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 Chroniques de campagne au Vénézuela

06oct 12

François Delapierre, l'invité du Blog

Où il est question du Venezuela et de deux journalistes

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L'original de ce billet a été publié le 3 octobre 2012 sur le blog de François Delapierre

Sur place mon temps d’écriture était péniblement arraché au sommeil. Difficile de faire plus ! De retour en France, comme je le craignais, le temps me fait à nouveau défaut. A peine rentré du Venezuela, je me suis trouvé happé par un week-end militant des plus actifs. Bureau national du Parti de Gauche le samedi et dimanche bien sûr, cette magnifique marche contre le TSCG dont je dis un mot ici. C’est un immense privilège de pouvoir franchir l’Océan comme je l’ai fait cette semaine en vivant des deux côtés de l’Atlantique des grands moments de la confrontation qui se déroule au niveau mondial entre les peuples en lutte pour leur souveraineté et l’oligarchie financière qui la leur confisque. Mais c’est aussi une frustration de ne pouvoir raconter plus largement notre voyage alors que beaucoup m’ont dit en France leur intérêt pour notre témoignage sur l’expérience bolivarienne.
Je jette donc ici quelques idées en vrac tout en vous invitant si vous habitez en Ile-de-France à participer à la soirée sur le Venezuela organisée dimanche 7 octobre à 18h à l’Usine, 8 rue Chassagnolle, Les Lilas, où je pourrai compléter ces éclairages avec mes camarades de la délégation présente à Caracas.

Partisans de Capriles et de Chavez se font face toute la journée dans le calme de part et d’autre du passage piéton

J’ai déjà dit l’énergie qui se dégage de ce pays et contraste si fort avec la noire ambiance austéritaire qui obscurcit l’avenir de l’Europe. Corinne Morel-Darleux est revenue sur le programme politique néolibéral de l’opposant de Chavez, Capriles, que l’on repeint souvent complaisamment en un social-démocrate ami du progrès social. Alexis Corbière fait justice sur son blog des calomnies habituelles contre le Venezuela accusé d’être une dictature alors que la confrontation démocratique s’y déroule d’une manière libre et intense. D’ailleurs dimanche dernier, Capriles a clos sa campagne par un rassemblement sur une place de Caracas vers laquelle ont convergé huit cortèges partis de différents quartiers de la ville. Pour avoir eu l’expérience des discussions avec la préfecture de police quand nous avons décidé le rassemblement du 18 mars à la Bastille, je mets quiconque au défi d’obtenir une telle autorisation à Paris !

Mais ni mes camarades ni moi n’avons encore abordé une chose qui m’a frappé sur place. C’est l’enjeu concret pour ce pays des relations de coopération qu’il instaure avec d’autres Etats. Pour le Venezuela, les relations internationales ne sont pas un à côté de la politique gouvernementale. Elles sont une condition matérielle de l’indépendance nationale visée par le pouvoir bolivarien. Tandis que l’opposition de droite milite à l’inverse pour le retour du pays dans le giron de l’Empire états-unien si proche. Il ne faut jamais oublier que le gouvernement du Venezuela contrôle une production pétrolière dont le revenu annuel dépasse 100 milliards d’euros. Chaque année passée hors du pouvoir prive les oligarques vénézuéliens de rentrées financières colossales. Et c’est la même chose pour les intérêts pétroliers états-uniens. Cela explique leur nervosité extrême. Plus le magot est gros, plus les méthodes utilisées pour l’accaparer sont brutales. Les pays pétroliers d’Afrique en portent témoignage. La (re)négociation des contrats y passe souvent par des coups d’état et les ingérences des intérêts pétroliers, qui entremêlent Etats et capitaux privés, y est systématique. Les chancelleries européennes à Caracas savent d’ailleurs que l’opposition a prévu par avance de contester le résultat et saisira la possibilité d’un coup de force si elle se présente, comme cela a été fait au Honduras en 2009 puis au Paraguay en 2012 et tenté en Equateur en 2010, en Bolivie en 2008 ou au Venezuela déjà en 2002. Sans que quiconque ou presque en Europe ne s’en indigne ! La politique étrangère du Venezuela s’explique donc en grande partie par la recherche de protections internationales face aux ingérences états-unienne et à la passivité complice de l’Union Européenne vis-à-vis des coups d’état perpétrés dans la région contre les gouvernements issus de la révolution démocratique qui éclata pour la première fois au Venezuela.

Le développement de coopérations internationales est une condition incontournable de presque toutes les politiques publiques dans pays dont l’économie est beaucoup moins solide et diversifiée que la nôtre. On le comprend aisément quand il s’agit de politique économique : le Venezuela ne dispose pas d’une bourgeoisie nationale capable de développer l’industrie du pays. Il manque de capitaux, de travailleurs formés, de filières économiques établies. Il lui faut donc faire avec d’autres, souvent sous la forme d’entreprises mixtes venezuelo-étrangères. De manière plus inattendue c’est aussi le cas dans le domaine des programmes sociaux. Quand le gouvernement décide d’ouvrir massivement des maisons de santé dans les quartiers, il se heurte au fait que le Venezuela ne dispose pas des médecins pour les faire tourner. En attendant d’avoir formé de nouvelles générations de médecins (ce qui prend du temps), le gouvernement a donc initié une coopération avec Cuba. Ce choix ne doit rien au hasard : les médecins cubains ont déjà aidé une centaine de pays depuis les années 1960. Quand le gouvernement bolivarien entreprend de construire des centaines de milliers de logements sociaux (Gran Mision Vivienda Venezuela), il ne peut pas davantage compter sur une industrie nationale de la construction. Il se tourne là encore vers ceux qui maîtrisent le mieux ce domaine : les Chinois, les Iraniens, qui construisent déjà dans tout le Moyen-Orient, les Turcs, très doués pour livrer de grands ensembles « clé en main ». Chavez donne parfois à ces coopérations une signification politique que je ne partage pas (en particulier avec l’Iran) comme il le fait d’ailleurs systématiquement au sujet de toutes les décisions gouvernementales. Mais il s’agit d’abord d’une convergence d’intérêts entre Etats. Le parti de Chavez, le PSUV, n’a pas de liens politiques avec les mollahs iraniens ou avec le Parti communiste chinois ! Ses partenaires sont tous issus de l’autre gauche, principalement latino et européenne. Je dois rappeler ces faits triviaux car dans le Disneyland géopolitique que fabriquent les médias, Poutine, Chavez et Ahmadinejad jouent le rôle des méchants de série Z qui rigolent entre eux en fomentant leurs mauvais coups. Explique-t-on les liens entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis par une complicité personnelle entre Obama et le roi Abdallah ou les liens entre la France et le Gabon par le fait qu’Hollande et Bongo seraient les meilleurs amis du monde ? Non leurs relations sont analysées à l’aune de leurs intérêts communs… ou des rapports de force établis entre leurs pays.

C’est pourquoi je suis terriblement attristé que la France ne cherche pas davantage à développer ses relations avec le Venezuela. J’espère qu’en la matière, il y aura du changement avec le nouveau pouvoir. Un gouvernement de gauche devrait travailler à aider la révolution bolivarienne. Ce n’est pas difficile car les besoins sont si criants dans ce pays que le moindre coup de main pèse lourd. L’intérêt de la France le commande aussi. Le Venezuela dispose des plus grandes réserves de pétrole du monde. Tant que l’on ne peut pas s’en passer, cela mérite d’être médité, non ? Dans quelques années seuls quatre pays disposeront encore de réserves exploitables. Si la France s’interdit de travailler avec le Venezuela pour ne pas déplaire aux Etats-Unis, il n’en restera plus que trois. Parmi eux, la Russie dont la seule évocation donne à nouveau le haut-le-cœur au gouvernement états-unien. Viennent enfin deux noires théocraties, l’Arabie Saoudite et l’Iran. Bon appétit ! Si ce n’est pas par sentiment internationaliste et volonté de construire un mode multipolaire, il faut pour cette raison au moins travailler avec les vénézuéliens. Le premier ministre Ayrault va-t-il enfin le comprendre au lieu de dénigrer publiquement le Venezuela qu’il a accusé d’avoir obscurci le jugement de Jean-Luc Mélenchon, ce qui ne se fait jamais dans les relations pacifiques entre pays ? J’ai quelques espoirs. Car je sais que pendant qu’Ayrault vitupère, Total, présent dans la ceinture de l’Orénoque, fait les yeux doux au gouvernement vénézuélien pour participer à l’exploitation de nouveaux puits. Les pétroliers ont l’oreille de ce gouvernement, comme on l’a vu dans la triste affaire des forages off-shore en Guyane. On peut donc penser qu’Ayrault fera entendre prochainement une autre musique ou qu’il chargera un de ses ministres de le faire.
Si le gouvernement de la France se montre incapable de développer ses relations avec le Venezuela, peut-être pouvons-nous le faire de notre côté ? Je parle bien ici de coopération technique et non pas politique même si son fondement est militant. Nous regorgeons de compétences dans les rangs du Front de Gauche qui pourraient être utiles à nos camarades vénézuéliens. Ils ont besoin d’aide pour développer leur système de formation, leurs industries, leur agriculture largement insuffisante pour assurer leur souveraineté alimentaire. Parmi mes lecteurs, je suis sûr qu’il y a des gens qui seraient prêts à apporter leur concours au Venezuela si nous mettions en place un tel programme.

Quelques passages médias me donneront l’occasion de revenir sur cette expérience vénézuélienne. Je serai notamment l’invité de Michel Field et Olivier Duhamel dans l’émission Médiapolis samedi à 10h sur Europe 1. Vu les convictions de mes hôtes, je pense qu’il y aura du débat ! Mais je ne garantis pas l’intérêt des questions qui me seront posées. Le Venezuela est maltraité par la presse française. C’est déjà le cas de manière générale des questions internationales. Elles bénéficient d’espaces très restreints. Combien de journaux gardent une rubrique internationale et quelle place leur accordent-ils ? De fait les journalistes qui « suivent » le Venezuela, au milieu de toute l’Amérique Latine, se comptent sur les doigts d’une main. Il suffit que les Etats-Unis en contrôlent un ou deux pour faire la pluie et le beau temps sur le sujet. Je l’avais déjà constaté quand j’étais au Bureau national du PS. Les questions internationales occupaient une place résiduelle dans nos débats et dans la vie de ce parti. La ligne dominante à ce sujet était de n’avoir d’avis précis sur aucune question. Sauf en ce qui concerne le Venezuela ! L’efficacité du lobbying états-unien était telle que ce sujet pouvait enflammer nos réunions et que le si discret secteur international trouvait le temps de produire régulièrement des communiqués relayant systématiquement les campagnes internationales menées contre Chavez.

Ce sont souvent des journalistes de politique française qui « s’intéressent » au Venezuela car cela fait partie des argumentaires récurrents censés démasquer le vrai visage autoritaire du Front de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon. C’est dans cet esprit que je viens par exemple d’être sollicité par la journaliste du Monde Mme Besse-Desmoulières qui a publié un papier sur notre voyage. Après avoir relaté nos propos elle mentionne le rapport d’une ONG américaine mettant en cause la concentration des pouvoirs au Venezuela et écrit que Corinne Morel-Darleux « avoue » ne pas l’avoir lu comme s’il s’agissait d’un péché capital. Puis elle conclut ainsi : « Au Parti communiste, on refuse de commenter ce voyage. » Cette dernière « information » suggère qu’en réalité il le désapprouve. Mais l’article ne le dit pas non plus. Ca c’est de l’info ! C’est une grande force des médias que de pouvoir faire parler les muets. Ils savent aussi faire taire les bavards. Nous en avons été victimes. A la fin de l’entretien, la journaliste du Monde me demande ce qui ne me convient pas dans l’expérience chaviste. J’apprends par Alexis et Corinne qu’elle leur a posé exactement la même question. Mais pourquoi faire puisqu’elle n’a mentionné aucune de nos réponses. Les a-t-elle jugées inintéressantes ? Moins intéressante que la non réponse d’un responsable du PCF dérangé par téléphone ? Ou que de savoir que Corinne n’a pas lu le rapport de cette ONG ? J’ai pour ma part regretté l’insuffisante planification de la réorientation économique du pays, constatant que Chavez se montrait efficace lorsqu’il s’agissait de mener de front plusieurs chantiers convergents, par exemple ceux qui visent à éradiquer la pauvreté et à assurer la citoyenneté de tous, mais moins lorsqu’il y avait besoin d’enchaîner soigneusement des étapes comme c’est le cas par exemple en matière de développement industriel. La place de la planification dans le socialisme du 21e siècle est une immense question ! Nous avons commencé à la travailler au Parti de Gauche et elle constituait donc un élément important de ce que nous pouvions retirer de notre voyage. Alexis a insisté me dit-il sur l’américanisation du pays et Corinne sur le poids culturel du consumérisme. Ce sont là encore des critiques très importantes car elles soulignent une limite politique cruciale du chavisme. Le gouvernement bolivarien a sorti des millions de personnes de la pauvreté, mais ces nouvelles classes moyennes n’ont souvent pas d’autre horizon que de consommer dans ces immenses centres commerciaux qui pullulent à Caracas et donnent à voir les produits importés des grandes marques occidentales. Beaucoup de membres de ces nouvelles classes moyennes peuvent se dire qu’on en a assez fait pour les pauvres et se tourner vers la droite. Visiblement ces critiques n’intéressaient pas la journaliste. Parce qu’elles ne cadraient pas avec l’argumentaire des partisans de Capriles que relaye systématiquement Le Monde ?

Le contenu de ces critiques peut intéresser le lecteur. Je les signale aussi parce qu’elles ont été proférées « on » pour parler comme Mme Besse Desmoulières dans un article paru quelques jours plus tôt. Celui-ci aussi mérite d’être étudié comme un bel exemple de manipulation. Elle m’avait sollicité pour un papier quand j’étais à Caracas et je lui avais suggéré de voir avec Martine Billard et Eric Coquerel qui se trouvaient eux en France et préparaient la manifestation du 30. Son sujet portait en fait sur « Mélenchon, combien de divisions », évident contre-feu à la veille du 30. Je me demande bien quelle information elle voulait avoir de moi puisque je lis dans son papier au sujet d’Eric, Alexis et moi présentés comme les rares fidèles de Mélenchon que « dans leurs bouches, les formules sont les mêmes que celles du député européen, et aucun ne se risquerait à le critiquer, même en «off» ». Je suggère donc à Mme Besse Desmoulière d’appeler le proche entourage d’Hollande et de lui demander ce qui ne va pas dans la présidence du pays. Elle peut aussi demander aux proches de Fillon et Copé les défauts de leurs candidats ! Si elle n’obtient pas satisfaction, elle pourra recopier son papier en changeant les noms de ceux qui « ne se risquent » pas à émettre des critiques, de peur sans doute de l’autoritarisme tout chaviste de leur « patron ». Dans le cas surprenant où elle obtiendrait la prise de distance demandée, croyez-vous un instant qu’elle n’en ferait pas un papier pour « révéler » les interrogations, doutes ou troubles ayant saisi les états-majors de ceux qui seraient immédiatement décrits comme des chefs en grande difficulté ? Dans l’univers médiatique cela ne se passe pas autrement. Certains des lecteurs du Monde peuvent l’ignorer mais pas une journaliste politique. Elle « l’avoue » d’ailleurs en complétant sa phrase par le fait que nous ne critiquerions pas Jean-Luc « même en off ». Là c’est peut-être moins habituel. Nous n’avons pas besoin du off pour nous épancher. Mais quelle hypocrisie à nouveau ! Car le propre du off est qu’on n’en parle pas dans le journal, non ? Imaginons qu’elle écrive que nous ne critiquons jamais Jean-Luc « sauf en off ». Dans ce cas ce ne serait plus du off bien sûr. En tout cas je retiens que lorsque nous critiquons Chavez en « on » cela est occulté par Le Monde qui ne souffre décidément aucune critique de gauche contre le leader de la révolution vénézuélienne. Pour en finir avec ce sujet, je tiens à vous informer comme vous devez l’être dans un pays  libre que je ne connais aucun journaliste du Monde qui se « risquerait » à critiquer son journal. Sauf un, en off. Mais ce n’est pas Mme Besse-Desmoulières.

Puisque cette note se clôt sur des histoires de presse, je veux vous raconter comment je me suis fait piéger cette semaine par un nouveau site lancé par Robert Ménard et Dominique Jamet. J’ai été contacté dimanche jour de manif pour parler du TSCG, de la part de Robert Ménard qui me dit-on ne peut me parler car il est à l’étranger. J’ai participé plusieurs fois à la matinale de Robert Ménard à Sud Radio. Bien sûr je n’ignore pas sa fascination pour Madame Le Pen et je l’ai d’ailleurs mentionnée à son antenne ce qui m’a valu un doigt d’honneur de sa part, moment de franchise que les journalistes de télévision ne peuvent se permettre. Mais si je devais refuser de répondre à tous les journalistes qui partagent ce travers cela ferait plus de monde que vous ne le croyez (beaucoup m’ont « avoué » ce penchant, en « off » bien sûr). Respectueux de la presse dont M.Ménard a été longtemps une figure emblématique lorsqu’il était président de l’ONG américaine Reporters sans Frontières, dont j’avoue avoir lu des papiers ineptes contre Chavez, je réponds donc aux questions de sa journaliste. Voilà qu’hier on me signale que mon intervieweuse est une militante connue de l’extrême-droite identitaire. Je ne peux croire que cela soit un hasard. D’autant que sur le site de Ménard apparaît surtout la volonté de donner la parole à des figures d’extrême-droite au milieu desquels je me trouve placé malgré moi. Je sais que par ailleurs Ménard a annoncé vouloir conduire une liste aux municipales à Béziers allant du FN à des « personnes du Front de Gauche ». Pure invention auquel il essaie peut-être de donner un semblant de vraisemblance avec de tels procédés. Bien sûr me concernant je n’ai rien à faire en commun avec l’extrême-droite et je ne veux pas partager de tribunes avec eux. C’est le droit de M.Ménard de faire l’inverse. Nous ne sommes pas du même bord politique. Mais il n’a pas à m’impliquer journalistiquement dans ses causes. J’ai eu tort de lui faire confiance parce qu’il était journaliste.


05oct 12

Martine Billard, l'invitée du Blog

Venezuela : rassemblement monstre de soutien à Chavez

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L'original de ce billet a été publié le 4 octobre 2012 sur le blog de Martine Billard

Aujourd'hui a eu lieu à Caracas le rassemblement de clôture de la campagne d'Hugo Chavez. L'objectif était de remplir 7 avenues : pari gagné, une immense marée humaine toute vêtue de rouge s'est déversée dans Caracas

J'essaie toujours de vérifier les affirmations qui nous sont assénées en France à propos du Venezuela. Hier soir j'ai donc regardé la retransmission en directe d'un rassemblement de soutien à Henrique Capriles, le candidat de la droite. Et oui, cela est retransmis sur la chaîne de télévision de l'opposition et n'importe qui peut le regarder et comme c'est une télévision qui le soutient on ne peut l'accuser de déformer ce qui se passe. Le moins qu'on puisse dire est que ce n'est pas un très bon orateur : il se perd dans ses papiers, perd le fil de son discours, essaie de copier les effets de Hugo Chavez mais n'y arrive pas et répète en boucle beaucoup de phrases creuses. Aussi excité que Nicolas Sarkozy, mais bien moins bon orateur et aucun fonds contrairement à lui.

Aujourd'hui donc direction le rassemblement de soutien à Chavez. Mais il faut d'abord savoir que ce pays ne brille pas par la précision dans l'organisation et cela ne date pas de Chavez. Donc à la question, à quelle heure est le rassemblement, à quelle heure est le discours de Chavez, impossible d'avoir une réponse précise.

J'opte donc pour sortir vers 10h30 du matin pour sentir l'atmosphère. Les rues se remplissent déjà de manifestants, le métro est plein, mais chacun fait sagement la queue pour acheter son ticket et il ne viendrait à l'idée de personne, contrairement à la France, de sauter le portillon pour passer sans payer sous prétexte d'aller manifester. Décidément ce pays est plein de surprises. Mais si chacun attend en colonne sur le quai, l'arrivée du train provoque de telles bousculades que je me retrouve séparée du camarade d'Izquierda Unida (Espagne) avec qui j'étais partie. Je l'attends donc à la station d'arrivée. Nous rejoignons un des points de rassemblement. Il est 11 heures et il y a déjà beaucoup de monde. Nous devions retrouver des camarades vénézuéliens à cet endroit. Mais cela s'avère impossible. J'opte au bout d'un moment pour repasser à l'hôtel d'où finalement je repars avec des camarades français. Cette fois-ci nous allons vers l'avenue du Libertador. Pas facile d'avancer avec toute cette foule bonne enfant et qui avance tranquillement en chantant, en criant des slogans, en dansant et moins drôle en soufflant dans cette horrible invention qui s'est imposée depuis à partir de l'Afrique du Sud. Beaucoup de jeunes, à un point impressionnant et un public très, très populaire, beaucoup plus que la marche des jeunes de Capriles que j'ai vu la veille. Nous arrivons quand même à nous frayer tant bien que mal un chemin tout en discutant avec des gens sur le parcours. Nous marchons ainsi un bon bout quand la pluie commence. Nous allons prendre la plus belle pluie tropicale que j'ai jamais vue. Nous aurons mouillé la chemise si on peut dire. Nous sommes rentrés à l'hôtel totalement trempés avec une seule option : se changer intégralement. Les manifestants sont restés stoïques eux.

Que dire en bilan : une ambiance très relaxe à Caracas, une liesse populaire indéniable aujourd'hui. Un discours de Chavez sans aucune attaque contre son adversaire, orienté sur la défense de la patrie et la poursuite du socialisme. C'est vrai que pour nous en France, écouter défendre le socialisme apparaît comme quelque chose de totalement passéiste. Mais pourtant, il s'agit bien d'une campagne électorale ligne contre ligne : le rétablissement du libéralisme avec l'abandon de toutes les avancées sociales ou la poursuite d'un pouvoir qui veut poursuivre dans une meilleure répartition des richesses. Ce qui me frappe c'est que ce qui apparaît comme une violence expropriation est en fait au niveau de ce qui existait en France en 1982 avant le tournant de la rigueur et les privatisations opérées par le gouvernement socialiste de l'époque.

Mais voilà, lorsque les intérêts des multinationales et de la bourgeoisie sont remis en cause, la droite verse immédiatement dans les menaces, quand ce n'est pas dans la violence.

L'Amérique Latine, à commencer par le Chili, a malheureusement souvent vécu des situations de coup d'état pour interrompre des processus où des gouvernements de gauche osaient mener des politiques pour une autre répartition des richesses avec plus de justice sociale.

A 48 heures du scrutin, j'émettrais donc un voeu : que la droite vénézuélienne et la droite internationale, respectent les résultats dimanche soir. Si le peuple vénézuélien vote ce dimanche pour la poursuite du gouvernement de Hugo Chavez, ce sera tout simplement parce qu'entre les deux programmes, il préférera continuer avec celui qui change ses conditions de vie.

On peut comprendre que cela ne plaise pas à tous ceux qui n'ont comme projet politique que d'enrichir toujours plus ceux qui gagnent déjà de trop. Mais pour ma part, tout en restant les yeux ouverts et en gardant mon esprit critique, je me trouverais toujours du côté du peuple qui souffre et qui se bat pour améliorer sa vie et la situation de son pays dans le respect de sa souveraineté.


04oct 12

Par Jean-Luc Mélenchon, député européen et Ignacio Ramonet, essayiste et journaliste - Le Monde du 4 octobre 2012

Hugo Chavez, un homme diffamé

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Hugo Chavez est sans doute le chef d'Etat le plus diffamé du monde. À l'approche de l'élection présidentielle au Venezuela, le 7 octobre, ces diffamations redoublent d'ignominie. Tant à Caracas qu'en France. Elles témoignent du désespoir des adversaires de la révolution bolivarienne devant la perspective (que les sondages semblent confirmer) d'une nouvelle victoire électorale de Chavez. Un dirigeant politique doit être jugé sur ses actes, et non sur les rumeurs colportées contre lui. Les candidats font des promesses pour se faire élire ; rares sont ceux qui, une fois élus, les tiennent. Dès le début, la promesse électorale de Chavez a été claire : travailler au profit de ceux, majoritaires dans son pays, qui vivaient dans la pauvreté. Et il a tenu parole.

C'est le moment de rappeler ce qui est vraiment en jeu dans cette élection au moment où le peuple vénézuélien va voter. Le Venezuela est un pays très riche en raison des fabuleux trésors de son sous-sol, en particulier les hydrocarbures. Mais presque toutes ces richesses étaient accaparées par les élites dirigeantes et des entreprises multinationales. Jusqu'en 1999, le peuple n'en recevait que des miettes. Les gouvernements successifs, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates, corrompus et soumis aux marchés, privatisaient à tout va. Plus de la moitié des Vénézuéliens vivait sous le seuil de pauvreté (70,8% en 1996). Chavez a placé la volonté politique au poste de commande. Il a mis les marchés au pas et stoppé l'offensive néolibérale puis, grâce à l'implication populaire, il a permis à l'Etat de se réapproprier les secteurs stratégiques de l'économie. Il a recouvré la souveraineté nationale. Et a ensuite procédé à une redistribution de la richesse au profit des services publics et des laissés pour compte.

Un îlot de résistance de gauche au néolibéralisme

Politiques sociales, investissements publics, nationalisations, réforme agraire, plein emploi, salaire minimum, impératifs écologiques, accès au logement, droit à la santé, à l'éducation, à la retraite… Chavez s'est également attaché à la construction d'un Etat moderne. Il a mis sur pied une ambitieuse politique d'aménagement du territoire: routes, chemins de fer, ports, barrages, gazoducs, oléoducs. En matière de politique étrangère, il a misé sur l'intégration latino-américaine et privilégié les axes Sud-Sud, tout en imposant aux Etats-Unis des relations fondées sur le respect mutuel… L'élan du Venezuela a entrainé une véritable vague de révolutions progressistes en Amérique latine, faisant désormais de ce continent un exemplaire îlot de résistance de gauche contre les ravages du néolibéralisme. Un tel ouragan de changements a complètement chamboulé les structures traditionnelles de pouvoir au Venezuela et entrainé la refondation d'une société jusqu'alors hiérarchique, verticale, élitaire. Cela ne pouvait lui valoir que la haine des classes dominantes, convaincues d'être les propriétaires légitimes du pays. Avec leurs amis protecteurs de Washington, ce sont elles qui financent les grandes campagnes de diffamation contre Chavez. Elles sont allé jusqu'à organiser – en alliance avec les grands médias qu'elles possèdent – un coup d'Etat le 11 avril 2002. Ces campagnes se poursuivent aujourd'hui et certains secteurs politiques et médiatiques européens les reprennent en chœur. La répétition étant – hélas – considérée comme une démonstration, des esprits simples en viennent à croire que Hugo Chavez incarnerait "un régime dictatorial où il n'y a pas de liberté d'expression".

Mais les faits sont têtus. A-t-on déjà vu un " régime dictatorial " élargir le périmètre de la démocratie au lieu de le restreindre ? Et donner le droit de vote à des millions de personnes dépourvues jusque là de carte d'électeur? Les élections au Venezuela n'avaient lieu que tous les quatre ans, Chavez en organise plus d'une par an (14 en 13 ans). Dans des conditions de légalité démocratique reconnues par l'ONU, l'Union européenne, l'Organisation des Etats américains, le Centre Carter, etc. Chavez démontre qu'on peut construire le socialisme dans la liberté et la démocratie. Il en fait même une condition du processus de transformation sociale. Il a prouvé son respect du verdict populaire en renonçant à une réforme constitutionnelle refusée par les électeurs lors d'un référendum en 2007. Ce n'est pas un hasard si la Foundation for Democratic Advancement (FDA), du Canada, dans une étude publiée en 2011, situe désormais le Venezuela en tête du classement des pays qui respectent la justice électorale . Le gouvernement d'Hugo Chavez consacre 43,2% du budget aux politiques sociales. Résultat: le taux de mortalité infantile a été divisé par deux. L'analphabétisme éradiqué. Le nombre de professeurs des écoles multiplié par cinq (de 65 000 à 350 000). Le pays détient le coefficient de Gini (qui mesure les inégalités) le plus performant d'Amérique latine. Dans son rapport de janvier 2012, la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC, un organisme de l'ONU) établit que le Venezuela est le pays sud-américain – avec l'Equateur -, qui, entre 1996 et 2010, a le plus réduit le taux de pauvreté. Enfin l'institut américain de sondages Gallup classe le pays d'Hugo Chavez, 6e nation "la plus heureuse du monde".

Le plus scandaleux, dans l'actuelle campagne de diffamation, c'est de prétendre que la liberté d'expression serait bridée au Venezuela. La vérité c'est que le secteur privé, hostile à Chavez, y contrôle largement les médias. Chacun peut le vérifier. Sur 111 chaînes de télévision, 61 sont privées, 37 communautaires et 13 publiques. Avec cette particularité que la part d'audience des chaînes publiques n'est que de 5,4%, celle des privées dépassant les 61% … Même chose pour la radio. Et 80% de la presse écrite sont contrôlés par l'opposition ; les deux quotidiens les plus influents – El Universal, El Nacional – étant hostiles au gouvernement. Tout est, certes, loin d'être parfait dans le Venezuela bolivarien. Où existe-t-il un régime parfait ? Mais rien ne justifie ces campagnes de mensonges et de haine. Le nouveau Venezuela est la pointe avancée de la vague démocratique qui a balayé les régimes oligarchique de neuf pays dès le lendemain de la chute du mur de Berlin quand d'aucuns annonçait "la fin de l'histoire" et "le choc des civilisations" comme seuls horizons pour l'humanité. Le Venezuela bolivarien est une source d'inspiration où nous puisons sans aveuglement ni naïveté. Mais avec la fierté d'être du bon côté de la barricade et de réserver nos coups à l'empire malfaisant des Etats Unis et de ses vitrines si chèrement protégées au Proche-Orient et partout où règnent l'argent et les privilèges. Pourquoi ses adversaires en veulent-ils tant à Chavez ? Sans doute parce que, tel Bolivar, il a su arracher son peuple à la résignation. Et lui donner l'appétit de l'impossible.


04oct 12

Martine Billard, l'invitée du Blog

Elections au Venezuela : pour rompre avec les mensonges

Ce billet a été lu 1  698 fois.

L'original de ce billet a été publié le 3 octobre 2012 sur le blog de Martine Billard

Dimanche 7 octobre aura lieu l' élection présidentielle au Venezuela. Alors que j'ai déjà été dans plusieurs pays du cône sud de l'Amérique Latine (Chili, Argentine, Uruguay, Bolivie, Pérou), ou que je me suis intéressée à d'autres (Paraguay, Equateur), jusqu'ici mon attention s'était peu portée sur le Venezuela et mes informations se limitaient surtout à ce qui apparaît dans la presse française. Or le discours général des médias français consiste surtout à expliquer que le gouvernement de Chavez s'apparente à une dictature, qu'il n'y a pas de liberté de la presse, que tout est fait pour empêcher l'opposition de s'exprimer.

Aussi, j'ai accueilli positivement la possibilité d'aller voir sur place.

Je suis donc à Caracas depuis lundi soir et je découvre ce pays avec beaucoup de curiosité. D'abord contrairement aux pays du sud du continent c'est un pays très tourné vers les Caraïbes. La population est très métissée. Ayant séjournée en Espagne à l'époque franquiste et au Chili sous la dictature de Pinochet, je peux au moins faire des comparaisons d'ambiance. Rien à voir, pas ce sentiment d'oppression, de police avec le doigt sur la gâchette. Au contraire une ambiance décontractée, bon enfant.

Ma première préoccupation a donc été de vérifier si les médias étaient si verrouillés que cela. Surprise, au niveau des chaînes de télévision proposées : 77 dont FOX, CCN en espagnol, la télévision d'Espagne etc … Pour ce qui est des chaînes locales, ayant l'avantage de parler couramment espagnol, je peux donc regarder les différents journaux télévisés et me faire une idée. En fait, chaque camp a ses télés. Idem pour ce qui est de la presse écrite avec un avantage très net à la droite qui possède les journaux les plus vendus. Une affirmation donc qui tombe : oui il y a bien pluralisme des médias au Venezuela et même plus qu'en France puisque le gouvernement s'est effectivement donné les moyens d'avoir une presse, des radios et des télés indépendantes des pouvoirs financiers au service de la droite. La différence avec la France est, que selon le média que vous choisissez, vous avez la vision de l'opposition ou celle du gouvernement. Et franchement les deux sont aussi engagées politiquement ! Le journal télévisé de Globovision ou le journal El Unversal valent le Figaro et la Une sans problème !

Il y a 7 candidats à la présidentielle. En fait seulement 2 comptent réellement : l'actuel président Hugo Chavez qui postule à être réélu et Henrique Capriles, candidat de la droite, unie pour la première fois depuis longtemps. Et on ne voit partout dans les rues que la propagande pour ces deux candidats. Mais nouvelle surprise, les affiches et fresques des deux cohabitent sans problème. Quand j'explique à mes interlocutrices vénézuéliennes qu'en France nous nous livrons à des bagarres d'affichage, elles sont toutes étonnées parce que cela ne viendrait à l'idée personne ici d'arracher ou de recouvrir celles des adversaires, et c'est même interdit par la loi.

De la même façon, ce matin me promenant dans une rue piétonne très fréquentée, je croise simultanément les militants de Capriles puis ceux de Chavez distribuant leurs tracts et affiches et interpellant les passants pour les convaincre de voter pour leurs candidats. Cela m'a permis de récupérer les tracts des uns et des autres. Un peu plus et je pouvais me croire rue Montorgueil pendant les dernières élections. Encore un mensonge de plus qui tombe. Vers midi, j'assiste d'ailleurs à une marche de 2000 jeunes dans cette rue pour appeler à voter Capriles.

Hier mardi, j'étais dans la quatrième ville du Pays Barquisimeto, 1 million d'habitants pour un forum pour expliquer la situation en Europe. Débat intéressant avec des militants du PSUV (le parti qui soutient Chavez) et d'autres citoyens. L'un des présents viendra d'ailleurs discuter un moment à la fin en me disant qu'il est descendant de juif estoniens qui ont tous péri à Treblinka. Je me dis que s'il soutient Chavez, c'est quand même que les accusations d'antisémitisme souvent reprises en France et tout récemment encore par Cohn Bendit n'ont pas grand chose à voir avec la réalité. Même ambiance dans cette ville (avec un centre ancien très beau) qu'à Caracas. Nous avons même déjeuné dans un café avec à la table d'à côté des militants de Capriles.

Voilà ce dont je peux témoigner pour l'ambiance générale, bien loin de ce que nous raconte les divers médias français, y compris ceux se disant plus près de la gauche que de la droite.

Le programme du candidat de la droite tourne autour de trois grands axes : réduction du rôle de l'état aux stricts missions régaliennes. C'est drôle, c'est un discours que nous avons entendu durant ces dix dernières années dans la bouche des ténors de l'UMP décentralisation avec transfert de pans entiers d'interventions de l'état au niveau local : écoles y compris la fixation des programmes, l'état n'interviendrait plus que pour le paiement des enseignants ; santé etc … retour à l'économie de marché mise à mal par les nationalisations. Ainsi, il veut ouvrir le capital de l'entreprise nationale du pétrole Une autre proposition porte sur le statut de la banque centrale du Venezuela qu'il veut modifier pour lui donner un statut semblable à celui de la BCE. Ainsi elle ne prêterait plus à l'état. Lorsqu'on voit le désastre que cela provoque en Europe avec des banques qui s'enrichissent sur les différences de taux d'emprunt à la BCE et de prêts aux états ou entreprises, on ne peut que frémir sur les conséquences que cela pourrait provoquer pour l'économie vénézuélienne.

En résumé, le programme de la droite est un programme de facture libérale traditionnelle. Le gouvernement d'Hugo Chavez a beaucoup fait pour améliorer les conditions de vie de la population. L'arrivée de Capriles au pouvoir représenterait une vraie régression sociale.

Les sondages donnent Chavez gagnant. Les bureaux de vote ouvrent dimanche à 6 heures du matin et doivent fermer à 6 heures du soir. Mais différence avec la France, s'il reste des électeurs qui font la queue pour voter à 18 heures, le bureau ne ferme que lorsque tout les présents ont voté. Le système est informatisé avec impression du bulletin de vote qui est ensuite déposé dans l'urne. Il est donc facile de vérifier qu'il y a adéquation entre le nombre de votants et le nombre de bulletins déposés dans l'urne. Ce système est considéré par diverses instances internationales comme très sur. Il est donc particulièrement inquiétant que la droite refuse de s'engager à respecter les résultats et ait déjà appeler ses partisans à descendre dans la rue dès 16 heures et ce alors que les bureaux ne ferment qu'à 18 heures. Pourtant ces représentants siègent à la commission électorale et seront présents dans tous les bureaux de vote ainsi que de nombreux observateurs internationaux venus de tous les pays et de toutes les forces politiques. La CNE (commission nationale électorale) est chargée de vérifier le respect du déroulement des élections dont la partie financière puisque la loi oblige à une transparence totale. De fait, l'opposition semble attirer par une stratégie de la tension en annonçant que si les résultats ne lui conviennent pas, elle ne les reconnaîtra pas : déclaration d'un dirigeant du principal parti de droite qui soutient Capriles. Ceci est par ailleurs repris par la droite à l'échelle internationale (exemple le journal ABC d'Espagne). Leur volonté est de délégitimer Hugo Chavez à défaut de pouvoir le battre démocratiquement. Nous pouvons donc nous attendre à ce que lundi en France les médias prennent le relais.

Je ne regrette donc pas d'être ici car cela me permet de voir de visu ce qu'il en est. Mon but n'est pas de dire que tout est parfait au Venezuela (mais quel pays l'est?), de dire que je suis d'accord à 100 % avec Hugo Chavez (bien sûr que non à commencer par ses relations avec l'Iran) mais de discuter sur ce qui se passe réellement et non sur des mensonges qu'on nous assène régulièrement en Europe.


02oct 12

Par Céline Meneses

Le meeting caché de la droite vénézuelienne

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Lundi soir, à la Maison de l’Amérique latine, une étrange « conférence-débat » sur le Venezuela avait attiré notre attention. Ce n’est pas son intitulé, « Les enjeux des élections présidentielles au Venezuela », apparemment neutre, qui nous a alertés. C’est la composition du panel d’intervenants. Voyez plutôt : Alexandre Adler, journaliste connu notamment pour avoir dépeint le président Chavez en « primate » et en « gorille » et soutien de GW Bush et de Nicolas Sarkozy ; Renée Fregosi, membre du Parti Socialiste français et professeur à l’Institut des Hautes Etudes sur l’Amérique Latine (IHEAL), qui n’a de cesse de dénoncer la soi-disant « dérive autoritaire » de Chavez et pousse la négation de la réalité jusqu’à prétendre que la situation économique au Venezuela est la même aujourd’hui qu’en 1998 ; Daniel Cohn Bendit (par message vidéo) qui, quoiqu’il n’ait jamais mis un pied au Venezuela, dénonce le « totalitarisme » de Chavez à qui veut bien l’entendre ; et enfin, une illustre inconnue, Mercedes Vivas, qui s’est révélée sans surprise être un soutien actif de l’opposition à Chavez. Etrange panel que celui-là où tous les « débatteurs » avaient pour point commun d’être des soutiens de Capriles, le candidat de droite de l’opposition vénézuélienne. Autre fait troublant, la « conférence-débat » était sponsorisée par deux organisations de la droite vénézuélienne à l’étranger : « dialogo por Venezuela » et « Justicia Democracia », toutes deux soutiens de Capriles.

La petite salle de l’auditorium est bien remplie. Il y a beaucoup de jeunes. Il faut dire que l’invitation à la « conférence-débat » a été largement relayée aux étudiants de l’IHEAL venus sagement voir leur professeur. La Conférence commence. La première à prendre la parole est Mercedes Vivas. Elle se présente comme une représentante de « l’opposition démocratique contre le régime de Monsieur Chavez ». Le ton est donné. C’est parti pour une longue litanie multipliant les mensonges habituels du camp Capriles. Tout juste Madame Vivas concèdera-telle que Chavez a réussi la redistribution des revenus pétroliers. Pour le reste les attaques seront d’une violence mensongère inouïe. Celle-ci déclare que Chavez « censure, inculpe et criminalise les vénézuéliens qui le critiquent ou qui gênent son agenda politique ». Il suffit d’aller au Venezuela pour constater que c’est absolument faux, que les journaux, les télés et les radios ne se privent pas de critiquer outrageusement le président et que le mandat révocatoire à partir de la mi-mandat reste une possibilité non contrainte y compris en ce qui concerne le président (qui, rappelons-le, s’y est déjà soumis). Qu’à cela ne tienne, Madame Vivas poursuit. Il lui faut des arguments invérifiables. Elle assène donc : « le régime actuel a fait de la vénalité et de la corruption une arme puissante de domination politique ». Sourde à la réalité populaire elle va même jusqu’à prétendre que « la révolution bolivarienne n’a jamais eu lieu » et que celle-ci ne serait en fait qu’« un phénomène médiatique ». A l’instar de tous les soutiens de Capriles, elle avance qu’en cas de victoire de celui-ci « des milices pro Chavez, armée par le gouvernement alimenteront la violence », façon de nous préparer tous à légitimer un coup d’Etat de leur part dans le cas inverse. Elle en rajoute même et explique que « chaque semaine il faut changer la porte de l’Université centrale de Caracas parce que ces groupes font exploser des camions devant ». Dernière nous, la rangée d’étudiant vénézuéliens explose de rire et nous glissent « le truc, c’est qu’il n’y a pas de porte à l’entrée de cette université ». Mais Madame Vivas veut nous préparer à la violence que son camp prépare. Elle avoue miser sur les militaires. Elle prétend même, tenez-vous bien, que « ce sont les militaires qui ont obligé Chavez à reconnaître les résultats ». Mais heureusement le modérateur rappelle cette dame à l’ordre et lui demande de conclure.

Vient le tour de Madame Fregosi. Les étudiants sourient d’un air crispé, nous comprendrons vite pourquoi. Madame Fregosi commence son intervention par une affirmation qui nous laisse pantois : « en tant qu’observateurs internationaux on ne contrôle jamais rien ». Extraordinaire ! Elle n’a aucun scrupule à se délégitimer elle-même pour délégitimer par avance les résultats des élections de dimanche prochain qui sont parmi les plus surveillées au monde ! Madame le professeur n’y va par la suite pas de main morte sur les affirmations sans preuves : « la justice sociale n’a pas été mise en oeuvre, c’est du clientélisme erratique ». Face aux toussotements dans la salle, elle devra tout de même concéder « mais c’est vrai que la pauvreté a reculé ». Elle se lance ensuite dans une apologie de Capriles : « il est extrêmement convaincu, sincère, nous on n’a plus d’hommes politiques comme ça ». Passons pour la vision des hommes et femmes politiques dont elle fait état, le pire reste à venir : elle qualifie Capriles d’ « homme de centre gauche ». Voilà donc l’idée qu’on se fait du « centre gauche » au Parti socialiste ! Privatisations à tout va, indépendance de la Banque centrale etc. Dans la salle, nous sommes plus d’un à équarquiller les yeux. Vient alors le moment tant attendu où Madame Fregosi dénonce à son tour la soi-disant « censure » mise en place par Chavez (bien qu’expressément interdite dans la Constitution que Chavez lui-même a fait adopter). « La presse écrite n’est pas censurée mais elle ne touche que les intellectuels. Mais à la télévision ou à la radio la censure est totale ». Une rumeur parcoure la salle. Elle se corrige « Je parle des télés publiques, mais les chaînes privées comme Globovision on ne les a que par satellite ». Ça devient parfaitement ridicule. De la salle quelqu’un crie « Non mais vous avez déjà allumé une télévision au Venezuela ? Vous vous foutez de notre gueule ? ». « Chuuuut » fait une autre partie de la salle. On ravale notre indignation pour le moment, nous qui savons que Globovision et autre sont prédominantes de le paysage télévisuel vénézuélien. Madame Fregosi poursuit. Elle a décidé que « l’antisémitisme est une ligne mineure mais permanent chez Chavez ». Intéressant. Surtout quand on sait que Chavez n’a jamais tenu le moindre propos antisémite et que le Conseil Juif Latino-Américain se soit félicité de la part que le président Chavez prend dans la lutte pour l’éradication de l’antisémitisme. Ce n’est pas un problème pour Madame Fregosi qui explicitera même plus tard le fond de sa pensée : « le populisme a toujours besoin de l’antisémitisme car il crée un ennemi commun ». Pourquoi cet ennemi devrait-il être sémite ? Aucune explication ne nous est donnée. Le propos ne manque pas d’indigner dans la salle. Avant de conclure son intervention, elle y va aussi de sa couche de préparation des esprits à un potentiel coup d’Etat : « Est-ce que les gens vont voter pour Capriles selon leur coeur ou auront-ils peur de la guerre civile ? ». Elle prétend en effet qu’au Venezuela les gens n’osent pas s’afficher pour l’opposition, que les fonctionnaires qui le font sont « saqués » et que certains groupes de gauche « de la population » sont violents.

Vient alors le moment d’écouter Cohn Bendit. La vidéo ne veut pas marcher. On invite donc Alexandre Adler à prendre la parole. Cela fait déjà plus d’une heure que nous subissons ce qui a tout du meeting de soutien à Capriles et rien d’une conférence-débat quand celui-ci prend la parole. Certains sont ravis. D’autres en ont franchement marre. Adler commence par dénoncer « le mouvement chassez-les tous qui plaît tellement à Monsieur Mélenchon ». Il se lance alors dans une ode à la démocratie d’avant Chavez : « le paradis avant l’enfer, Chavez a été élu et tout s’est dégradé ». Dans la salle on est quelques-uns à s’énerver. C’est quoi le paradis ? La pauvreté incroyable dans laquelle était plongée la majeure partie de la population ? L’exclusion des pauvres des listes électorales ? L’absence de possibilité de référendum populaire ? L’austérité généralisée ? La répression du Caracazo ? Tout à fait… D’ailleurs Adler enfonce le clou : il soutient Carlos Andrés Pérez, le président qui a ordonné la répression sanglante du Caracazo (3000 morts) représente « la classe politique décente ». Lojn de s’excuser d’avoir traité un élu du peuple vénézuélien de « primate », il en rit et s’esclaffe sous nos yeux ébahis « le primate n’a pas aimé ! ». Nous sommes tellement interloqués que nous en restons paralysés. Il enfile alors une série d’insulte à l’égard du président Chavez : « c’est un mariole », « c’est un parachutiste sensible », « c’est un personnage grotesque, baroque, dégoutant et inquiétant ». L’énervement est à son comble quand Adler commence à s’en prendre à Cuba. « Les cubains vivent des subsides que leurs envoient leurs familles des Etats-Unis, personne n’y mange à sa faim ». « La faute à qui ? » crie un jeune. « Je ne suis pas pour l’embargo mais ce n’est pas l’embargo le responsable ». « Bah voyons ! » crie un autre soutenu par plusieurs membres de l’assistance. Adler se lance alors dans une de ses élucubrations. Il explique que c’est Raul Castro qui a expliqué à Chavez qu’il « ne devait pas prendre tous les pouvoir mais mettre en place une dictature douce pour ne pas répéter les erreurs cubaines ». « Donne-nous des preuves » crie-t-on ? « D’où sortezvous ça ? » Pas de réponse bien sûr. Adler s’en sort par une pirouette « il suffit d’écouter Chavez pour voir que le climat d’intimidation est permanent ». « Et au Honduras avec tous les morts parmi les journalistes et les syndicalistes ? Et en Colombie ? Elle est là la répression pas au Venezuela ! » crie quelqu’un devant. Adler lui demande de se taire. L’homme répond « Oui, enfin, on ne fait que vous écoutez depuis tout à l’heure et c’est particulièrement pénible à force ! ». Adler va alors nous faire un aveu incroyable : « Mais si vous avez cru que ce n’était pas un meeting de soutien à Capriles, vous vous êtes laissés abuser. Bien sûr que nous sommes pour Capriles ! ». Les trois quart de la salle applaudit. Les étudiants de l’IHEAL en criant « c’est un scandale ! ». De notre côté on crie aux orateurs « On a été invités à une conférence-débat, pas à un meeting ! On veut un débat ! Vous avez promis un débat ! C’est écrit noir sur blanc ‘conférence-débat’ !c’est de la publicité mensongère, c’est honteux ! ». Dépassé par les événements, Adler reprend sur le même ton. Il dénonce « l’alignement de Chavez sur l’Iran » et la « multiplication des écoles islamistes au Venezuela ». Comme le nombre d’école islamiste au Venezuela n’a pas augmenté au point que qui que ce soit s’en rende compte et que la politique de Chavez et de l’Iran n’ont strictement rien en commun, on se contente de lui crier « N’importe quoi ! Montre-les nous ! ». Il poursuit et s’en prend à Rafael Correa qu’il appelle « l’homme au fouet, qui a fait sa campagne avec un fouet », montrant son ignorance crasse du jeu de mot que constitue l’idée de dire que « Correa » va donner des « correazos » (coup de ceintures) aux oligarchies. On soupire. Mais là il décide de déclarer que « Correa a accueilli très largement et généreusement les FARC ». Les équatoriens présents s’étouffent. « Des preuves ! Donne-nous des preuves pour voir ! ». « Mais les ordinateurs bon sang ! » dit-il visiblement exaspéré. « Et comment tu sais ce qu’il y a dedans ? Qu’est-ce qui constitue une preuve là-dedans ? Et d’abord êtes-vous d’accord avec la façon dont ces ordinateurs ont été obtenus en violation totale du droit international ? ». Excédé d’être mis devant ses contradictions, il s’exclame « les chavistes veulent me faire taire mais je ne me tairai pas ». Pauvre bichette… Ça ne l’empêche pas de terminer sur une affirmation des plus méprisable qu’il tient de Solidarnosc : « la révolution c’est la violence, c’est l’intolérance généralisée ». Voilà. C’est reparti. Chavez a beau avoir fait une révolution par les urnes et la plus démocratique qui soit, on le taxe de violence généralisée.

On en était là quand est arrivée l’heure d’écouter Cohn Bendit. Sa voix retentit sans image : « Je voulais vous dire tout le mal que je pense de Hugo Chavez ». L’enregistrement est bref. « Dany » y multiplie les grandes déclarations sans preuve contre le président Chavez. « Chavez est un danger pour la démocratie et les droits de l’Homme ». Dans un cas comme dans l’autre, on aurait aimé qu’il argumente. Mais il n’est pas là, pas moyen de lui demander sur quoi il fonde ses affirmations. En tous cas, une chose est claire : un soutien de Sarkozy, une membre du parti socialiste et monsieur Cohn Bendit ont uni leurs voix ce soir pour soutenir le projet droitier de Capriles dont l’axe principal sont les privatisations. L’alliance austéritaire se reforme donc sous nos yeux. Il n’y a pas que concernant le Pacte bugétaire que ceux-là sont d’accord. Ils s’accordent aussi pour appauvrir les peuples ailleurs qu’en Europe.

Vous remarquerez les points communs à tous ces orateurs. Selon eux la démocratie d’avant Chavez était mieux (faire croire en dépit des nombreuses avancées démocratiques que Chavez est un « dictateur » qu’il faudrait faire tomber), la censure est un fait indéniable (en dépit de la réalité vécue sur place et le fait que Capriles reste en tête du temps de parole accorder sur les chaînes privées, majoritaires dans le pays), le risque de guerre civile est réel (façon de préparer les esprits à la violence que la droite pourrait mettre en oeuvre en cas de victoire de Chavez, Capriles vient d’ailleurs d’annoncer qu’il ne reconnaîtrait pas les résultats et ne reconnaîtrait que « ceux du peuple »). Ils ont aussi en commun le fait de vouloir faire passer le président Chavez pour un fou qui « hystérise les foules » (Fregosi) ou qui se fait rappeler à l’ordre par l’armée ou Raul Castro (Adler). Un « téléévangéliste » dont la révolution est « un effet médiatique ». Décrédibiliser, instiller la haine et préparer les esprits à la violence, voilà leur technique. Certains parmi eux sont même allés jusqu’à parler de « contre coup d’Etat » en parlant de 2002, considérant que Chavez était un « putschiste » bien qu’étant passé 13 fois devant les urnes ! Si Chavez est réélu l’idée sera donc la même : un « contre coup d’Etat » légitimé par la non reconnaissance des chiffres des organes officiels et par la décrédibilisation des observateurs internationaux.

Vient l’heure du « débat ». Un bolivien explique qu’il se sent profondément blessé par ce qu’il a entendu dans la bouche des orateurs. Il rappelle que le but des révolutions en cours est d’atteindre le « bien vivre » pour tous. Il insiste sur l’ALBA qu’Adler a fustigée sans même savoir en prononcer le nom (il dit « ALDA »). « Pour nous l’ALBA c’est la solidarité, ça vous dit quelque chose la solidarité ? ». Pas de réponse. Un jeune homme demande « Que pensez-vous du soutien de Lula à Chavez ? ». La question gène visiblement. Prenant un air emprunté, les orateurs nous explique que c’est de la pure diplomatie entre le Brésil et le Venezuela, que Lula ne peut pas critiquer le processus vénézuélien car il ne veut pas apparaître comme un soutien de l’oligarchie et des USA, nous explique Fregosi. « Mais les deux processus, brésilien et vénézuélien, n’ont rien à voir » ajoute-t-elle. « Pourtant Lula a bien dit à Chavez ‘ta victoire sera la nôtre’ » crie quelqu’un depuis la salle. Pas de réponse. Un jeune homme leur fait alors état des chiffres de la CEPAL (ONU) sur les avancées sociales au Venezuela et demande aux orateurs ce qu’ils ont à rétorquer à cela. C’est encore Fregosi qui répond. Elle ne reconnaît pas « les chiffres de la CEPAL vénézuélienne ». « Mais madame la CEPAL est une agence onusienne qui a son siège au Chili, pas à Caracas ! » crie un jeune vénézuélien. Qu’à cela ne tienne. Fregosi n’en démord pas. Une jeune femme très agitée prend alors la parole : « A-t-on envisagé que le Venezuela puisse être en guerre civile dans une semaine ? C’est un vrai risque, non ? Moi j’ai peur ». La mine réjouie des orateurs à cette question fait froid dans le dos « Aaah ! Voilà enfin une bonne question ! » s’exclame même le modérateur. Et c’est reparti sur les groupes armés « par le gouvernement », l’ « ambiance de violence généralisée» et le « risque réel de guerre civile ». Un jeune homme équatorien qui demande la parole depuis près d’une demi-heure fini enfin par y accéder. Il expose calmement les chiffres : le nombre de chaînes radios et télé privées, publiques et communautaire d’abord en demandant où est la censure, la réduction de la pauvreté en chiffre et les augmentations successives du salaire minimum. Il développe le tout, interrompu à chaque instant en expliquant « vous avez asséné beaucoup de choses sans chiffres, sans preuves, voici des chiffres, voici des preuves, nous voulons savoir quels arguments vous pourriez leur opposer ». Dans la salle certains deviennent rouge de rage. Il crient « dégagez avec vos chiffres chavistes ! ». Les orateurs refusent de répondre et veulent prendre une autre question. « Eh ! On a droit à des réponses ! C’est un débat ou pas ? Donnez-nous des réponses ! » s’exclame-ton. On vient nous dire de « nous calmer ». On indique qu’on est venu à un débat et qu’on exige que les orateurs se soumettent aux règles du débat et nous donnent des arguments. Les orateurs refusent toujours de répondre. « Mais pourquoi vous ne voulez pas nous répondre ? Vous n’avez rien à dire ? ». Lena Sofre, soutien de Capriles bien connu, qui tient le micro ambulant s’approche de nous hystérique « Vous sortez d’ici, maintenant ! Vous sortez ! ». On lui répond « Mais pourquoi ? Nous on demande seulement des réponses ! Pourquoi ils ne nous répondent pas ? C’est ça un débat pour vous ? C’est ça la démocratie selon vous ? ». Dans la salle, les insultes à notre égard fusent. D’autres nous soutiennent et dénoncent avec nous le comportement des orateurs. Du côté des adeptes de Capriles, certains deviennent vraiment limite. Leurs mouvements d’humeur mal maitrisés font craindre des débordements. Adler prend le micro : « Nous allons devoir arrêter là du fait du sabotage organisé dont notre réunion a été victime ».

On s’est tous retrouvés après en bas et on est partis manger ensemble. La plupart d’entre nous ne se connaissaient pas. Le « sabotage organisé » n’est en fait que la venue spontanée de militants et sympathisants de la gauche française et latino-américaine alerté par l’étrange panel de cette « conférence-débat ». Sans doute aurions-nous été moins pertinents si nous avions organisé notre coup. En tous cas, des liens d’amitié et de camaraderie très forts se sont tissés entre nous. Français, équatoriens, vénézuéliens, boliviens, mexicains, étudiants, militants, journalistes de gauche, on est tous partis manger ensemble dans une ambiance bon enfant.




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