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 Textes politiques, tribunes

08sept 15

Tribune publiée dans «Le Monde», «The Guardian» et le site grec neotera.gr le 8 septembre 2015

Les pays européens doivent soutenir les propositions de l’ONU pour la restructuration des dettes souveraines !

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Le 10 septembre, en Assemblée Générale, l’ONU proposera au vote 9 principes pour la restructuration des dettes souveraines. Le respect de tels principes aurait permis d’éviter les écueils de la crise grecque, où les représentants politiques ont cédé face aux exigences des créanciers malgré leur absurdité économique et leurs conséquences sociales désastreuses. Cette résolution de salut public, restée jusqu’à présent confinée aux instances onusiennes, doit être soutenue par les États européens et portée dans le débat public.

La crise grecque a montré que faute d’un cadre politique international permettant une gestion raisonnée des dettes souveraines, et en dépit de leur caractère parfois insoutenable, un État seul ne peut obtenir des conditions viables pour restructurer sa dette. En pleine négociation avec les institutions de la Troïka, la Grèce s’est ainsi confrontée à un refus obstiné de la restructuration, à rebours des recommandations du FMI lui-même.

Il y a exactement un an à New York, l’Argentine proposait à l’ONU, avec le soutien des 134 pays du G77, de mettre en place un comité visant à établir un cadre légal international pour la restructuration des dettes souveraines. Ce comité, appuyé par les experts de la CNUCED, propose aujourd’hui aux membres de l’ONU d’adopter 9 principes devant s’imposer lors de la restructuration de dettes souveraines : la souveraineté, la bonne foi, la transparence, l’impartialité, le traitement équitable, l’immunité souveraine, la légitimité, la durabilité et la règle majoritaire.

Ces dernières décennies ont vu l’émergence d’un véritable marché de la dette auquel les États sont désormais contraints de se soumettre. L’Argentine, à l’initiative de ce processus, est ainsi confrontée aux fonds « vautours » depuis la restructuration de sa dette. Ces fonds ont récemment obtenu le gel de ses avoirs aux USA par le truchement d’un tribunal américain.

Hier l’Argentine, aujourd’hui la Grèce, demain la France peut-être, tout pays endetté peut être empêché de restructurer sa dette en dépit du bon sens. L’adoption d’un cadre légal est une urgence pour assurer une plus grande stabilité financière en permettant à chaque État de sortir du dilemme entre l’effondrement de son système financier ou sa mise sous tutelle.

Ces 9 principes réaffirment ainsi la prééminence du pouvoir politique, via la souveraineté des États, dans la conduite des politiques économiques. Ils limitent la dépolitisation du cadre financier qui, jusqu’à aujourd’hui, ne laisse aucune alternative à l’austérité et prend les Etats en otage. L’ONU oppose ainsi à une gestion par le marché un traitement démocratique des dettes souveraines.

Une initiative comparable avait échoué en 2003 au FMI. Cette fois encore, le doute plane sur la position des États européens. Celle-ci est pourtant fondamentale pour la mise en application de cette résolution. Jusqu’ici, ils sont restés à l’écart du processus, ne soutenant pas la mise en place du comité. Le feuilleton grec de cet été ne permet plus les tergiversations.

Alors que le simulacre de négociations qui a rythmé l’été des peuples européens favorise replis nationaux et défiance vis-à-vis des institutions internationales, les Européens doivent placer les droits démocratiques au-dessus des lois du marché au sein de la gouvernance internationale. Nous appelons donc l’ensemble des États européens à voter en faveur de cette résolution.

Signataires :
Gabriel Colletis, économiste (Toulouse 1)
Giovanni Dosi, économiste (Scuola Superiore Sant'Anna)
Heiner Flassbeck, économiste (ancien secrétaire d'Etat allemand aux finances)
James Galbraith, économiste (University of Texas Austin)
Jacques Généreux, économiste (Sciences Po)
Martin Guzman, économiste (Columbia)
Michel Husson, économiste et statisticien (IRES)
Steve Keen, économiste (Kingston University)
Benjamin Lemoine, sociologue (Paris-Dauphine)
Mariana Mazzucato, économiste (University of Sussex)
Ozlem Onaran, économiste (University of Greenwich)
Robert Salais, économiste (IDHE, Centre Marc Bloch)
Joseph Stiglitz, économiste (Columbia University)
Engelbert Stockhammer, économiste (Kingston University)
Bruno Théret, sociologue (Paris-Dauphine)
Xavier Timbeau, économiste (Directeur principal de l’OFCE)
Yanis Varoufakis, économiste (ancien ministre de l’économie et des finances de Grèce)
Gennaro Zezza, économiste (Levy Economics Institute)

Retrouvez cette tribune sur le site du Monde


03sept 15

L'édition espagnole du Hareng de Bismarck sera publiée le 20 septembre 2015 aux éditions « El Viejo Topo ».

Je me souviens de mon admiration pour Jean-Luc Mélenchon quand on parlait politique française sur les ondes de La Tuerka [émission de Pablo Iglesias] il y a quelques années. Je n’étais alors pas encore dirigeant politique et je me consacrais, depuis notre modeste programme de télévision et l’université, avec de nombreuses personnes qui plus tard sont devenues des dirigeant-e-s de Podemos, à la recherche des possibilités d’une politique différente de celle qu’offrait la gauche existante. Jean-Luc était un véritable socialiste qui avait quitté un parti qui, à l’instar du SPD de Schröder, du Parti Travailliste de Blair ou du PSOE de González, avait cessé de représenter les classes populaires et de garantir dans une certaine mesure les droits sociaux, pour devenir un parti de la finance, porteur de modèles économiques inefficaces (preuve en est la crise européenne) qui les distinguent à peine des partis conservateurs en termes de compréhension de l’économie et de la gouvernance européenne.

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Comme dirigeant du Parti de Gauche, Mélenchon pourrait n’être qu’un dirigeant de plus de la gauche européenne, n’aspirant, comme bien d’autres, qu’à gouverner à la remorque des socialistes. La svolta / le harakiri du PCI avait implanté l’idée que c’était là le seul rôle des forces politiques situées « à la gauche de ». Mais non. Mélenchon, c’était autre chose, il avait un style qui détonnait, que ce soit par rapport au conservatisme ou à l’extrémisme propres à la tradition des gauches françaises situées « à la gauche de ». Mélenchon brisait les tabous de la gauche et parlait de patrie, il clamait haut et fort son admiration pour les processus de reconquête de la souveraineté en Amérique Latine et il assumait l’incorrection politique. Dans la campagne présidentielle de 2012, il déclara que s’il était élu président de la République, il ferait défiler les forces armées sur les Champs-Elysées, pour que les pouvoirs financiers n’oublient pas que, dans une démocratie, il n’y a rien au-dessus du pouvoir civil.

J’ai ensuite été élu député européen et j’ai pu rencontrer personnellement Jean-Luc à Bruxelles. Avec les eurodéputés de Syriza et du Bloco portugais, il fut l’un des parlementaires qui nous reçut avec le plus d’enthousiasme au sein de notre groupe parlementaire. Nous parlions la même langue. Je me souviens du jour où il m’a invité à Paris ; alors que nous marchions côte-à-côte dans la rue, j’ai vu des dizaines de personnes s’approcher et l’aborder pour le saluer et discuter avec lui. J’ai été impressionné par la proximité qu’il avait avec les gens. Jean-Luc est aussi fort au corps à corps qu’il est habile dans le maniement du fleuret propre au débat télévisé. Il est l’un des rares dirigeants à avoir compris l’importance de communiquer dans un langage direct et clair pour les gens. Ce jour-là à Paris nous avons longuement discuté, et depuis ce jour nous travaillons ensemble à Bruxelles et Strasbourg.

Dans ce livre, Jean-Luc se montre tel qu’il est, provocateur et irrévérencieux, politiquement incorrect, pour dire des vérités d’envergure, et montrer que l’Union Européenne que nous connaissons a été construite à la mesure des intérêts du capital financier allemand, avec la collaboration active des élites des autres pays. Ces élites, que nous connaissons bien chez nous, n’ont pas hésité à renoncer à notre souveraineté lorsqu’ils acceptèrent pour l’Europe une division du travail et une répartition des pouvoirs clairement favorables au gouvernement allemand, condamnant les populations européennes à se soumettre à des institutions qu’elles n’ont pas élues.

Il fallait qu’un socialiste dise haut et fort que le SPD est devenu une annexe de la CDU de Merkel. Il fallait qu’un socialiste dise que François Hollande s’est laissé planter l’arête du hareng de Bismarck dans la gorge, piétinant la dignité de la France, qui reste le pays le mieux placé pour équilibrer le rapport de forces dans cette Europe dominée par l’Allemagne. Il fallait qu’un socialiste dénonce les tentatives du gouvernement allemand, qui vont se poursuivre, de renverser le gouvernement grec de Syriza et son président.

Ces derniers mois de 2015 nous ont beaucoup appris sur la realpolitik chère à Merkel ; la peur des dirigeants des autres pays européens a permis à Merkel de démontrer ouvertement, dans son attitude envers la Grèce, que le pouvoir n’a pas grand-chose à voir avec le fait de remporter des élections. Certaines personnes reconnaissent clairement cette absence de démocratie quand ils nous demandent : « si Podemos gagnait les élections, pourriez-vous dire non à l’Allemagne ? ». La question elle-même met au jour l’un des principaux problèmes de la démocratie en Europe : le gouvernement allemand.

Bien loin d’avoir honte de cette réalité où l’Allemagne impose ses intérêts à tout le monde, les élites germanophiles européennes célèbrent cette absence de démocratie comme les bons courtisans qu’ils sont. En Espagne, nous avons assisté ces derniers mois au honteux spectacle des réjouissances des dirigeants du PP, de Ciudadanos et du PSOE, ainsi que de leurs perroquets dans les médias, chaque fois que l’Allemagne parvenait à imposer quelque chose au gouvernement grec. « C’est impossible, il n’y a pas d’alternative », criaient-ils, le coeur gonflé de joie, satisfaits de l’impossibilité de s’opposer politiquement à l’Allemagne, satisfaits de se voir eux-mêmes comme les meilleurs serviteurs du nouveau pouvoir colonial. Le parti du « c’est impossible » où militent nos élites (que la carte d’adhésion dans leur portefeuille soit bleue ou rose) n’est rien ne plus ni rien de moins que le parti qui s’oppose à la démocratie et à la nécessité du changement face à un modèle de gouvernance économique et politique européen qui a prouvé son inefficacité.

Cependant, la réalité de l’Europe allemande démontre que l’autre face de la liesse de certaines élites qui nient à leurs populations le droit d’avoir les mêmes salaires et les mêmes plans de retraite qu’eux, c’est le démantèlement des droits sociaux en Europe et la destruction du projet européen lui-même. Le chômage, les bas salaires, l’émigration, les privatisations des services publics et la précarisation des conditions de travail sont le pain quotidien des populations européennes, particulièrement dans les pays périphériques du sud et de l’est.

C’est pour cela que nous avons besoin de socialistes comme Mélenchon, patriotes, pro-européens et dont la mémoire historique leur permet de savoir que défendre l’Europe et la démocratie aujourd’hui, c’est s’unir pour s’affronter au gouvernement allemand.

L’Allemagne est bien plus que son gouvernement et ses élites financières ; l’Allemagne, c’est l’histoire du plus grand mouvement ouvrier d’Europe, d’un sentiment populaire antifasciste responsable et préservant une mémoire, d’une conscience écologique exemplaire, du pacifisme, de tout ce que Merkel et ses caciques sont en train de discréditer. La critique de leur gouvernement et de leurs élites économiques n’est pas incompatible avec le respect et l’admiration que nous, démocrates européens, avons pour le peuple allemand, dont le concours est indispensable pour construire une Europe sociale et démocratique. Mais aujourd’hui, défendre la démocratie en Europe veut dire défendre la souveraineté et les droits sociaux face à ce qu’impose l’Allemagne et face aux valets du parti du « c’est impossible ».

Lisez ce livre ; vous y reconnaîtrez un véritable socialiste français qui montre la bonne voie pour construire tous ensemble une Europe digne.


25juin 15

Tribune de Jean-Luc Mélenchon et Younous Omarjee, parue sur lefigaro.fr le 23 juin 2015

La mer, nouvel horizon pour la France et ses outre-mers

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U

Un monde touche a sa fin. Mais qui prépare le suivant ? Les grands gouvernements du monde sont incapables de faire face. L'épuisement dangereux du modèle économique productiviste dominant et les violences de la géopolitique actuelle les submergent. Ils mettent nos démocraties en panne à la remorque d'objectifs absurdes. Nous pouvons penser le futur tout autrement. Les solutions du passé ne suffisent plus. Nous devons tout réinterroger et réinvestir des champs nouveaux.

Chaque pays est singulier. La France pas moins que les autres. Elle peut beaucoup apporter à l'humanité tout entière. Pour cela, faut-il cependant pour le comprendre avec justesse, prendre conscience de ce que son pays est, et ne pas oublier ce qui fait sa force. La France est maritime. Et nous avons cessé depuis trop longtemps de nous comprendre comme un acteur maritime majeur. Rougissons de voir la médiocrité de nos politiques, de nos ambitions et de la faiblesse consternante de nos investissements dans ce domaine. Ils sont dérisoires à côté de celui que notre pays consent sur l'autre frontière du futur qu'est l'aérospatial.

Pourtant la mer est le meilleur point d'appui dont nous disposons pour sortir des crises en cours. Avec 11 millions de km2 de surface maritime, la France est le deuxième géant maritime mondial, presque à égalité avec les États-Unis. En additionnant ses territoires maritime et terrestre, la France est le 6e plus grand pays de la planète, devant la Chine et l'Inde, alors que sa superficie terrestre seule la ramène au 41ème rang mondial. Sa superficie maritime est aussi supérieure à la superficie terrestre de l'Europe entière. Nous avons de l'or bleu entre les mains. Le rêve français du futur est salé.

Et pourtant! Que connaissons-nous de ce vaste espace? 3%? 5%? Autant dire/ rien. Nous n'en maitrisons ni la géographie précise, ni la topographie, ni le vivant, ni les capacités. Qu'en tirons-nous? Pas plus que ce que nous en savons. Le rôle passé et présent de la mer fait que la cartographie, la navigation et l'ingénierie navale sont aujourd'hui les sciences les plus abouties que nous maitrisons. Hélas nous ne connaissons que les fonds côtiers et la surface des mers. Le reste demeure inconnu. Si aujourd'hui certains poussent l'exploration, ce n'est qu'en vue d'y trouver des énergies fossiles, loin de la nécessaire transition énergétique.

Les mers et les océans sont les enjeux du 21ème siècle pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire humaine. La géopolitique commande la politique. La mer n'échappe pas à la règle. Hier pour le contrôle du canal de Suez, demain pour l'accès aux nouvelles routes maritimes du Nord, l'accueil des maxi-cargos qu'elles laisseront passer, le contrôle des zones de pêches… L'indépendance de la France ne peut se penser hors de ce cadre.

Mais les mers et les océans ont aussi la capacité de servir un bien plus vaste idéal que les seules visées géopolitiques héritées des empires, et qui ont souvent fait fi de toute considération humaine et écologique. La préservation de la biosphère, et donc la survie de l'humanité, passe par les océans. On ne réduira pas massivement les émissions de gaz à effet de serre sans l'apport des énergies marines renouvelables. Les dix milliards d'êtres humains de 2050 n'accèderont pas à l'alimentation sans les ressources de la mer et, au-delà, de l'aquaculture au sens large. Il en va de même pour l'accès à l'eau potable, pour la recherche médicale etc. Les financiers l'ont bien compris. Ils ont déjà commencé à exploiter les océans. Allons-nous leur abandonner ce bien public mondial et nos eaux territoriales? Ou bien allons-nous agir et utiliser cette action en mer pour repenser notre action dans un but écologique et social, y compris à terre? Voila le défi!

La France peut impulser ce changement. À partir de ses côtes métropolitaines, évidemment. Mais surtout, en redécouvrant sa place dans les océans et celle de ses îles, en prenant conscience de l'immensité que les îles confèrent à la France, et en nous replaçant, avec la force de tous nos Outre-mer, au centre d'une nouvelle révolution de la civilisation humaine. C'est une chance pour donner à notre pays un cap, à notre jeunesse un horizon d'engagement et d'enthousiasme créateur. C'est le moyen de peser sur l'avenir de la planète, et de faire vivre nos principes universels.

Le déplacement de Manuel Valls à la Réunion et à Mayotte est une nouvelle occasion manquée d'affirmer cette ambition pour la mer. L'égalité réelle pour les outres-mers ne sera qu'une promesse verbale de plus tant que les potentialités de la mer resteront oubliées: développement endogène, autonomie énergétique, progrès humain pour les populations.

Nous appelons à la construction d'une stratégie horizontale couvrant tous les aspects économiques, sociaux et environnementaux qui peuvent naître des mers et océans. Nous appelons à faire de cette grande ambition maritime une ambition de la France pour l'Europe, en s'inspirant de la vision et de l'intelligence qu'eut à son époque François Mitterrand en créant le programme Eureka.

La France se mutile en refusant sa vocation en mer. L'heure des îles, des côtes et des océans a pourtant sonné. Cessons de déprimer! Prenons confiance en nous-mêmes, tournons le dos aux psalmodiant du déclinisme! Le goût du futur est salé comme l'eau de mer.

 

Retrouvez la tribune sur le site du figaro.

Pour aller plus loin, lire l'article "La France, puissance maritime qui s'ignore" de Jean-Luc Mélenchon publié dans La Revue internationale et stratégique, n°95, automne 2014.


03juin 15

Tribune d'Alexis Corbière parue dans Libération du 3 juin 2015

Mélenchon : la mauvaise conscience d’Henri Weber

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Un spectre hante l’Europe sociale-libérale : le spectre des succès de Syriza, Podemos et ceux qui veulent s’en inspirer. Toutes les puissances de cette vieille Europe se sont unies pour traquer tout germe de contagion.

C’est pourquoi en France, le dirigeant PS Henri Weber a publié il y a quelques jours dans Libération une tribune fielleuse contre Jean-Luc Mélenchon. Après tant d’autres, c’est presque monotone. Allons à l’essentiel. Que nous dit Weber en conclusion de ses ergotages ? Que Mélenchon « souhaite sincèrement détruire le PS (…). Mais il est plus doué pour la destruction que pour le construction ».

Qui dira ceci à Weber : quel que soit notre souhait collectif ou individuel, le PS se détruit très bien tout seul, comme un grand, sans l’aide de personne. Comment Weber « chargé des questions européennes » pourrait-il l’ignorer ? Aux dernières élections européennes de juin 2014, les listes PS qu’il soutenait activement ont obtenu les suffrages de seulement 5,6 % des électeurs inscrits ! Près de 95 % d’entre eux n’ont pas voté pour le PS qui concentrait pourtant encore tous les pouvoirs politiques, du département jusqu’au sommet de l’Etat. Un rejet constant depuis 2012 du bilan de MM. Hollande et Valls. Peut-être aussi, sait-on jamais, de celui des 10 années de Weber à Strasbourg siégeant dans un groupe « socialiste » dont la moitié des membres gouvernent leur pays avec la droite comme est d’ailleurs cogéré le Parlement européen lui-même.

D’une telle débâcle, quelle explication ? « Melenchon ! » nous dit Weber. Mais Mélenchon et les siens ont mieux à faire qu’à détruire les ruines du PS. Ils ont permis l’émergence d’une force politique nouvelle depuis 2009. En attestent les 11% des suffrages rassemblés il y a 3 ans, soit 4 millions de voix. Qu’importe à Weber cette masse restée rassemblée comme l’atteste avec régularité les enquêtes d’opinion pour 2017. Qu’importe le renouveau de la doctrine écosocialiste qu’incarne l’homme du 18 mars 2012, retour sur la place de la Bastille de cette gauche des catacombes qui s’étaient perdue de vue et se retrouvait. Tant de hargne interroge. Pourquoi ça, pourquoi Weber ?

Weber est un des symboles d’une génération dont la dégénérescence politique est un des nombreux obstacles qui bloquent la recomposition du courant populaire progressiste en France. Leur bonne insertion dans les mondanités du système médiatique les rend spécialement encombrants. Comment faire un pas sans tomber sur leur pouvoir de nuisance ? Leur titre de gloire, la source de leur autorité : ils sont les grand-pères de la fameuse révolution de 1968, celle où 10 millions de travailleurs en grève sombrent dans l’anonymat derrière un monôme d’étudiants que ces messieurs sont censés incarner. Des héros très fatigués. Né dans l’action révolutionnaire, de la LCR pour Weber, de l’anarchisme pour Cohn-Bendit, du maoïsme pour July et quelques autres ces hommes et quelques femmes ont banalement renié leur jeunesse. Giono disait : « il faut avoir été anarchiste à vingt ans pour avoir encore assez d’altruisme a trente et s’enrôler sapeur-pompier volontaire ». On découvre que cela vaut pour les pompiers du système. Ceux-là font du zèle. On se tromperait en croyant qu’ils défendent tout simplement leur confort matériel comme tant de baby-boomers rangés de voitures. Non. Éternels adolescents ils n’en finissent plus de renâcler contre leur surmoi révolutionnaire. Il prend la figure fantasmée de Jean-Luc Mélenchon. Un prétexte.

Pour que Weber soit en paix avec sa conscience, il faut coûte que coûte que notre entreprise échoue. Rien de grand, rien de neuf ne doit émerger à gauche. Podemos ? Syriza ? Impossible chez nous, nous dit l’expert ! C’est là, le caractère le plus malsain de la démarche de nos anciens. Si c’est lui qui se colle au bashing contre Mélenchon, après avoir déjà pourri Besancenot, c’est que, fatigué, blasé, et revenu de tout, il veut encore monnayer les cendres de la braise éteinte : « Ta Révolution, gamin, cela ne peut pas marcher. J’ai essayé, crois-moi, on peut pas y arriver ! Et puis tes chefs sont mauvais, agressifs, louches, etc. ». Banal remix du « c’était mieux avant » et « il faut bien que jeunesse se passe ». « Un homme à la mer, on passe à l’ordre du jour » disait Léon Trotsky, maitre à penser de Weber il y a 35 ans, à propos des déserteurs du combat. Moins cruellement, je recommande le respect dû aux anciens car la cause qu’ils affichaient était plus grande que leur personne. Mais il faut quand même passer à l’ordre du jour.

La vérité est que notre indicible espoir maintenu dans la possibilité d’un monde meilleur est leur mauvaise conscience et nos succès sont leurs défaites… Nous agissons. Ils tirent à vue. Dans le dos. Mais nous sommes déjà hors de portée des pétoires dérisoires du siècle passé. Mélenchon est notre passerelle avec le monde de la nouvelle gauche à construire.

Alexis Corbière
Secrétaire national du Parti de Gauche


27mai 15

Réponse à Cécile Duflot

« Chère Cécile, la convergence se fera »

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Réponse à la tribune critique de Cécile Duflot sur le Hareng de Bismarck

Chère Cécile, pourquoi avoir donné ce ton soudainement si agressif à ta critique de mon nouveau livre, le Hareng de Bismarck ? Puisque tu dénonces les « invectives » et les « injures », quoiqu'il ne s'en trouve nulle part dans mon livre, pourquoi m'offenser aussi gravement en me comparant à Déroulède, l'un des fondateurs de l'extrême droite française ? Je lave l'affront en te parlant depuis le journal de Jean Jaurès, figure tutélaire de ma gauche, que Déroulède voulait voir mort et qu'il provoqua même en duel.

Il est difficile de dialoguer avec ton texte. En effet, aucune des thèses que tu m'attribues ne se trouve dans mon livre. Ainsi, il n'est pas vrai que je présente les Allemands comme un « bloc compact » qui nous serait entièrement opposé. Au contraire. L'origine de classe de la politique de Mme Merkel est clairement décrite. Non, ma vision de l'universalisme n'est pas « enfermée » dans les frontières de la France. Et ainsi de suite. Tout cela est démenti expressément par mon texte. Sur chaque point, ce livre, les précédents, mes articles, mes discours démontrent tout le contraire. Et si tu ne m'as pas lu, peut-être as-tu écouté mon discours de Marseille dans la campagne présidentielle. Dirais-tu que j'y ai exprimé une vision « corsetée », « étroitement hexagonale et sépia » de la nation française et de sa République ? De même pour ce qui est de l'écologie politique. Chère Cécile, amie du débat théorique, tu sais bien que les dix-huit thèses sur l'écosocialisme, dont je suis l'un des auteurs, et mon livre L'Ère du peuple montrent comment le paradigme de l'écologie politique refonde en les confirmant les intuitions du communisme, du socialisme et du républicanisme issu de la grande Révolution de 1789. Finalement, tes critiques ne s'adressent ni à mon livre ni à moi mais à ma caricature que répètent avec lourdeur les griots du système. Qu'ai-je fait pour mériter cette vilenie de ta part ? Toi-même n'as-tu jamais eu à souffrir de tels rabâchages ? Tu sais alors ce que coûte la réplique. Car l'interpellation porte non sur ce que tu es mais sur ce que les autres ont décidé que tu devrais être. Tel est le sort réservé à ceux qui ne restent pas « à leur place ». Ceux qui m'ostracisent ne font que tracer une frontière de caste. Dès lors, comme Cyrano, je n'abdique pas l'honneur d'être leur cible. 

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