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 Interviews

14oct 14

Interview parue dans l'Humanité du 13 octobre 2014

6e république « La stratégie révolutionnaire du XXIe siècle »

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Dans un entretien, Jean-Luc Mélenchon, dont le nouveau livre, l'Ère du peuple, paraît aujourd'hui aux éditions Fayard, estime que le Front de gauche est un point d'appui déterminant pour l'avenir.

Dans votre livre l'Ère du peuple, vous appelez ce dernier à reprendre le pouvoir sur l'oligarchie. À qui vous adressez-vous ?

Au peuple urbain actuel. Pour ces millions de gens, le lieu de socialisation politique n'est plus l'entreprise. Car beaucoup n'y travaillent qu'une heure par semaine ou pas du tout. Cela ne se réduit donc pas seulement, comme on le pensait à gauche autrefois, au salariat organisé. Au cours des vingt dernières années, toutes les révolutions ont été des révolutions populaires urbaines, qui ont consisté, pour l'essentiel, à occuper l'espace public urbain. Le peuple devient acteur de l'histoire quand il se met en mouvement politique sur ses revendications. Nous sommes dans une période où il a été défait. Qui a réussi ce tour de force ? L'oligarchie, en précarisant la main-d'oeuvre pour l'obtenir au prix le plus bas possible et en l'éjectant de la sphère politique grâce à des mécanismes autoritaires. En France, le mécanisme de confiscation démocratique par l'Union européenne s'est parfaitement emboîté avec la monarchie présidentielle qui déjà expulsait largement le peuple de la décision commune. C'est pourquoi la question de la Constituante n'est pas un à-côté, c'est le coeur de la stratégie révolutionnaire du XXIe  siècle.

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13oct 14

Interview publiée dans le Journal du Dimanche du 12 octobre 2014

6e République, le mode d’emploi de Mélenchon

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C'est une idée qu'il défend depuis plus de vingt ans mais qui, à ses yeux, devient urgente sous le quinquennat de François Hollande. Jean-Luc Mélenchon donne le mode d'emploi de la VIe République dans son livre L'Ère du peuple, qui paraît demain chez Fayard.

En lisant votre livre, on a l'impression que, pour vous, la gauche n'existe plus…

Pour moi : non. Mais pour des millions de gens : oui. Quand ils voient la politique de Hollande et Valls ils disent : « La gauche et la droite, c'est pareil ». Ils ont raison. Voilà le pire : Hollande a perverti les mots qui servaient à nommer les choses. Dès lors, à un peuple explosé par le chômage et la précarité il ne suffit pas de proposer de « se rassembler avec la gauche ». Moi, je ne veux pas me rassembler avec Valls et ­Hollande. Il faut fédérer le peuple sur des objectifs communs. Personne ne croit plus ce qui est marqué sur l'étiquette. On doit faire la preuve qu'on sert l'intérêt général humain.

Qu'est-ce qui peut rassembler le peuple français ?

Une idée fondamentale : il doit être le maître dans son pays. Il doit arracher le pouvoir que l'oligarchie financière, la Commission européenne et le monarque présidentiel ont progressivement confisqué. Il y a urgence car ce système nous conduit à une catastrophe écologique et sociale et à la guerre généralisée sans que les citoyens ne puissent jamais dire leur mot. Convoquer une ­Assemblée constituante pour fonder une VIe République, c'est le moyen de réorganiser pacifiquement notre démocratie. C'est le moment de fixer les droits écologiques, sociaux et démocratiques dont nous avons besoin à notre époque.

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19sept 14

Le Monde - 19 septembre 2014

6e République : la souveraineté populaire jusqu’au bout

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Abstrait le débat sur la 6e République ? Voyons. La France doit se protéger des pouvoirs de la finance. Ils dévorent l'économie réelle, qui ne peut supporter l'exigence de tels niveaux de rendement. Alors, un euro investi pour dix ans ne devrait pas avoir le même pouvoir de vote qu'un euro placé sans engagement de durée. Face à la désindustrialisation, ne serait-il pas opportun d'instituer un droit de préemption pour les salariés qui veulent reprendre leur entreprise quand son propriétaire la vend ou l'abandonne ? Un pays aussi instruit que le nôtre ne devrait-il pas miser d'abord sur l'intelligence collective des salariés d'une entreprise pour en conduire la stratégie et la marche ?

Eux, plutôt que le seul PDG et sa suite dorée de cadres financiers obsédés par leurs stock-options. Surtout depuis que ces derniers commandent à la place des ingénieurs de production ! Comment créer un cercle vertueux du partage de la richesse, sinon en instituant un salaire plafond tel que le plus haut ne puisse être plus de vingt fois supérieur au plus bas dans la même entreprise ?

Pour tout cela, la définition des droits constitutionnels de la propriété privée du capital devrait changer. D'un droit sacré inaliénable, il doit devenir un simple droit d'usage, encadré par les servitudes de l'intérêt général. Sans cela, comment accroître la rémunération du travail qualifié et réduire le coût du capital dans la production ? La reconnaissance due au travail et à l'imagination créatrice est l'urgence. Ce n'est pas un choix de circonstance ni même idéologique. Car la production et l'échange doivent impérativement changer de méthode. Il faut relever le défi des conséquences du changement climatique, de l'augmentation de la population et de la compétition pour l'accès aux ressources.

La France peut montrer l'exemple. Elle peut s'occuper de son domaine maritime, le deuxième du monde, et y ancrer la conversion de son modèle de production en vigueur à terre. Elle ne doit pas l'abandonner aux appétits prédateurs et irresponsables des compagnies privées pour qui la mer est déjà une poubelle. Il y faudra beaucoup de moyens.

Or l'arbitrage entre investissement et dividendes s'opère spontanément au profit des seconds. Ils imposent le règne du temps court et de l'intérêt particulier sur les besoins du temps long, celui de l'intérêt général ! Comment protéger les droits du temps long que la planification écologique exige ? Comment mettre au défi tous nos ingénieurs pour qu'ils trouvent le moyen de respecter la « règle verte » qui impose de ne pas prendre à la planète davantage que son pouvoir de récupération ?

Encore une fois, c'est l'inscription dans la Constitution qui fixera cet impératif comme une règle commune opposable aux aléas des majorités et des circonstances au nom de l'intérêt général humain. C'est elle qui donnera leur place essentielle aux lanceurs d'alerte et aux délégués environnementaux dont une république moderne a besoin à l'ère de l'anthropocène. Il n'est de domaine où les avancées de la connaissance et les fruits de l'expérience ne commandent d'inscrire de nouvelles dispositions dans les objectifs des institutions politiques. Et cette inscription provoquera une mutation en grappe des normes en vigueur dans toute l'organisation sociale.

Par exemple, la France doit interdire la brevetabilité du vivant. Et assurer l'égalité d'accès au Net. Elle devrait garantir l'absolue et définitive souveraineté sur soi en constitutionnalisant le droit à l'avortement et celui d'être aidé pour accomplir sa propre fin quand on en a décidé. La souveraineté qui se noue ainsi au corps est le point de départ de celle qui se cherche dans l'ordre politique. C'est le rôle du peuple. Quel rôle ? Celui qui est au point de départ de toutes les communautés humaines de l'histoire : assurer sa souveraineté sur lui-même et sur l'espace qu'il occupe.

Depuis 1789, nous définissons la citoyenneté comme la participation de chacun d'entre nous à l'exercice de cette souveraineté, sous l'empire de la Vertu. C'est-à-dire dans l'objectif de l'intérêt général. A présent tout cela est effacé. L'intérêt particulier de la finance et la main invisible du marché sont réputés produire le bien commun comme le foie sécrète la bile. La règle de la concurrence libre et non faussée est décrétée spontanément bienfaisante.

Mise au service du libre-échange, elle serait indépassable. Le peuple est invité à s'en remettre aux experts sur la façon la mieux adaptée de généraliser ces principes. La 5e République est le système qui organise ce détournement du pouvoir. Pour y parvenir, elle a été réformée vingt-quatre fois depuis sa création. Depuis, une construction gothique dilue la souveraineté du peuple dans les sables de la monarchie présidentielle. Le reste est refoulé par l'opaque mécanique des institutions européennes. Lesquelles protègent avec soin le saint des saints, c'est-à-dire le pouvoir financier confié à la Banque centrale européenne. Elle seule est souveraine en dernier ressort.

Une nouvelle démocratie est donc nécessaire. Exemple : comment garantir le droit du peuple à exercer sa souveraineté, même entre deux élections ? Le référendum révocatoire en cours de mandat le permet. Si un nombre prédéfini de citoyens le demande, un référendum est organisé pour savoir si un élu peut garder son mandat ou être déchu. Cette procédure s'appliquerait à tous. Donc aussi au président de la République. Si, selon les sondages (IFOP, réalisé du 8 au 9 septembre), 62 % des Français souhaitent qu'il s'en aille plus tôt que prévu, il faut que cela soit possible sans barricades.

Sinon ? Du banquier central européen au monarque-président, le système de commandement est d'une implacable rigidité. Il implosera. Non pour des raisons idéologiques. Juste parce qu'il est inapte à régler les problèmes du grand nombre. Inapte du fait de ses principes et du personnel qu'il doit recruter pour les assumer. Avec une assemblée constituante, le peuple écrira une autre histoire : celle de la 6e République.

Voilà pourquoi j'appelle à signer pour la 6e République sur www.m6r.fr

Tribune publiée dans Le Monde du 19 septembre 2014


03sept 14

Interview parue dans les Inrocks du 27 août 2014

« Demain est à nous »

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Vous revenez de vacances, vous êtes reposé ?

J’ai écrit, c’est toujours ce qui me remet d’aplomb. Je prépare un livre à paraître en octobre (chez Fayard). Nous avons vécu une année très dure. J’ai passé l’été au bord de l’Aveyron, dans un moulin du 12eme siècle. J’observais quotidiennement la rivière.  Deux jours après un orage, le niveau de l’eau montait. J’ai aimé ce décalage entre l’amont et l’aval, j’y ai vu comme une allégorie de ce que je vivais. Je me disais, l’eau est basse mais l’orage débute à l’horizon.  

Avant ce congé estival, vous avez donné une interview remarquée au site Hexagones. Vous racontiez avoir “besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles”. Beaucoup ont interprété cette phrase comme une volonté de prendre votre retraite politique, est-ce le cas ?

Je vais vous faire la réponse de Cyrano : « On n’abdique pas l’honneur d’être une cible ». Claironner ma retraite ce n’est pas l’obtenir. Jusqu’à mon dernier souffle je serai au combat.
Je le disais clairement dans cette interview. L’interprétation médiatique m’a pourri mon mois de juillet. J’ai reçu des tonnes de messages de mon camp : « Lâche pas, laisse pas tomber ». Des gens le prenaient sur un plan personnel : « tu n’as pas le droit de nous laisser tomber, c’est plus dur pour nous que pour toi ». Ou bien encore : «  De quoi tu te plains ». « S’ils te frappent, c’est que tu déranges. » D’autres ont cru que j’étais malade. Le plus pénible en politique, ce n’est pas le combat, ni ses incertitudes, ni ses revers, mais le traitement médiatique de mon action. J’en ai assez des photos et des insultes personnelles. De cette interview, on s’est intéressé à ma psyché mais je n’ai rien lu de mes propos sur l’agonie du monde américain, ni sur la politique de l’offre de François Hollande. Par contre, le « blues de Mélenchon » a suscité un appétit pervers de certains médias. Sans doute celui de voir tomber le gladiateur. Prendre du recul en vacances, la belle affaire ! Dans cet entretien, j’ai simplement dit que je comptais me mettre en retrait d’un certain nombre de tâches exténuantes. Lire la suite »


23mai 14

Interview parue sur Reporterre

« La machine va se bloquer. Et le système tout entier va passer par dessus bord »

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Peut-on changer l’Europe ? Les écologistes peuvent-ils s’unir ? Comment sortir de la croissance ?

Jean-Luc Mélenchon s’explique avec Reporterre.

Reporterre – L’Europe institutionnelle est–elle réformable ?

Jean-Luc Mélenchon - Elle n’est pas réformable. Il faudrait revenir sur le traité de Lisbonne et à démanteler le traité budgétaire : ce n’est pas une réforme, c’est tout remettre à plat. Une fois qu’on a dit qu’elle n’est pas réformable, la question se pose : faut-il une Europe ? Je dis : oui, l’union de l’Europe est une nécessité parce que c’est le moyen d’empêcher la guerre. La matrice de la plupart des guerres sur cette planète est la vieille Europe.
Mais ce n’est pas la première fois qu’on essaye de faire l’union de l’Europe. Toutes les tentatives historiques ont échoué, depuis l’Empire romain. Mais on n’a jamais impliqué les citoyens dans cette construction. Pourtant, nous, Français, avions la clé : car la nation française est le résultat d’une agglomération de peuples ayant des religions différentes, le protestantisme le catholicisme, et des langues différentes – des Occitans, des Bretons, des Basques, qui parlaient la langue de leur terroir et de leur culture. On n’a pas fait cela. Mais ce n’est pas parce qu’on a échoué qu’il faut renoncer. Je suis partisan de refonder l’Europe.

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