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 Lettres

01sept 15

Lettre à Jean-Pierre Chevènement

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Paris, le premier septembre 2015

Cher Jean Pierre,

Je ne participerai pas à ton colloque du 26 septembre. Je t’avais bien informé en amont de mon refus complet d’être associé de quelque façon que ce soit à l’idée lourdement erronée à mes yeux de « l’alliance des républicains des deux rives ». Mon appréciation sur ce point est aussi ancrée que la tienne. C’est pourtant le sens que tu as donné à ton initiative dans l’entretien que tu as donné au JDD. Dès lors, je sais trop bien comment, quoique je dise ou explique sur place, la petite musique délétère des chiens de garde du système m’assignerait à cette ligne politique, que je désapprouve pourtant depuis toujours, comme je te l’ai expliqué de vive voix. Cette confusion achèverait le bouclage mental qui s’opère déjà autour de la thèse selon laquelle tous les défenseurs de la souveraineté populaire seraient voués à se retrouver unis alors même que leurs convictions écologiques et sociales s’opposent en tous points. L’intervention consternante de Jacques Sapir appelant à une alliance avec le Front national a offert aux griots du système l’argument qu’ils n’étaient pas parvenus à imposer en défense du « oui » lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne. Ta proposition de dialogue avec Nicolas Dupont-Aignan va dans le sens de cette confusion inacceptable. Sais-tu qu’il s’est prononcé pour remettre en cause le droit du sol ? Devra-t-on discuter de sa proposition de choisir Marine Le Pen comme Premier ministre s’il était élu Président de la République ? Si respectable qu’il soit et si estimable que soit sa résistance aux pressions de son camp, il est à mes yeux bien ancré sur une rive où je ne veux pas aller.

Il peut arriver que, dans des circonstances exceptionnelles, le devoir commande de se serrer les coudes face à l’envahisseur momentanément victorieux comme le fut l’Allemagne nazie. Mais alors il faut se souvenir que les ancêtres politiques du Front national collaboraient avec l’ennemi. L’argument national, lorsqu’il prétend effacer les autres questions qui se débattent dans une société libre, fonctionne comme un étouffoir des questions pourtant au cœur de la vie de nos sociétés. J’en donne un exemple actuel. Les nationalistes catalans de droite et de gauche se sont unis en Espagne pour présenter une liste commune aux élections. Dans cette circonstance, ils affrontent la liste unie de nos camarades d’Izquierda Unida, de Podemos et des rassemblements citoyens qui les ont battus à Barcelone. Au nom de l’unité nationale, la droite républicaine catalaniste impose le silence à la gauche républicaine catalaniste sur les questions écologistes et sociales mais aussi sur l’élargissement du pouvoir des citoyens. Ce sont pourtant les urgences brûlantes de la vie quotidienne des gens du commun. Devons-nous conseiller à nos amis d’oublier eux aussi leur programme écologique, social et citoyen pour réaliser « l’unité des républicains catalans des deux rives »? Nous priverions alors les citoyens de la seule alternative réelle au système dominant ! Le rêve de nos adversaires serait accompli sans qu’ils aient à fournir le moindre effort. L’union des républicains des deux rives, et n’importe quelle union nationale, se font partout et toujours au prix du silence de la gauche sur les ambitions de progrès humain de la société.

La République est un cadre et un idéal humain dont le contenu diffère du tout au tout entre ceux qui veulent la faire vivre. Nous sommes les partisans de la « République jusqu’au bout », c’est-à-dire partout et pour tous, de la cité à l’entreprise et avec la nature. Je me bats pour une sixième République parlementaire et pour l’abolition de la monarchie présidentielle actuelle. Mais à nos yeux, les menaces qui pèsent sur la République en France sont le résultat des impératifs du système financier qui domine tous les compartiments de la vie en société. Il exige en effet une dérégulation et une mise à l’écart des procédures démocratiques comme le proclame l’ordolibéralisme allemand. De même, l’agression contre-républicaine des institutions européennes et sa violence ne s’expliquent pas par un défaut de convictions républicaines mais par les intérêts matériels financiers qui sont prioritaires pour ces institutions. C’est donc la cause, la racine qu’il faut atteindre et non saupoudrer la conséquence de déclarations républicaines émouvantes sans prise sur les origines du problème. J’achève en te disant que nous commettrions un sectarisme parallèle à celui du parti de Sarkozy si nous nous regroupions pour prétendre être les seuls « républicains ». Le peuple français est républicain dans sa quasi-totalité. « Liberté égalité fraternité » : il en défend de cœur l’esprit et la finalité sans aucune difficulté. Mais il est partagé sur la façon de faire vivre sa République. Cette dispute est noble. Son existence entretient la pérennité de la République en même temps qu’elle la régénère sans cesse du seul fait qu’il entretient l’existence d’un espace public délibérant et décidant. Empêcher ce débat au nom de « l’unité des républicains des deux rives » c’est aller contre le but que l’on vise. Se proclamer seuls républicains est une lourde faute qui minorise l’idéal qui est pourtant revendiqué.

Cher Jean-Pierre, toutes ces raisons te sont connues. Je te les confirme et je t’en avais prévenu. Je tiens toutefois à te dire mon estime et mon profond respect pour tout ce que tu as apporté à l’action de la gauche depuis le programme commun jusqu’à ta démission du gouvernement par refus de la guerre du golfe. La démarche que tu entreprends finira mal, contre ton avis car je n’ai nul doute sur la fermeté de tes convictions humanistes. Au mieux un petit regroupement électoral au pire une débandade contre nature. Si tu venais à constater que rien ne se peut de cette façon, tu seras le bienvenu dans nos rangs, ceux de la république écologique et sociale, où nous serions fiers de te voir. Ta place est dans ta famille de gauche dont tu as été un inspirateur constant. C’est pourquoi je te propose de participer à la conférence européenne pour le plan B dont nous donnerons le départ Oskar Lafontaine, Yanis Varoufakis et moi à la fête de l’Humanité. Tu as été assez précurseur dans ce domaine aussi pour comprendre l’importance d’une telle réunion internationaliste. C’est pourquoi je pense que tu y seras intéressé.

Avec mon affection républicaine et toute mon amitié, je me dis bien à toi,

Jean luc Mélenchon

Pour voir la réponse de Jean-Pierre Chevènement, cliquez ici.


21juin 15

Grèce : appel au Président de la République

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Le 4 février 2015, juste après l'accession d'Alexis Tsipras au poste de Premier ministre en Grèce, j'avais été recu à ma demande par le président de la République sur la situation européenne ouverte par l'élection grecque. J'ai, depuis, alerté régulièrement sur le coup d'État financier de la BCE, l'intransigeance du FMI et des autres créanciers ou encore l'arrogance du gouvernement allemand. Je suis donc naturellement signataire de cet appel interpelant Francois Hollande quant à la position de la France et à la nécessaire solidarité de la France avec la Grèce.

Monsieur le Président de la République,

La crise grecque s'exacerbe de façon alarmante. Chaque jour qui passe peut, soit nous rapprocher d'un accord utile à toute l'Europe, soit d'une rupture dont personne ne peut prévoir les conséquences. L'intransigeance des principaux dirigeants européens peut nous conduire alors au bord de l'abîme. Il est aussi vital que pressant de sortir de ce piège. Le moment est crucial. La responsabilité de chaque acteur concerné est directement engagée. Il serait sordide – et au demeurant parfaitement vain – d'escompter une capitulation du gouvernement grec. La fidélité de celui-ci au mandat que lui a confié son peuple n'est pas un défaut mais un exemple à suivre. S'il refuse la compromission, il s'est, en revanche, montré prêt au compromis. Une solution à la fois digne et réaliste est donc à portée de la main. Le moment ultime est venu pour la concrétiser. 

C'est dans ce contexte que nous vous lançons un appel solennel : la France ne peut, dans un tel moment, apparaître inerte sinon suiviste des puissants. Son message ne peut se réduire à un rappel docile des « règles » à respecter quand la maison brûle. D'autant que ces règles sont aujourd'hui massivement récusées par les peuples et reconnues contre-productives par nombre de leurs anciens protagonistes eux-mêmes.

Aujourd'hui, alors que la crise de confiance entre les citoyens et les institutions européennes est à son comble, c'est en se montrant capable d'entendre l'exigence de justice, de dignité et de souveraineté d'un peuple debout qu'un pays comme le nôtre sert la cause européenne bien comprise. A l'inverse, qui humilie la Grèce obère l'avenir de la construction européenne. Car le refus de l'austérité et l'aspiration démocratique sont aujourd'hui en Europe les attentes les plus partagées.

C'est pourquoi nous attendons de vous, que vous preniez une initiative politique de nature à débloquer les négociations entre l'« Eurogroupe » et les autorités grecques. Nous n'évoquerons pas ici les transformations profondes à promouvoir en Europe qui font débat entre nous. L'acte urgent que nous vous demandons d'accomplir est de refuser de participer à la stratégie d'isolement de la Grèce, concernant en particulier le chantage financier et la nature des « réformes » exigées du gouvernement et du Parlement de ce pays. Apportez un soutien explicite aux mesures saines prises par les autorités grecques, telles que celles qui s'attaquent à la crise humanitaire en Grèce, ou qui permettent enfin de lutter contre l'évasion fiscale. Désolidarisez-vous en revanche nettement des exigences insoutenables de l'« Eurogroupe » en matière de dérégulation du marché du travail, de révision du système des retraites ou de privatisations. Acceptez enfin le principe d'une renégociation de la dette grecque, dont une large part est notoirement illégitime.

Cette situation est sans précédent dans l'Union européenne. La France doit prendre la place qui est la sienne dans l'Histoire, celle-ci est aux côtés du peuple grec et de son gouvernement.

Les signataires :

Dominique Adenot, PCF, président de l'ANECR, Maire de Champigny,
Pouria Amirshahi, député PS
François Asensi, député de Seine St Denis GDR, maire de Tremblay en France
Eliane Assassi, Présidente du groupe CRC au Sénat
Isabelle Attard, députée Nouvelle Donne
Clémentine Autain, porte parole d'Ensemble
Guillaume Balas, député européen PS
Julien Bayou, porte parole EELV
Michel Billout, Sénateur CRC
Eric Bocquet, Sénateur CRC
Jean-François Bolzinger, mouvement social
Marie George Buffet, députée GDR
Fanelie Carrey-Conte, députée PS
André Chassaigne, Président du groupe GDR,
Laurence Cohen, députée GDR
Eric Coquerel, coordinateur général du PG
Catherine Coutard, Vice présidente du MRC
Karima Delli, députée europénne EELV
Bernard Devert, mouvement social
Jean Pierre Dubois, mouvement social
Pascal Durand, député européen EELV
Hervé Falcciani, mouvement social
Elisabeth Gauthier, PCF, responsable Transform
Liem Hoang Ngoc, socialiste affligé
Frédéric Hocquart, conseiller PS de Paris
Nordine Idir, secrétaire général Jeunes communistes
Michel Jallamion, Convergences des Services Publics
Eva Joly, députée européenne EELV
Pierre Khalfa, mouvement social
Pierre Larrouturou, Nouvelle Donne
Jean-Luc Laurent, député MRC, maire de Krémlin Bicètre, Président du MRC,
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, président de la PGE
Marie-Noelle Lienemann, Sénatrice PS
Patrick Le Hyaric, député européen GUE, directeur de l'Humanité
Emmanuel Maurel, député européen PS
Gus Massiah, mouvement social
Jean-Luc Mélenchon, député européen GUE
Alain Obadia, PCF, Président fondation Gabriel Péri
Younous Omarjee, député européen GUE
Christian Picquet, Gauche Unitaire
Barbara Romagnan, députée PS
Anne Sabourin, PCF – responsable Europe
Lydia Samarbakhsh, PCF, responsable international
Laura Slimani, Présidente MJS
Marie-Christine Vergiat, députée européenne GUE
Francis Wurtz, PCF, député européen honoraire


28mai 15

Par Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon, le 26 mai 2015

Lettre à Mme Delphine Ernotte Cunci, Présidente de France Télévisions

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Madame la Présidente,

Demain, à l’occasion de la cérémonie qui aura lieu au Panthéon, des femmes et des hommes qui ont lutté pour que vivent les valeurs de la République seront célébrés pour qu’on ne les oublie pas. Malgré cela, nous regrettons qu’en dehors de ces moments exceptionnels, le service public audiovisuel n’ait pas compris le rôle fondamental de l’Histoire et de la mémoire.

C’est à ce sujet que nous voulons attirer votre attention sur les contenus des programmes proposés par France Télévisions dédiés à l’Histoire et particulièrement l’émission « Secrets d’Histoire » diffusés sur France 2 qui rencontre depuis sept ans un succès d’audience grandissant. Cette dernière est aujourd’hui devenue pour nos concitoyens la principale émission d’Histoire qui rassemble régulièrement 3 à 4 millions de téléspectateurs.

Il va de soi pour nous que ce n’est pas aux responsables politiques de définir les contenus des programmes proposés par France Télévisions. Mais en revanche, nous croyons utile, que comme tout citoyen, nous fassions entendre notre opinion. De plus, à l’heure où un débat traverse notre société sur le contenu des programmes d’Histoire qui doivent être enseignés dans les collèges publics, pourquoi ne pas s’interroger sur les émissions proposées sur ce sujet par le service public audiovisuel ? Ces dernières disposent d’une audience bien plus importante que l’ensemble des enseignants d’Histoire de notre pays. L’enjeu est donc d’importance.

C’est donc sur l’émission mensuelle « Secrets d’Histoire » que nous souhaitons vous alerter. Elle est emblématique d’une tendance générale que l’on retrouve dans d’autres programmes de France Télévisions à vocation historique. Dans le dernier épisode du mardi 19 mai, consacrée à « Louis XVI, l’inconnu de Versailles », Louis Capet y est décrit sans nuances comme « un brave homme » aimant son peuple. On y présente sans pudeur tous les détails de sa vie intime et même les petites anomalies de ses organes génitaux. L’intérêt historique de ces anecdotes anatomiques est pourtant bien mince, vous en conviendrez. Par contre, il est «omis» de rappeler quelques moments plus sombres de son règne et s’ils sont évoqués de façon fugaces c’est pour être fortement minimisés. C’est le cas pour son action et sa correspondance afin de provoquer l’intervention militaire des puissances monarchiques contre la Révolution, activités qui sont au centre des accusations de trahison portées contre lui lors de son procès.

Parce qu’elle ne permet pas réellement au téléspectateur de réfléchir, cette façon si orientée et si caricaturale de présenter notre Histoire nous a convaincu de nous adresser à vous.

Nos remarques et critiques qui vont suivre ne portent pas sur la qualité de production de ce programme proposant toujours des images remarquables, ni sur la personnalité attachante de son animateur emblématique M. Stéphane Bern qui sait, mieux que quiconque, par sa faconde, faire aimer le sujet qu’il présente. Nos critiques portent sur les contenus idéologiques de ces émissions et le choix très orientés des sujets.

Depuis 2008, France 2 a diffusé 88 épisodes différents de « Secrets d’Histoire ». Sur ces 88 opus, plus de 60% sont consacrés exclusivement à des monarques et leurs favorites. Sur les moins de 40 % restant, dont l’essentiel est consacré à des artistes (écrivains et peintres), ou des personnages folkloriques et très secondaires de l’histoire universelle (Mata Hari, le chevalier d’Eon, Robin des Bois, la bête de Gevaudan, etc.) seulement 5 émissions, soit 6% ( !) de la totalité, ont été consacrée à des personnalités ou des lieux liés à la République. En voici la liste précise  et exhaustive : le Général de Gaulle, Georges Clemenceau, Georges Danton, la journée du 14 juillet 1789 et le Palais de l’Elysée. C’est tout. C’est peu.

Sur l’ensemble de ces 88 émissions, seulement un tiers est consacré à des femmes qui ne sont souvent présentées qu’à titre de « femme de… » ou « favorite d’untel.. ». C’est une présentation pour le moins limitée de la place des femmes dans l’Histoire.

De plus il est navrant de constater qu’aucune des ces femmes ou hommes racontés dans ces « Secrets d’Histoire » n’a par exemple la peau noire ou est originaire des Caraïbes, d’Afrique du nord ou sub-saharienne hormis deux épisodes consacrés au roi et reine d’Egypte Toutankhamon et Cléopâtre ! Toussaint Louverture, Félix Eboué, Frantz Fanon ou combien d’autres, le choix ne manque pourtant pas dans notre histoire nationale.

Alors que deux épisodes sont consacrés à la vie de Jésus et quelques autres à des sujets religieux (notamment le Vatican) aucun ne présentent le moindre philosophe des Lumières où ne s’intéresse à une seule figure du combat pour l’émancipation laïque. Pourquoi passer sous silence les destins de Denis Diderot, Jean-Jacques Rousseau ou Voltaire qui donnent pourtant leurs noms à tant de rues, boulevards et écoles publiques ?

La grande famille intellectuelle du socialisme et communisme, qui a tant marqué l’histoire de France, est totalement effacée puisque ni Jean Jaurès, ni aucun autre n’était présenté. Aucun révolutionnaire français (hormis le controversé Georges Danton dans un épisode d’ailleurs plus court que tous les autres) mais Charlotte Corday qui assassina Jean-Paul Marat aura bien droit à un épisode élogieux puisant dans la tradition contre-révolutionnaire. A l’exception de l’émission consacrée au 14 juillet 1789, aucune des nombreuses Révolutions et grands moments de mobilisations sociales et politiques (1830, 1848, 1870, 1936, etc.) qui ont marqué notre pays, l’ont fait connaître dans le monde entier, et qui s’incarnent dans les destins de femmes et d’hommes remarquables n’a droit à un seul épisode. Auguste Blanqui, Louise Michel et combien d’autres sont ainsi gommés de notre Histoire. Même la famille Romanov a droit à deux épisodes qui rappellent sa fin tragique, ainsi que l’illuminé Raspoutine qu’ils accueillaient dans leur cour, mais aucun « Secrets d’Histoire » ne présentera les personnages majeurs de la Révolution russe de 1917 qui a pourtant fortement davantage marqué l’histoire du 20ème siècle que celle du Tsar.

Au total, quand on examine dans le détail cette longue liste des thèmes choisis par « Secrets d’Histoire » on est frappé par la manière dont elle efface méthodiquement des pans entiers de notre Histoire de France et universelle. D’une façon déséquilibrée, chaque épisode valorise de façon quasi systématique et outrancière des rois et reines, et même la principauté d’opérette et paradis fiscal de Monaco, au détriment de tous ceux qui ont lutté pour l’égalité et la justice.

Ne croyons nous pas qu’il existe des femmes et des hommes ayant consacré leur existence au progrès, à la recherche, à l’émancipation humaine, dignes d’être mieux connus par nos concitoyens ? Pourquoi valoriser avec obstination des personnages qui bien souvent n’ont fait rien d’autre que « de se donner la peine de naitre » ? Finalement, avons nous si peu d’estime pour la République et celles et ceux qui ont lutté pour elle ?

En procédant ainsi, c’est l’Histoire réelle de notre pays que l’on ampute et que l’on déforme. De cette Histoire tronquée, nostalgique des rois et reines, présentant le peuple comme un acteur historique secondaire et brutal quand il se mobilise, rien de bon pour l’avenir ne sortira. Et puis, ce que l’on nomme « les Grands Hommes » ne sont grands finalement que parce qu’ils occupent une place dans le structure sociale où sont concentrées d’immenses ressources qui sont le fruit du travail collectif des peuples.

Il nous semble qu’il est plus que temps que la direction de France Télévisions fasse un rappel à l’ordre aux producteurs et concepteurs de ces émissions. Nous aimerions savoir pourquoi les choix idéologiques qui dominent ces programmes sont toujours ceux de la sous-valorisation des principes républicains et laïques ?

Car quel intérêt à faire entrer au Panthéon les dépouilles de quatre grandes personnalités républicaines, comme l’a décidé le Président de la République, si la principale émission historique ne semble vouloir promouvoir essentiellement que des personnages liés à l’Ancien Régime. Etrange paradoxe, non ? Cette longue liste de « Grands Hommes » couronnées constitue au final presque un Panthéon télévisuel. Mais si les révolutionnaires de 1789 ont créé le panthéon, c’est justement pour ne pas y mettre les rois ! Ce que fait « Secrets d’histoire » est à rebours du processus qui depuis le 18e siècle a d’abord conduit les hommes des Lumières à construire la figure du « grand homme » pour lui faire une place dans la galerie des rois, pour ensuite considérer que tous les rois ne sauraient être des grands hommes, avant de montrer que bien souvent, les « Grands Hommes » sont les victimes des rois ! Finalement, « Secret d’histoire » tient plus de la basilique Saint Denis que du Panthéon.

Nous pensons soulever là des questions qui ne sont pas secondaires. Nous sommes profondément convaincus que le passé que l’on enseigne révèle toujours le futur que l’on veut construire. Aussi, nous souhaiterions maintenant que le service public d’audiovisuel joue pleinement son rôle de service public, plutôt que d’être le promoteur de la valorisation de valeurs et d’idées antirépublicaines souvent très réactionnaires.

Nous espérons vivement que ce courrier soit utile à cette réflexion et nous sommes disponibles pour en débattre avec vous.

Respectueusement,

Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon
Secrétaires nationaux du Parti de Gauche


27mai 15

Réponse à Cécile Duflot

« Chère Cécile, la convergence se fera »

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Réponse à la tribune critique de Cécile Duflot sur le Hareng de Bismarck

Chère Cécile, pourquoi avoir donné ce ton soudainement si agressif à ta critique de mon nouveau livre, le Hareng de Bismarck ? Puisque tu dénonces les « invectives » et les « injures », quoiqu'il ne s'en trouve nulle part dans mon livre, pourquoi m'offenser aussi gravement en me comparant à Déroulède, l'un des fondateurs de l'extrême droite française ? Je lave l'affront en te parlant depuis le journal de Jean Jaurès, figure tutélaire de ma gauche, que Déroulède voulait voir mort et qu'il provoqua même en duel.

Il est difficile de dialoguer avec ton texte. En effet, aucune des thèses que tu m'attribues ne se trouve dans mon livre. Ainsi, il n'est pas vrai que je présente les Allemands comme un « bloc compact » qui nous serait entièrement opposé. Au contraire. L'origine de classe de la politique de Mme Merkel est clairement décrite. Non, ma vision de l'universalisme n'est pas « enfermée » dans les frontières de la France. Et ainsi de suite. Tout cela est démenti expressément par mon texte. Sur chaque point, ce livre, les précédents, mes articles, mes discours démontrent tout le contraire. Et si tu ne m'as pas lu, peut-être as-tu écouté mon discours de Marseille dans la campagne présidentielle. Dirais-tu que j'y ai exprimé une vision « corsetée », « étroitement hexagonale et sépia » de la nation française et de sa République ? De même pour ce qui est de l'écologie politique. Chère Cécile, amie du débat théorique, tu sais bien que les dix-huit thèses sur l'écosocialisme, dont je suis l'un des auteurs, et mon livre L'Ère du peuple montrent comment le paradigme de l'écologie politique refonde en les confirmant les intuitions du communisme, du socialisme et du républicanisme issu de la grande Révolution de 1789. Finalement, tes critiques ne s'adressent ni à mon livre ni à moi mais à ma caricature que répètent avec lourdeur les griots du système. Qu'ai-je fait pour mériter cette vilenie de ta part ? Toi-même n'as-tu jamais eu à souffrir de tels rabâchages ? Tu sais alors ce que coûte la réplique. Car l'interpellation porte non sur ce que tu es mais sur ce que les autres ont décidé que tu devrais être. Tel est le sort réservé à ceux qui ne restent pas « à leur place ». Ceux qui m'ostracisent ne font que tracer une frontière de caste. Dès lors, comme Cyrano, je n'abdique pas l'honneur d'être leur cible. 

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04fév 15

4 février 2015

Lettre au président de la République

Ce billet a été lu 17  773 fois.

Monsieur le Président,

J’ai eu l'honneur de répondre à votre invitation pour évoquer les sujets qui vous semblaient engager l'intérêt général de notre pays.

Dans cet esprit je souhaiterais vous rencontrer dans le contexte de la situation ouverte par le nouveau gouvernement grec.

L'avenir de l'Europe et donc celui de la France semble engagé. L'arrêt de la politique d'austérité en Grèce donne lieu à une interpellation des gouvernements européens. La France peut et doit y jouer un rôle essentiel. En même temps la menace inadmissible faite par la Banque centrale européenne de coupure des liquidités à la Grèce fait peser un risque inacceptable de déflagration. Pouvons-nous échanger à ce sujet ?

Vous avez reçu le Premier ministre Alexis Tsipras. Vous vous souvenez qu'il a été notre candidat à la présidence de la Commission européenne. Comme de très nombreux Français, je suis intéressé au succès de son action et à la refondation de l'Europe qu'elle porte. Vous êtes en situation de jouer un rôle décisif dans la discussion qui va s'ouvrir au Conseil du fait de l'importance de notre pays dans l'espace politique, économique et culturel européen. Je sollicite donc l'opportunité d'être reçu par vous à ce sujet.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

Jean-Luc Mélenchon.




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