Interviews
22oct 11
Primaire socialiste, la campagne du Front de Gauche et l’offre de débat publique
Mélenchon ravi d'être face au «grand bol d'eau tiède» Hollande
Il savoure d'avance la bataille. La large victoire de François Hollande à la primaire socialiste réjouit son ancien camarade, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle. Lui promet un «débat exigeant» et une accélération de sa campagne dans les prochaines semaines. Au programme: la mise en place «d'assemblées citoyennes» et les ventes du livre-projet L'Humain d'abord, déjà diffusé à 220.000 exemplaires. Son équipe de campagne est présentée ce mardi. Strictement paritaire, elle doit refléter la diversité du Front de gauche, qui regroupe désormais six formations de la gauche radicale. Entretien.
Au lendemain de la victoire de François Hollande, quelle analyse tirez-vous de cette primaire?
Jean-Luc Mélenchon. Il y a des aspects très paradoxaux. Les primaires ont créé de la politisation et réveillé l'appétit de débat politique. C'est positif. Une partie de la mouvance de gauche s'est déplacée pour voter, y compris parmi les nôtres et malgré nos consignes de ne pas y participer. Mais il y a des aspects moins positifs avec le siphonnage médiatique qui débouche sur une fermeture du champ politique. Car même si deux ailes se sont distinguées autour de Valls et Montebourg, on a assisté à une discussion qui est restée à fleurets mouchetés entre pareil et même. Lire la suite »
04oct 11
Mardi 4 octobre 2011, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle, a répondu aux questions des internautes sur le site internet du journal Le Monde :
Thibaut : Quelle serait votre première réforme si vous êtes élu à la tête de la France ?
Jean-Luc Mélenchon : D'abord, rassurer et protéger les productifs. Pas les marchés. Donc, cela signifie que je titulariserai immédiatement les 850 000 précaires des 3 fonctions publiques. Dans le privé, le CDI redeviendrait la norme car je limiterai le nombre des contrats atypiques à 5 % pour les grandes entreprises et à 10 % pour les petites.
Aussitôt suivront la série des mesures destinées à domestiquer la finance. D'abord, les prélèvements qui rétablissent un même niveau d'imposition entre les revenus du capital et ceux du travail et entre les taux d'imposition des petites et des grandes entreprises.
Mais peut-être, tout compte fait, que mes premiers mots seront pour dire merci à notre école publique et annoncer un plan de recrutement massif des enseignants dont le pays a tellement besoin. Lire la suite »
14juil 11
Productivisme et antiproductivisme, écologie et gratuité
1)Les gauches ont toujours été divisées entre courants productivistes et antiproductivistes. Comment personnellement as-tu vécu cette histoire ? D’où viens-tu dans ce domaine et comment te situes-tu aujourd’hui ? Serais-tu d’accord pour dire que tu es en train de vivre ta propre révolution écologique et antiproductiviste ?
Dans les tout premiers mouvements où j'ai milité, on était pour l'alignement par le haut sur les standards de consommation les plus élevés. C'était notre manière de voir le progrès humain. Il faut dire que les conditions matérielles de la vie quotidienne restaient rudes pour beaucoup. Tout le pays n’avait pas encore accès a l’électricité, les logements insalubres pullulaient, et ainsi de suite. Notre façon de voir nous a aveuglés sur le long terme, mais elle a aussi eu ses fruits dans le court terme. Il y a eu du bon pour le confort matériel et donc une part de l'émancipation individuelle notamment celle des femmes. Mais aujourd'hui les dégâts du productivisme sont assez visibles pour imposer le débat à son sujet. Il existe aussi une perception élargie de la vanité de l’être par la consommation. Bien sûr la pauvreté et la frustration d'une masse considérable de gens rend cette perception délicate à exprimer et même à penser correctement. Il n’empêche ! Même ceux qui n’ont accès à presque rien ne demandent pas pour autant de participer au modèle orgiaque et irresponsable des catégories sociales les plus consuméristes. En toute hypothèse, beaucoup perçoivent que le modèle consumériste consiste en une fuite en avant que l’on finit par ressentir comme dérisoire. Le cycle de renouvellement des machines a été divisé par deux en dix ans. Celui des objets usuels davantage encore. Mais qui rêve d’une société où tout serait mieux si on pouvait avoir trois voitures par ménage et un écran plat dans chaque pièce 1 ? Lire la suite »
01juil 11
Votre engagement pour la cause homosexuelle ne date pas d’hier. Sénateur, vous aviez déposé en mai 1990 la première proposition de loi sur un « partenariat civil » concernant les concubins hétérosexuels et homosexuels, les fratries…
Jean-Luc Mélenchon. J’étais totalement étranger à cette problématique, le hasard de la vie, ça ne me concernait pas. Puis en 1982, il y a eu la décriminalisation de l’homosexualité. À ce moment-là, je découvre que c’était criminel, et puni. J’étais surpris. Et puis, après, je ne m’en occupe plus, personne m’en parle, les années passent. Et en 1988, la campagne du Président Mitterrand m’envoie à une soirée de l’association « Gays pour la liberté », qui me propose de parler des nouveaux défis pour l’avenir, un thème extrêmement large. Je ne parlais pas une seule seconde de la problématique de l’homosexualité, alors que peut-être j’aurais pu au moins avoir l’intelligence d’y penser. Quand j’ai fini, les gens m’applaudissent très courtoisement et quelqu’un lève le doigt, en me disant « tout ça est formidable, mais on voudrait vous parlez de quelque chose, c’est la situation des homosexuels ». Et il me raconte la mortalité galopante du fait du sida à l’époque, et le malheur des couples brisés par la mort, aggravé souvent par la brutalité des familles, et la misère sociale dans laquelle plonge souvent le survivant. Cette parole était tellement sincère, humaine, que je suis parti en leur faisant le serment, « je ne vous oublierai pas ». Plus tard, après la campagne, j’ai découvert la formule du « partenariat civil » qui venait du Danemark.
21juin 11
« Il faut tourner la page ! »
Interview publiée dans "Direct Matin".
Le PCF n’avait pas soutenu un non-communiste à la présidentielle depuis Mitterrand en 1974…
C’est très émouvant. La décision franche des communistes place le Front de Gauche dans une posture inédite. Communistes, socialistes, écologistes, républicains… aujourd’hui, toutes les composantes de la gauche historique se rassemblent autour d’une candidature commune. L’image est forte. Nous sommes cinq partis autour d’un candidat alors qu’au PS, c’est un parti pour cinq candidats.
Vous n’êtes plus au PS, vous n’êtes pas communiste. Qu’est-ce que le «mélenchonisme» ?
Si cela existe, c’est une synthèse. Le républicanisme socialiste de Jaurès reste ma matrice. Je suis aussi lié aux idées fondatrices du communisme et je suis reconnaissant à l’écologie politique de nous avoir permis de rebrasser nos idées. Je suis autant que possible la synthèse de ces trois courants historiques auxquels je me suis ouvert successivement. Je suis en perpétuelle évolution à gauche.