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 Textes politiques, tribunes

05nov 14

Texte publié dans La Revue internationale et stratégique N°95 (IRIS)

La France, puissance maritime qui s’ignore

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La France dispose du deuxième territoire maritime du monde. «Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée ». Cette phrase de Richelieu porte toujours : le gouvernement de François Hollande méprise ce potentiel de notre pays. La mer est pourtant le nouvel horizon de l’humanité. Elle est aussi un bien commun essentiel gravement menacé. Et la France ? Son devoir est fixé par son rang. C’est une opportunité fantastique pour notre peuple dans le siècle qui commence. La mer a le goût du futur pour les Français.

La mer, nouvelle frontière de l’humanité

La mer est d’abord un espace plus méconnu que la surface de Mars ! Cependant c’est l’espace le plus vaste de notre planète ! Plus étendu que le monde connu lui-même : les océans couvrent 70 % de la surface du globe. Observons que plus des deux-tiers de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres d'une côte. La suite se devine. Car l’expansion humaine a fini d’occuper l’essentiel de la surface disponible sur la terre ferme. Avec 7 milliards d’individus, l'humanité est vouée à se tourner davantage vers la mer pour y trouver les ressources qui lui manque à terre : alimentation, eau potable, énergie, etc. La France dispose d’un trésor.

L’entrée en mer a commencé

N’en parlons pas au futur. L’entrée de l’humanité en mer a déjà commencé. Elle a débuté sur le mode néolibéral productiviste : la cupidité commande. Le saccage est largement engagé. Directement, par le pillage, ou comme conséquence des pratiques à terre. Du peu qu’on en voit, le pire est déjà là. Ainsi cette immense zone morte de 22 000 km² dans le golfe du Mexique : la vie marine y a totalement disparu, à cause des pollutions d'origine agricole ruisselant dans le Golfe. Face à Cassis, la calanque de Port-Miou se remplit des boues rouges de l’usine de bauxite. Quant à l’explosion du trafic maritime, on sait son prix en termes de dégazages sauvages ou de naufrages volontaires des vieilles carcasses (beaching). La haute mer n’est pas épargnée, comme en atteste ce sixième continent, fait de milliards de déchets plastiques flottants empilés sur plus de vingt mètres.

Et pourtant la mer nous fait vivre déjà un bouleversement inouï. Certes, la pisciculture est souvent une abomination pire que celle des élevages porcins. Pour autant, elle est un exemple particulièrement spectaculaire si l’on veut bien y réfléchir. Pour la première fois de l’Histoire, en 2013, les quantités de poissons produits par l'aquaculture égalent les quantités pêchées ! Le temps de la « cueillette » en mer est en train d'être dépassé. Exactement comme la chasse a été remplacée par l'élevage il y a près de dix mille ans.

La mer, un bien commun menacé

La mer est indispensable à l’écosystème qui rend possible la vie humaine. Toutes les généalogies d’êtres vivants ont commencé en mer. Elle reste le grand régulateur de notre écosystème. Elle absorbe 80 % de la chaleur produite par la planète et 20 % des émissions de CO2. Sans les mers, le changement climatique serait plus rapide, le sort de la vie humaine probablement déjà réglé. La mer est donc un bien commun de l’humanité. La question n’est pas de savoir s’il faut s’intéresser à elle, mais comment et pour quoi faire. Va-t-on reproduire au large les mêmes dégâts que ceux provoqués à terre ? Ou bien en entrant en mer de façon maîtrisée n’allons-nous pas du coup changer le mode de production terrestre ? La France peut agir de façon décisive. Elle ira en tête de ce nouvel âge de l’expansion humaine. « Liberté-égalité-fraternité » est une meilleure préparation à l’universalisme maritime que l’étroit appel au « deutschen Volke » invoqué sur la façade du Bundestag ou le stupide « in God we trust » proclamé sur chaque dollar ! Sinon ? Voyez la pente prise : aujourd’hui, ce bien commun est tellement malmené ! Saccagé par le productivisme. Pillé par l’appropriation privée. Déchiré par les tensions entre et à l’intérieur des nations.

La menace du productivisme

Ce n’est sans doute qu’un début. Premier réservoir des ressources rares, la mer aiguise de féroces appétits. Elle contient 90 % des réserves d'hydrocarbures de la planète et 84 % des réserves de minerais et de métaux. Allons-nous laisser les firmes transnationales exploiter ces ressources comme elles l'entendent ? Les marées noires sur les côtes n’ont-elles pas suffi à nous alerter ? Elles se multiplieront si nous laissons exploiter les hydrocarbures qui se trouvent au fond des mers, comme ce projet de forage à 3 000 mètres de fond face au cap Horn, ou au large de la Guyane française. La mer est la première réserve de biodiversité. Nous connaissons à peine 15 % de la faune et de la flore marines. Cette merveille sera-t-elle détruite alors même qu’elle contient tant de réponses concrètes aux limites actuelles de la connaissance en biologie ?

La mer, au cœur des tensions politiques et géopolitiques

La mer est à l’origine de tensions géopolitiques. Certes, ce n’est pas nouveau. Mais les tensions existantes se renforcent et de nouvelles se créent. La lutte pour l'appropriation de l’espace maritime fait rage. Dans chaque nation, ce sont les conflits d'usage entre pêcheurs et plaisanciers, entre implantations d’éoliennes et zones de pêche. Il en va de même entre les nations. Des îlots au sous-sol maritime prometteur, hier ignorés, deviennent des enjeux pour lesquels se déploient navires de guerre russes, japonais ou chinois. Le réchauffement climatique et la fonte des glaces de l'Arctique aiguisent les appétits. Les zones libérées des glaces ne sont pas toutes cartographiées. Où passe la frontière entre la Russie et le Canada ? À qui appartiennent le sol et le sous-sol marins ? La France est muette. Jusqu’à ce qu’au Sud, la Terre Adélie française soit disputée ?

La menace de la privatisation

Partout, la privatisation de tous les usages de ce bien commun est à l'œuvre. Voyez en Grèce la privatisation du port du Pirée à Athènes, ou la vente à la découpe du littoral. Le Parlement français vient, pour sa part, d’autoriser les mercenaires privés à protéger les navires pour compenser le désengagement de la Marine nationale. Et l'Union européenne (UE) a acté la création de droits de pêche qui pourront se vendre ou s’acheter. Cela revient à reconnaître un droit de propriété sur une partie de la ressource avant même qu’elle n’ait été récupérée. D’où vient ce droit ? Quelle est sa légitimité ? De tels droits transférables développent la financiarisation de la pêche au profit des grands groupes. Comme l’a dit si justement Isabelle Autissier lors des Assises écosocialistes de la mer organisées par le Parti de Gauche en janvier 2014 à Toulon : « ceux-là placent de l’argent dans le poisson comme ils en placeraient dans la chaussette. Et le jour où il n’y a plus de poissons, ils retournent dans la chaussette. Le pêcheur, lui n’a pas d’autre choix que de préserver la ressource ». Le capitalisme financier est une maladie mortelle pour la biomasse marine !

Faire entrer la politique en mer

Parfois la mer est là en politique. Comme touche d’évasion exotique de programmes austères. Hors sujet ! Les questions maritimes interpellent directement le cœur des raisonnements politiques.

Un enjeu de civilisation

La mer est au carrefour des grandes bifurcations de notre temps. La bifurcation anthropologique d’abord : l’humanité est plus nombreuse et plus urbaine que jamais. Et c’est sur les littoraux que se trouvent les plus grosses et les plus dynamiques concentrations de populations. Puis vient la bifurcation géopolitique : la concurrence du leadership mondial des États-Unis par la Chine se traduit en termes maritimes, les États-Unis s’arc-boutent sur l’Alliance atlantique pour se tourner plus fortement vers le Pacifique d’un point de vue commercial ou militaire. La bifurcation climatique donne encore plus de poids aux enjeux maritimes. Imaginons les conséquences sociales de la montée du niveau des mers. Imaginons les conséquences géopolitiques de l’ouverture régulière des routes maritimes passant par le pôle Nord : que deviennent alors les canaux de Suez et de Panama ? Et s’il est possible d’éviter les canaux, pourquoi limiter la taille des navires et donc des ports ? La carte de la puissance économique en sera bouleversée. La mer est au cœur des enjeux planétaires.

Une responsabilité particulière pour la France

Selon le service hydrographique et océanographique de la Marine, notre pays compte 18 000 kilomètres de côtes. Surtout, avec 11 millions de km², nous disposons du deuxième territoire maritime du monde, juste derrière les États-Unis ! Ce territoire représente plus de seize fois notre territoire terrestre. C’est alors un changement de paradigme national : 97 % du territoire maritime français se situe dans nos outre-mers, si souvent dédaignés. C’est surtout un enjeu international. La France a le 41e territoire terrestre du monde. Mais en additionnant les territoires terrestre et maritime, la France est le sixième géant du monde, juste derrière le Brésil, mais devant la Chine ou l’Inde ! Combien de Français savent que le territoire national s’est accru de 10 % sans une guerre, dans les années 2000 ? Cela parce que la France, avec le programme Extraplac, a pu remettre à temps à l’Organisation des Nations unies (ONU) les preuves scientifiques prouvant la continuité physique des nouveaux territoires maritimes connus avec ceux déjà reconnus à notre pays. Sur cette nouvelle mappemonde, la France n’est plus la petite nation « occidentale » qu’a fait d’elle son adhésion à l’OTAN. C’est une puissance universaliste présente sur les cinq continents dans leur contexte maritime. Ses alliances sont nécessairement altermondialistes plutôt qu’atlantistes.

La France défaite

Cette responsabilité et ce formidable potentiel sont totalement ignorés.

Prétendue compétitivité contre intérêt général

La poursuite aveuglée de la « politique de l’offre » conduit à un rabougrissement de la pensée dont notre politique maritime est l’une des premières victimes. Les exemples sont légion. Le président de la République ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Il n'y a pas une ligne sur la mer dans le rapport de Louis Gallois sur la compétitivité du pays ni dans le Pacte de compétitivité que le gouvernement Ayrault a présenté dans la foulée ! Quant aux 34 « plans filières » de la « nouvelle France industrielle » présentés par Arnaud Montebourg, ce n’est guère mieux. À peine une trace. On y trouve tout juste dix mots sur les énergies marines, noyés dans l'ensemble du plan sur les énergies renouvelables. Et un seul des 34 plans concerne spécifiquement la mer : il s'agit de la filière de construction des « navires écologiques ».

Libéralisme contre indépendance nationale

Mais même dans cette filière, l’inaction est de mise si l’on en juge par l’absence de réaction gouvernementale au départ de l’actionnaire coréen STX, détenteur de 66% des chantiers navals de Saint-Nazaire. Pourtant, l’État est déjà actionnaire à hauteur de 34 %. Le départ de STX pourrait être l'occasion de retrouver une participation majoritairement publique et nationale dans ce groupe. Ce serait un atout précieux pour engager la conversion de la filière, pour construire mieux et déconstruire proprement les navires. 120 navires de guerre à démanteler, 5 000 bateaux de pêche, 20 000 bateaux de plaisance en fin de vie chaque année sont ignorés. Mais le gouvernement laisse faire. Comme il laisse Veolia couler le plan de sauvetage de la SNCM, qui prévoyait l’achat de quatre navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié qui auraient dû être produits à Saint-Nazaire.

Le cas Alstom est emblématique de ce laisser-faire contraire à l’intérêt national maritime. Alstom est un pionnier des hydroliennes et des éoliennes offshore, désormais à moitié abandonnées à General Electric. L’entreprise a même remporté l’appel d’offres pour l’implantation du premier champ d’hydroliennes au large des États-Unis. Notre Marine nationale dépend aussi directement de cette entreprise pour les turbines de ses plus éminents vaisseaux : le porte-avions Charles de Gaulle et les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. C’est par la mer que l’avenir d’Alstom est le plus intimement lié à l’indépendance nationale. À cette démission s’ajoute une politique d’économies mutilantes : la politique d’austérité frappe durement le secteur. Le budget de l’État pour la Mer a ainsi été réduit de 5 % en 2013, puis de 2 % en 2014. Et ce n’est pas fini : le plan de 50 milliards d’euros d’austérité prévu pour la période 2015-2017 va encore frapper.

La mer, nouvel horizon français

Dans le secteur maritime aussi, tout est à reconstruire. L’intérêt général doit reprendre le dessus. Dès lors la mer nous invite à rebâtir la France elle-même.

Vive la « souveraineté maritime »

C’est de la souveraineté du pays, et donc de son peuple, dont il est question. L’heure est venue pour la France de reconquérir sa « souveraineté maritime ». Cela commence par la connaissance et la protection du territoire national. La Marine nationale doit avoir les moyens de protéger nos côtes, nos fonds marins mais aussi les navires battant pavillon français face aux pirateries. La défense du pavillon français passe également par la lutte contre les pavillons de complaisance et le dumping. Nous devons pouvoir lutter contre la pêche illégale avec nos propres moyens de surveillance et d’arraisonnement. Nous devons pouvoir protéger nos littoraux et l’écosystème marin sous notre souveraineté : la lutte contre les pollutions nécessite des moyens pour l'action de l'État en mer et pour les douanes.

Notons encore ceci : notre souveraineté en matière d'approvisionnement pétrolier par la mer implique une option protectionniste pour développer une flotte sous cocon. Je note ce point pour que l’on comprenne l’enchaînement de décisions qui conduisent de la souveraineté en mer à l’industrie. Pour garantir la souveraineté de notre approvisionnement, l’arsenal législatif existant est insuffisant. La loi de 1992, qui fixe un quota minimum d'importation de pétrole brut sous pavillon français, doit être étendue aux produits raffinés et le quota déjà fixé doit être relevé. Cela suppose que nous soyons capables de construire, réparer, démonter et recycler nous-mêmes les navires affectés à cette tâche.

Un laboratoire de l’écosocialisme

Parler de la mer, c’est reconsidérer ce que nous faisons à terre. Le lien est évidemment physique. Le tsunami à Fukushima nous enseigne qu’un fait naturel prend un impact nouveau avec la présence d’installations humaines sur les côtes. La hausse du niveau des mers concernera tout le monde. La question se pose sous nos yeux, sur nos littoraux. La moitié de la population française vit à moins de 100 kilomètres d’une côte. Combien d'installations faudra-t-il déménager ? Qui va organiser cela ? Le marché ? Songez à l’aéroport de Nice par exemple, construit partiellement sur une avancée en mer. Pensez à la centrale nucléaire du Blayais, sur l’estuaire de la Gironde, que la tempête de 1999 a déjà failli noyer. La mer grignote le bâti que l’argent roi lui impose sans précaution. Et comment relancer nos ports sans développer, à terre, les zones multimodales nécessaires ? Mais le lien est surtout intellectuel. Il s’agit du modèle de développement, de la gestion des biens communs, de la prise en compte de l’impératif écologique. La mer est un domaine concret de l'écosocialisme. Elle ne peut être l’espace réservé à une pratique écologique tandis que tout continuerait comme avant à terre. L’aval commande ici l’amont ! L’économie de la mer étend nécessairement le modèle de l’économie écologique à tout le système productif.

Un formidable potentiel d’énergies renouvelables

L’une des applications les plus évidentes est dans le processus de transition énergétique. Au niveau mondial, on estime que la mer est une réserve énergétique quatre-vingt fois supérieure aux besoins actuellement recensés. Pour sortir des énergies carbonées – et du nucléaire –, il nous faudra produire de l'électricité autrement. Notre territoire dispose d'un énorme potentiel. La France a ainsi le deuxième gisement hydrolien d’Europe, permettant de produire de 3 à 5 gigawatts soit l’équivalent de deux à trois centrales nucléaires. Il faut y ajouter l’éolien offshore, l’exploitation de l’énergie mécanique des mers ou encore des différences de température entre le fond et la surface des mers. Nos outre-mer peuvent montrer la voie et trouver un espace de développement en visant l’autonomie énergétique. Mais le littoral métropolitain est tout aussi riche. L’un et l’autre peuvent, en toute hypothèse, extraire l’électricité naturellement contenue dans l’eau. Encore faut-il s’en donner les moyens ! Quel spectacle lamentable de voir nos champions industriels s’affronter au lieu de coopérer : Alstom produit des éoliennes offshore avec EDF contre GDF, mais des hydroliennes avec GDF contre EDF ! À quand un pôle public de l’énergie permettant de faire travailler ensemble ces entreprises ? J’ajoute que l’exploitation de ce potentiel d’énergies marines ne s’oppose nullement aux activités des pêcheurs si j’en crois ce qu’on m’a dit à Saint-Malo : les pêcheurs s'apprêtent à utiliser les pieds des éoliennes pour élever des homards.

Le nouvel or sera-t-il vert ?

La mer fournit aussi des pistes solides pour sortir du pétrole. Par exemple pour produire du plastique à partir d'algues. Les brevets sont en Bretagne. Ils permettent déjà de fabriquer des coques de téléphone, des porte-cartes et même des jouets de plage ! On est encore loin de concurrencer les productions plastiques à base de pétrole. Mais la commande publique pourrait aider à cette conversion, par exemple en équipant de porte-cartes en algues les usagers des transports en commun.

Il en va de même des algocarburants. À surface égale, les algues produisent trente fois plus de carburants que les agrocarburants comme le colza. De plus, les conditions de production d’algues sont relativement simples à réunir : de l’eau, du soleil et du CO2. Pourtant, notre production reste résiduelle. Car aujourd’hui, la production d’algocarburants coûte dix à quinze fois plus cher que celle d’agrocarburants, si l’on met de côté le coût social et humain de cette production. Le marché sera donc incapable d’intégrer cette alternative dans le mix énergétique.

Autre exemple : l’algoculture pour l’alimentation. C’est également l’une des clés du monde de demain. Il est illusoire et dangereux de vouloir nourrir en protéines 7 milliards d’êtres humains uniquement par l’élevage animal ou la pêche. Même la pisciculture n’y suffira pas. Par contre, la micro-algue spiruline produit neuf tonnes de protéines par hectare cultivé, soit neuf fois plus que le soja !

Au-delà des algues, plusieurs organismes marins offrent à la science et à la médecine des horizons nouveaux. Bien sûr, la recherche est encore en cours et il ne peut être question d’idéaliser la science et la technique sans réfléchir à leur utilisation. Mais comment taire l’espoir formidable que représentent les essais de création d’un sang humain de substitution à partir de l’hémoglobine du ver de vase Arenicola marina ? Ou les potentialités offertes à la recherche contre le cancer par les travaux sur les cellules des éponges ? Dans tous ces domaines, les Français marchent en tête du savoir-faire.

La mer, volant d’entraînement pour la relance de l’activité

Une fois bien compris le potentiel à notre portée, il faut raisonner. L’austérité et la politique de l’offre condamnent le pays à l’anémie durable et généralisée. Laisser au marché le soin de découvrir les produits demandés, c’est s’interdire de peser sur le choix des activités à développer et se rendre incapable de faire régresser les activités écologiquement insoutenables. L’économie de la mer est à l’inverse le moyen d’une relance écologique de l’activité. Elle constitue un volant d’entraînement de premier plan : les activités choisies, à leur tour, opèrent une sélection de demandes et de consommations. Notre scénario de relance est donc sélectif. L’économie de la mer est un point d’entrée. Elle couvre un champ très large : recherche, construction et déconstruction navale, algoculture, pisciculture, biotechnologie, énergie, tourisme bleu, etc. L’impact de la relance traverse tous les secteurs et toutes les régions. Par exemple, les hydroliennes et éoliennes offshore consomment des aciers fins produits en Lorraine. L’effet d’entraînement traverse tous les métiers. Car l’investissement et les salaires distribués finissent par atteindre tous les compartiments d’activité, notamment ceux qui vivent directement de la consommation populaire, comme les commerçants. Voilà résumé comment relancer l’activité par une planification écologique de l’entrée en mer, et des investissements publics pour la réorienter en même temps. L’économie de la mer peut être le point de départ d’un engrenage vertueux. Elle produit déjà plus de 50 milliards d’euros de richesses par an, soit 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) du pays et emploie déjà plus de 300 000 personnes. On sait donc que c’est possible !

L’économie de la mer se prépare aussi à terre

Un tel appel d’air serait-il soutenable par notre population active ? Oui, en nombre. Non, pour ce qui concerne les qualifications professionnelles disponibles. J’ai connu, comme ministre de l’Enseignement professionnel, la situation de la région de Saint Nazaire, en 2001. La croissance était de plus de 2 %. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée était paralysante. Ici, je n’évoque que la situation du chantier naval. Car ce type de chantier met en mouvement des dizaines de métiers dont on n’imagine pas à première vue qu’ils sont concernés. Par exemple, il faut beaucoup de menuiserie pour construire un bateau. En fait, tous les métiers du second œuvre du bâtiment sont sollicités, en plus de toutes les tâches strictement liées à la métallerie. Un chantier naval, en période de plein emploi régional et donc de pénurie de main-d’œuvre, fonctionne comme un aspirateur à main-d’œuvre qualifiée. Non seulement il en manque sur le chantier, et cela se paie d’une intensification des cadences, mais il en manque également partout ailleurs chez les artisans et les entreprises de la région. Notre relance impliquera donc un terrible coup de collier éducatif pour préparer la main-d’œuvre qualifiée nécessaire, de l’ingénieur à l’ouvrier hautement qualifié.

Bien commun, souveraineté nationale, politique économique, transition écologique, qualifications professionnelles : la mer est un domaine d’intérêt général. C’est de la reconstruction du pays et de l’horizon du peuple français qu’il est question. C’est donc un formidable défi lancé à l’intelligence. Mettons nos pas dans ceux de Fernand Braudel : « La mer… À elle seule, elle est un univers, une planète ». Il est temps de s’emparer des enjeux posés par la mer à la civilisation humaine. Il est temps pour la France de donner l’exemple.

Jean-Luc Mélenchon
Député européen.


19sept 14

Le Monde - 19 septembre 2014

6e République : la souveraineté populaire jusqu’au bout

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Abstrait le débat sur la 6e République ? Voyons. La France doit se protéger des pouvoirs de la finance. Ils dévorent l'économie réelle, qui ne peut supporter l'exigence de tels niveaux de rendement. Alors, un euro investi pour dix ans ne devrait pas avoir le même pouvoir de vote qu'un euro placé sans engagement de durée. Face à la désindustrialisation, ne serait-il pas opportun d'instituer un droit de préemption pour les salariés qui veulent reprendre leur entreprise quand son propriétaire la vend ou l'abandonne ? Un pays aussi instruit que le nôtre ne devrait-il pas miser d'abord sur l'intelligence collective des salariés d'une entreprise pour en conduire la stratégie et la marche ?

Eux, plutôt que le seul PDG et sa suite dorée de cadres financiers obsédés par leurs stock-options. Surtout depuis que ces derniers commandent à la place des ingénieurs de production ! Comment créer un cercle vertueux du partage de la richesse, sinon en instituant un salaire plafond tel que le plus haut ne puisse être plus de vingt fois supérieur au plus bas dans la même entreprise ?

Pour tout cela, la définition des droits constitutionnels de la propriété privée du capital devrait changer. D'un droit sacré inaliénable, il doit devenir un simple droit d'usage, encadré par les servitudes de l'intérêt général. Sans cela, comment accroître la rémunération du travail qualifié et réduire le coût du capital dans la production ? La reconnaissance due au travail et à l'imagination créatrice est l'urgence. Ce n'est pas un choix de circonstance ni même idéologique. Car la production et l'échange doivent impérativement changer de méthode. Il faut relever le défi des conséquences du changement climatique, de l'augmentation de la population et de la compétition pour l'accès aux ressources.

La France peut montrer l'exemple. Elle peut s'occuper de son domaine maritime, le deuxième du monde, et y ancrer la conversion de son modèle de production en vigueur à terre. Elle ne doit pas l'abandonner aux appétits prédateurs et irresponsables des compagnies privées pour qui la mer est déjà une poubelle. Il y faudra beaucoup de moyens.

Or l'arbitrage entre investissement et dividendes s'opère spontanément au profit des seconds. Ils imposent le règne du temps court et de l'intérêt particulier sur les besoins du temps long, celui de l'intérêt général ! Comment protéger les droits du temps long que la planification écologique exige ? Comment mettre au défi tous nos ingénieurs pour qu'ils trouvent le moyen de respecter la « règle verte » qui impose de ne pas prendre à la planète davantage que son pouvoir de récupération ?

Encore une fois, c'est l'inscription dans la Constitution qui fixera cet impératif comme une règle commune opposable aux aléas des majorités et des circonstances au nom de l'intérêt général humain. C'est elle qui donnera leur place essentielle aux lanceurs d'alerte et aux délégués environnementaux dont une république moderne a besoin à l'ère de l'anthropocène. Il n'est de domaine où les avancées de la connaissance et les fruits de l'expérience ne commandent d'inscrire de nouvelles dispositions dans les objectifs des institutions politiques. Et cette inscription provoquera une mutation en grappe des normes en vigueur dans toute l'organisation sociale.

Par exemple, la France doit interdire la brevetabilité du vivant. Et assurer l'égalité d'accès au Net. Elle devrait garantir l'absolue et définitive souveraineté sur soi en constitutionnalisant le droit à l'avortement et celui d'être aidé pour accomplir sa propre fin quand on en a décidé. La souveraineté qui se noue ainsi au corps est le point de départ de celle qui se cherche dans l'ordre politique. C'est le rôle du peuple. Quel rôle ? Celui qui est au point de départ de toutes les communautés humaines de l'histoire : assurer sa souveraineté sur lui-même et sur l'espace qu'il occupe.

Depuis 1789, nous définissons la citoyenneté comme la participation de chacun d'entre nous à l'exercice de cette souveraineté, sous l'empire de la Vertu. C'est-à-dire dans l'objectif de l'intérêt général. A présent tout cela est effacé. L'intérêt particulier de la finance et la main invisible du marché sont réputés produire le bien commun comme le foie sécrète la bile. La règle de la concurrence libre et non faussée est décrétée spontanément bienfaisante.

Mise au service du libre-échange, elle serait indépassable. Le peuple est invité à s'en remettre aux experts sur la façon la mieux adaptée de généraliser ces principes. La 5e République est le système qui organise ce détournement du pouvoir. Pour y parvenir, elle a été réformée vingt-quatre fois depuis sa création. Depuis, une construction gothique dilue la souveraineté du peuple dans les sables de la monarchie présidentielle. Le reste est refoulé par l'opaque mécanique des institutions européennes. Lesquelles protègent avec soin le saint des saints, c'est-à-dire le pouvoir financier confié à la Banque centrale européenne. Elle seule est souveraine en dernier ressort.

Une nouvelle démocratie est donc nécessaire. Exemple : comment garantir le droit du peuple à exercer sa souveraineté, même entre deux élections ? Le référendum révocatoire en cours de mandat le permet. Si un nombre prédéfini de citoyens le demande, un référendum est organisé pour savoir si un élu peut garder son mandat ou être déchu. Cette procédure s'appliquerait à tous. Donc aussi au président de la République. Si, selon les sondages (IFOP, réalisé du 8 au 9 septembre), 62 % des Français souhaitent qu'il s'en aille plus tôt que prévu, il faut que cela soit possible sans barricades.

Sinon ? Du banquier central européen au monarque-président, le système de commandement est d'une implacable rigidité. Il implosera. Non pour des raisons idéologiques. Juste parce qu'il est inapte à régler les problèmes du grand nombre. Inapte du fait de ses principes et du personnel qu'il doit recruter pour les assumer. Avec une assemblée constituante, le peuple écrira une autre histoire : celle de la 6e République.

Voilà pourquoi j'appelle à signer pour la 6e République sur www.m6r.fr

Tribune publiée dans Le Monde du 19 septembre 2014


28juil 14

Je pars mais je reviens !

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Ces quelques lignes sont un message amical à ceux qui se donnent rendez-vous sur ce blog. Les dernières heures avant mon départ ont été bien remplies. J’ai beaucoup participé aux discussions qui se menaient entre nous à propos de la façon de manifester notre solidarité avec les gazaouis. Il fallait agir. Mais il fallait aussi éviter de tomber dans les pièges que Manuel Valls et François Hollande ont tendus sans relâche pour provoquer des incidents et criminaliser le mouvement de soutien. Dans tout le pays, à l’heure à laquelle j’écris, nous avons tenu le chemin de crête. L’admirable c’est évidemment le sang-froid magnifique des manifestants et en particulier des jeunes. Les provocateurs sont restés isolés et aucun des reportages, évidemment à charge, n’a pu mieux faire que de montrer des marginaux. Je renvoie aux textes et compte rendus publiés par le site du Parti de Gauche pour apprécier le travail accompli.

D’un autre côté, toutes sortes d’évènements privés m’ont aussi tenus éloigné de mon clavier. Au point d’avoir oublié de poster mon compte rendu de séance au parlement européen qui va donc aller rejoindre la masse des discours et articles non prononcés et non publiés. Une année d’absence pour fait de réunions, meeting et cavalcades électorales m’a encore laissé une masse de paperasses à traiter. Car, bien sûr, j’ai aussi une vie d’ayant droit et de contributeur divers. J’ai intérêt à avoir tout en ordre.

Un avatar récent m’a rappelé à l’ordre ! L’administration du Parlement n’avait pas enregistré a temps ma « déclaration d’intérêts financiers ». Je fus aussitôt traîné au pilori médiatique. En effet passait par là une de ces hyènes médiatiques qui tournent en permanence autour du troupeau pour voir s’il n’y a pas des bêtes malades à harceler. Elle se fit un devoir de publier « l’affaire ». Je fus donc dénoncé sur deux radios et par trois brèves (avec photo immondes cela va de soi) comme n’ayant pas rendu ma « déclaration d’intérêts financiers » avec tout ce qu’un tel terme peut susciter de sous-entendu. Ce fut mon accueil médiatique pour l’installation du nouveau Parlement ! Bien joué coco ! Bien sûr, j’avais rendu cette « déclaration ». Pourquoi ne l’aurais-je pas fait ? Elle est passionnante ! Je n’ai aucun intérêt financier à déclarer ! Et ainsi de suite. Si j’ai le blues ce n’est pas du combat politique, de ses difficultés et cruautés. C’est de devoir subir ça. Les photos pourries, les papiers insultants sans relâche, la bêtise à front de bœuf de ces gens malveillants et suintant d’aigreurs et de haine, qui ne lisent rien, ne s’intéressent à rien vraiment, et résument tout aux quatre phrases qu’ils arrivent à comprendre tout en prétendant que ce sont les « gens qui ne s’intéressent pas ».

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23nov 12

Sarrebruck, le 20 novembre 2012.

Déclaration Oskar Lafontaine et Jean Luc Mélenchon

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Nous constatons avec consternation l’usage qui est fait de l’Union Européenne comme outil d’une politique d’austérité généralisée. Elle ne mène nulle part sinon à un désastre auquel aucun pays ne pourra échapper. Cette politique discrédite l’idéal européen en conduisant nos peuples dans l’impasse de la destruction de l’Etat social, la récession économique et l’indifférence écologique. Nous mettons solennellement en garde contre l’incitation aux égoïsmes nationalistes que cette politique cruelle provoque. Nous savons qu’en brutalisant partout les procédures parlementaires pour imposer aux peuples des plans d’ajustement structurels néolibéraux la démocratie elle-même est mise en cause. Imprégnés des leçons de l’histoire de notre vieux continent, nous voulons alerter les consciences en rappelant que la misère sociale, la récession et la compétition généralisée entre les peuples sont toujours des terreaux de guerre et de violence. Cette menace commence en Europe ! 

 

Nous déplorons que la social-démocratie européenne n’oppose plus aucune résistance aux injonctions du capital financier, ses agences de notation, et ses marchés. Nous avons vu Georges Papandréou en Grèce, Zapatero et Socrates en Espagne et au Portugal capituler sans condition. Puis nous avons été stupéfaits de voir le nouveau gouvernement français s’aligner purement et simplement sur les directives du traité rédigé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Dans ces conditions, pour affronter la destruction sociale de l’Europe et garantir la paix, les salariés doivent construire de nouvelles majorités politiques de gauche et augmenter leur capacité d’initiative citoyenne. Nous connaissons bien la difficulté de mobilisation dans un tel contexte ou la peur du lendemain et la pression du chômage et de la misère paralysent tant de forces ! Nous voyons l’extrême droite progresser partout en Europe. Mais nous voyons aussi nos forces émerger avec vigueur jusqu’au seuil du pouvoir comme en Grèce avec SYRIZA. Nous affirmons notre certitude que la chaine austéritaire qui enserre les peuples européens va craquer quelque part dans l’un des pays aujourd’hui martyrisé, comme ce fut le cas après la décennie d’ajustement structurel en Amérique du sud. Une révolution citoyenne s’inscrit comme nécessité en Europe. Le peuple doit pouvoir fixer librement la politique qu’il pense bonne pour lui, sans être soumis à des procédures de contrôle préalable non démocratiques et des punitions, comme ceux qu’imposent les nouveaux traités européens. Cette exigence se vérifie dans bien des endroits dans le monde. Elle a donné lieu a des changements profonds en Amérique du sud et au Maghreb. Nulle part ils n’ont pris leur forme définitive. Mais partout ils expriment une puissante aspiration pour la démocratie sociale et politique. C’est pourquoi nous avons décidé d’unir notre action personnelle pour construire, avec les progressistes qui le veulent sur les cinq continents, un cadre commun de rencontre et de propositions, un Forum Mondial de la révolution citoyenne. Nous voyons avec espoir la Confédération Européenne des Syndicats (CES) organiser l’action de résistance des salariés. Nous saluons le travail du Parti de La Gauche européenne pour soutenir la coopération active des partis de la nouvelle gauche européenne dans la lutte des peuples. Nous affirmons notre confiance dans notre capacité, le moment venu à diriger les nouveaux gouvernements progressistes qui sont nécessaires pour changer le cours de l’histoire et éviter la catastrophe ! Nous appelons toutes les consciences progressistes à entrer dans ce combat.


04oct 12

Par Jean-Luc Mélenchon, député européen et Ignacio Ramonet, essayiste et journaliste - Le Monde du 4 octobre 2012

Hugo Chavez, un homme diffamé

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Hugo Chavez est sans doute le chef d'Etat le plus diffamé du monde. À l'approche de l'élection présidentielle au Venezuela, le 7 octobre, ces diffamations redoublent d'ignominie. Tant à Caracas qu'en France. Elles témoignent du désespoir des adversaires de la révolution bolivarienne devant la perspective (que les sondages semblent confirmer) d'une nouvelle victoire électorale de Chavez. Un dirigeant politique doit être jugé sur ses actes, et non sur les rumeurs colportées contre lui. Les candidats font des promesses pour se faire élire ; rares sont ceux qui, une fois élus, les tiennent. Dès le début, la promesse électorale de Chavez a été claire : travailler au profit de ceux, majoritaires dans son pays, qui vivaient dans la pauvreté. Et il a tenu parole.

C'est le moment de rappeler ce qui est vraiment en jeu dans cette élection au moment où le peuple vénézuélien va voter. Le Venezuela est un pays très riche en raison des fabuleux trésors de son sous-sol, en particulier les hydrocarbures. Mais presque toutes ces richesses étaient accaparées par les élites dirigeantes et des entreprises multinationales. Jusqu'en 1999, le peuple n'en recevait que des miettes. Les gouvernements successifs, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates, corrompus et soumis aux marchés, privatisaient à tout va. Plus de la moitié des Vénézuéliens vivait sous le seuil de pauvreté (70,8% en 1996). Chavez a placé la volonté politique au poste de commande. Il a mis les marchés au pas et stoppé l'offensive néolibérale puis, grâce à l'implication populaire, il a permis à l'Etat de se réapproprier les secteurs stratégiques de l'économie. Il a recouvré la souveraineté nationale. Et a ensuite procédé à une redistribution de la richesse au profit des services publics et des laissés pour compte.

Un îlot de résistance de gauche au néolibéralisme

Politiques sociales, investissements publics, nationalisations, réforme agraire, plein emploi, salaire minimum, impératifs écologiques, accès au logement, droit à la santé, à l'éducation, à la retraite… Chavez s'est également attaché à la construction d'un Etat moderne. Il a mis sur pied une ambitieuse politique d'aménagement du territoire: routes, chemins de fer, ports, barrages, gazoducs, oléoducs. En matière de politique étrangère, il a misé sur l'intégration latino-américaine et privilégié les axes Sud-Sud, tout en imposant aux Etats-Unis des relations fondées sur le respect mutuel… L'élan du Venezuela a entrainé une véritable vague de révolutions progressistes en Amérique latine, faisant désormais de ce continent un exemplaire îlot de résistance de gauche contre les ravages du néolibéralisme. Un tel ouragan de changements a complètement chamboulé les structures traditionnelles de pouvoir au Venezuela et entrainé la refondation d'une société jusqu'alors hiérarchique, verticale, élitaire. Cela ne pouvait lui valoir que la haine des classes dominantes, convaincues d'être les propriétaires légitimes du pays. Avec leurs amis protecteurs de Washington, ce sont elles qui financent les grandes campagnes de diffamation contre Chavez. Elles sont allé jusqu'à organiser – en alliance avec les grands médias qu'elles possèdent – un coup d'Etat le 11 avril 2002. Ces campagnes se poursuivent aujourd'hui et certains secteurs politiques et médiatiques européens les reprennent en chœur. La répétition étant – hélas – considérée comme une démonstration, des esprits simples en viennent à croire que Hugo Chavez incarnerait "un régime dictatorial où il n'y a pas de liberté d'expression".

Mais les faits sont têtus. A-t-on déjà vu un " régime dictatorial " élargir le périmètre de la démocratie au lieu de le restreindre ? Et donner le droit de vote à des millions de personnes dépourvues jusque là de carte d'électeur? Les élections au Venezuela n'avaient lieu que tous les quatre ans, Chavez en organise plus d'une par an (14 en 13 ans). Dans des conditions de légalité démocratique reconnues par l'ONU, l'Union européenne, l'Organisation des Etats américains, le Centre Carter, etc. Chavez démontre qu'on peut construire le socialisme dans la liberté et la démocratie. Il en fait même une condition du processus de transformation sociale. Il a prouvé son respect du verdict populaire en renonçant à une réforme constitutionnelle refusée par les électeurs lors d'un référendum en 2007. Ce n'est pas un hasard si la Foundation for Democratic Advancement (FDA), du Canada, dans une étude publiée en 2011, situe désormais le Venezuela en tête du classement des pays qui respectent la justice électorale . Le gouvernement d'Hugo Chavez consacre 43,2% du budget aux politiques sociales. Résultat: le taux de mortalité infantile a été divisé par deux. L'analphabétisme éradiqué. Le nombre de professeurs des écoles multiplié par cinq (de 65 000 à 350 000). Le pays détient le coefficient de Gini (qui mesure les inégalités) le plus performant d'Amérique latine. Dans son rapport de janvier 2012, la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC, un organisme de l'ONU) établit que le Venezuela est le pays sud-américain – avec l'Equateur -, qui, entre 1996 et 2010, a le plus réduit le taux de pauvreté. Enfin l'institut américain de sondages Gallup classe le pays d'Hugo Chavez, 6e nation "la plus heureuse du monde".

Le plus scandaleux, dans l'actuelle campagne de diffamation, c'est de prétendre que la liberté d'expression serait bridée au Venezuela. La vérité c'est que le secteur privé, hostile à Chavez, y contrôle largement les médias. Chacun peut le vérifier. Sur 111 chaînes de télévision, 61 sont privées, 37 communautaires et 13 publiques. Avec cette particularité que la part d'audience des chaînes publiques n'est que de 5,4%, celle des privées dépassant les 61% … Même chose pour la radio. Et 80% de la presse écrite sont contrôlés par l'opposition ; les deux quotidiens les plus influents – El Universal, El Nacional – étant hostiles au gouvernement. Tout est, certes, loin d'être parfait dans le Venezuela bolivarien. Où existe-t-il un régime parfait ? Mais rien ne justifie ces campagnes de mensonges et de haine. Le nouveau Venezuela est la pointe avancée de la vague démocratique qui a balayé les régimes oligarchique de neuf pays dès le lendemain de la chute du mur de Berlin quand d'aucuns annonçait "la fin de l'histoire" et "le choc des civilisations" comme seuls horizons pour l'humanité. Le Venezuela bolivarien est une source d'inspiration où nous puisons sans aveuglement ni naïveté. Mais avec la fierté d'être du bon côté de la barricade et de réserver nos coups à l'empire malfaisant des Etats Unis et de ses vitrines si chèrement protégées au Proche-Orient et partout où règnent l'argent et les privilèges. Pourquoi ses adversaires en veulent-ils tant à Chavez ? Sans doute parce que, tel Bolivar, il a su arracher son peuple à la résignation. Et lui donner l'appétit de l'impossible.




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