouverture à la concurrence est effrayant comme après chaque privatisation. Par exemple, dans le fret, la libéralisation et l'ouverture à la concurrence a eu pour conséquence une baisse du transport ferroviaire au profit du transport routier ! Selon les chiffres de l'INSEE, en 2005, dernière année avant l'ouverture à la concurrence, le fret ferroviaire représentait 10,9% du transport de marchandises en France. Depuis l'ouverture à la concurrence, la part du ferroviaire a progressivement chuté à 9,5% en 2011. Et encore, c'est sans compter l'année 2010 où le ferroviaire a atteint un plus bas historique. Cette année-là, à peine 8,6% des marchandises ont été transportées par le rail. Du jamais vu depuis des décennies ! En parallèle, le transport routier est en hausse. Sa part dans le transport de marchandises est passée de 87% en 2005 à près de 89% en 2011. L'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire est donc une politique anti-écologique. Elle aboutit à mettre davantage de camions sur les routes !

Il y a tout lieu d'avoir les mêmes craintes pour le transport de voyageurs. Car les mêmes causes produiront les mêmes effets. Pour gagner des appels d'offres, les concurrents de la SNCF vont chercher à casser les coûts. Pour cela, ils rogneront sur la sécurité, la qualité, la régularité, les conditions de travail des salariés et ainsi de suite comme d’habitude. Et les usagers, pardon « les clients », auront de moins en moins envie de prendre le train. S'ils en ont encore la possibilité. Car la Commission propose l'éclatement total du système ferroviaire. Selon « Les Echos », la Commission propose que l'exploitation de chaque ligne fasse l'objet d'un appel d'offre spécifique. Comprenez le désastre. Avec un appel d'offre distinct par ligne, il sera impossible de compenser des pertes sur une ligne par des bénéfices sur une autre. C'est la fin du système qui permet la péréquation entre les lignes. C'est un principe fondamental du service public qui est mis à mal. Bien sûr, les groupes privés ne seront intéressés que par les lignes les plus rentables. Et les autres seront donc progressivement délaissées sinon abandonnées. Ce qui obligera les usagers à se reporter sur la voiture pour leurs déplacements. 

D'autant que la Commission européenne a choisi l'option la plus brutale. Elle a ainsi écarté l'idée d'accorder l'exploitation de plusieurs lignes à la fois, par lots ou par secteurs géographiques au profit d'une vente à la découpe, ligne par ligne. Même le journal « Les Echos » écrit que « les modalités prévues pour cette libéralisation sont propices à faciliter l'arrivée de nouveaux acteurs. Bruxelles prévoit que cette concurrence se fasse en « open access » : tout le marché est ouvert, et chacun vient sur la ligne qui l'intéresse quitte à délaisser les liaisons non rentables. L'exécutif européen n'a donc pas retenu l'autre option envisagée au départ, à savoir les franchises : une entreprise gagne l'exploitation de toute une zone géographique, avec des obligations de desserte ». Pour la Commission européenne, le transport ferroviaire est une marchandise comme les autres. Elle ne s'embête pas avec l'aménagement du territoire, l'égalité d'accès sur tout le territoire, de l'égalité devant les tarifs ni aucune des préoccupations de la conception républicaine de la vie en société.  

Qu'en pense le gouvernement Ayrault ? Interrogé sur l'ouverture à la concurrence des grandes lignes et du TGV, le ministre des Transports a été bien timide. Il aurait dû refuser absolument toute nouvelle ouverture à la concurrence. Devant les commissions des affaires européennes et du développement durable de l'Assemblée nationale, son opposition s'est limitée à « nous avons demandé 2019 et pas avant ». On comprend que le commissaire européen n'ait pas eu très peur. De mon côté, je dis clairement ceci : si la Commission s'entête dans son aveuglement et sa brutalité, la France devra désobéir. Et ne pas appliquer le "quatrième paquet ferroviaire". Avant de revenir sur les trois premiers.

Lu dans vos commentaires…

10Daneel dit le

Concernant le terme "Unbundling", c'est un principe qui vient des telecoms. Ceci consiste à obliger les opérateurs historiques des telecoms fixes (France Telecom par exemple) à ouvrir leurs infrastructures à leurs concurrents. Ainsi ces derniers peuvent louer les infrastructures de l'opérateur national à un niveau de prix plafonné par les régulateurs. Dans ce système, les opérateurs historiques n'ont pas le droit de favoriser leur propre entreprise et donc leurs entités qui gèrent la partie « services » doivent payer comme les autres, au prix du marché. Cette démarche bizarre (…) a réduit d'une façon importante la volonté des grands opérateurs (…) à investir dans des nouvelles infrastructures. Ainsi l’Union Européenne accuse un retard considérable dans la modernisation des infrastructures d’internet fixe (fibre optique en particulier) par rapport à d’autres régions du monde. D’autre part, la réglementation au niveau européen et de chaque pays ne touche que rarement les opérateurs de câble qui utilisent une technologie différente non soumise aux restrictions mentionnées. Pur hazard, (ou non ?) des actionnaires nord-américains possèdent la majorité de ces derniers. Ce monsieur Kallas veut apparemment reproduire ce schéma dans les transports…





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